Route de nuit

24 heurs et malheurs du Mans : la boucle mancelle à hauteur d'homme

Il n'est pas question que d’heurs et de malheurs dans cet ouvrage publié par trois auteurs aux éditions du Rocher. C'est avant tout l'histoire de ceux qui ont fait la gloire et la légende des 24 heures qui fête son centenaire cette année. Une légende qu'ils ont parfois, certes, payée de leur vie.

24 heurs et malheurs du mans : la boucle mancelle à hauteur d'homme

Robert Benoist, vainqueur du Mans et résistant.

Des livres, des articles, et des commentaires sur la course automobile. Il y en a tant. Pourtant, généralement, toute cette littérature amoncelle les chiffres et les statistiques alors que les sports mécaniques sont aussi, et surtout, des histoires d’hommes. Des histoires de joie et de souffrance, de dépassements physiques, de victoires flamboyantes, de défaites amères et de drames.

Du coup, 24 heurs et malheurs du Mans, qui ne parle (presque) que de ceux qui ont fait la légende de la boucle mancelle, ne porte pas toujours très bien ce titre. Car les 280 pages de ce récit qui égrène les 100 ans de la plus célèbre course du monde ne sont pas seulement une accumulation de malheurs, mais une saga des vies humaines qui ont forgé parfois la gloire de ses acteurs mais souvent leur légende, qu’elle se termine sur le podium ou de manière beaucoup plus tragique.

Robert Benoist, vainqueur dans la Sarthe et pendu à Buchenwald

Ils se sont mis à trois pour établir cette chronologie des héros du Mans. Deux journalistes et un romancier qui nous font replonger au cœur du week-end des 24 heures, et souvent bien avant, dans les préparatifs de la course comme dans la vie des pilotes qui l’ont marqué, et qui parfois, rejoignent la grande histoire. Comme Robert Benoist, vainqueur de la boucle avant-guerre, résistant pendant celle-ci, arrêté et pendu à Buchenwald. Lorsque les grands prix et les 24 heures reprennent à la libération, il en sera le grand absent. Une histoire d’homme, toujours.

Willy Mairesse : son accident a modifié le règlement.

Willy Mairesse : son accident a modifié le règlement.

Une histoire d’homme comme celle de Willy Mairesse aussi, grand pilote et grand malchanceux des années soixante. C’est à cause, ou grâce à lui que le départ des 24h ne se fera plus avec cette curieuse course à pied, qui, jusqu’en 1968 la débutait, les concurrents se précipitant vers leur auto pour prendre le départ. Cette année-là, pour gagner du temps, Mairesse décide ne pas boucler son harnais, une fois installé à bord. Mais moins d’un tour plus tard, il sort de la piste. Le belge en sort gravement blessé. Il ne montera plus jamais dans une voiture de course et se suicide un an plus tard. Une terrible histoire d’homme.

Les trois auteurs évoquent bien évidemment, la course tragique de 1955, celle du terrible décompte, des 84 morts, et des 122 blessés. Elle n’est pas due à un homme, mais à l’étroitesse de la piste dans la ligne droite des stands, que certains pilotes ont signalée à l’organisateur, en vain. Mais elle a été déclenchée par un homme : Pierre Levegh, le pilote français engagé par Mercedes, au nom du talent, mais aussi de la réconciliation franco-allemande.

En 1955, 84 morts, mais la course reprend

Au 33e tour, une voiture, tente une queue de poisson pour rentrer au stand. C’est le carambolage. Levegh arrive au volant de sa 300 SLR. Il est à fond. Devant lui, une Austin, presque à l’arrêt forme un tremplin pour sa Mercedes, qui s’envole dans les stands, provoquant une tragédie. Le corps du Français est projeté à 75 m de la voiture. Il est méconnaissable et sera identifié grâce à son nom, cousu sur ce qu’il reste de sa combinaison. Mais, parce que c’est le règlement, et parce que les organisateurs ont voulu « éviter la panique chez les 300 000 spectateurs », la course a repris et Jaguar a gagné. Personne ne s’en souvient, ou n’a voulu s’en souvenir.

Pierre Levegh, à l'origine, bien involontairement, du drame de 1955.

Pierre Levegh, à l’origine, bien involontairement, du drame de 1955.

Bien sûr, le livre est truffé d’autres sagas, d’autres histoires de pilotes et de team managers qui ont forgé la légende la Sarthe ou la leur, comme Jean Rondeau ou Henri Pescarolo. L’ouvrage a aussi ses petits défauts. Souvent rédigé à coups de dialogues entre les protagonistes, ses auteurs ne disposent évidemment pas des termes exacts employés à l’époque. Mais qui pourrait imaginer qu’un Peul Newman, au moment de convaincre Dick Barbour de le prendre dans son écurie pour les 24 heures de 1979, lui explique « qu’il peut décrocher des sponsors blindés de thunes ». Pour autant, ce livre est indispensable, ne serait-ce que par sa démonstration éclatante : que la course automobile est définitivement une histoire humaine, plus qu’une simple affaire de bielles.

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