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Afeela : le pari risqué de Sony et Honda

Les deux industriels japonais ont donc décidé de lancer une nouvelle marque, avec un premier véhicule connecté et faisant la part belle au divertissement. Mais d’ici 2025, la concurrence a largement le temps d’occuper le terrain.

Après avoir présenté deux concepts, en 2020 puis en 2022, Sony a donc fait le choix de se lancer dans l’aventure d’une nouvelle marque automobile, officialisée lors du dernier CES de Las Vegas. Il n’y va pas tout seul, puisqu’il a décidé de s’associer avec son compatriote Honda, qui vend environ 4 millions de voitures par an, dont la moitié en Asie.

La marque se caractérise par l’esprit de compétition et met la passion au centre de sa vision pour 2030. Des valeurs qui ne sont guère éloignées de celles de Sony qui met en avant l’innovation, la créativité et avant tout l’émotion. Les deux compagnies sont nées après la seconde guerre mondiale (1946 pour Sony, 1948 pour Honda) et ont acquis une renommée mondiale.

Leur alliance s’est finalement très vite concrétisée. Après la signature d’un protocole d’accord en mars 2022 sur la mobilité et les services, les deux groupes ont décidé trois mois plus tard de monter une structure commune (détenue à 50/50), Sony Honda Mobility (SHM) dont le Président est Yasuhide Mizuno, le responsable de la division auto de Honda, secondé par Izumi Kawanishi, l’expert en robotique de Sony.

La nouvelle marque a donc pour nom Afeela, un terme censé exprimé les sentiments, et que les anglo-saxons ont vite moqué et détourné (I feel a…). Et elle se présente comme une compagnie high-tech de mobilité, pas comme un constructeur. Le prototype a en tout cas séduit Wired et The Verge, qui lui ont décerné le prix de la meilleure voiture du CES.

Un retard à combler dans l’électrique

Dans un environnement devenu très concurrentiel, lancer une marque est devenu un exercice risqué.

Sur le marché de l’électrique, Tesla est le seul acteur qui a réussi à se faire une place parmi les grands, au bout de 15 ans, bien qu’il soit très fortement challengé par BYD et la multitude de constructeurs chinois qui partent à la conquête du monde. Et les nouveaux venus, tels Rivian, Lucid ou le vietnamien VinFast ont encore tout à prouver.

La première difficulté pour Afeela sera déjà d’être crédible dans la propulsion électrique. Il se trouve que Honda n’est pas le plus avancé dans le domaine. Il est plus reconnu pour son expertise dans les moteurs (30 millions par an, de la tondeuse à l’avion en passant par les motos et les voitures). Tout comme Toyota, il s’est engagé tardivement dans le 100 % batterie. Et si la marque peut afficher à son crédit la Honda e, au look décalé et qui tranche par ses technologies numériques, il va falloir combler le retard. Le groupe a prévu de sortir 30 modèles électriques d’ici 2030, avec plus de deux millions de véhicules vendus par an. Il va mettre en place une nouvelle architecture en 2026 et proposer une gamme entière, de la micro citadine au véhicule haut de gamme, avec a priori au moins deux véhicules sportifs.

Honda a aussi multiplié les accords avec des fabricants aussi variés que CATL, Envision AESC, GS Yuasa, General Motors (qui est aussi son partenaire pour développer des véhicules électriques abordables) et LG en fonction des marchés. Il affirme être en mesure de proposer des batteries solides en 2025 et avance également que le coût de ses VE sera équivalent à un équivalent thermique en 2027.

L’innovation se trouvera à l’intérieur

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Prévu pour être produit aux Etats-Unis à la fin de 2025, avec des livraisons dès le printemps 2026, le premier modèle d’Afeela aura sans doute des caractéristiques aux standards du marché en termes d’autonomie et de performances. Mais, c’est plus sur le design (amplifié par une large signature lumineuse), et l’ambiance intérieure (avec un cockpit très épuré, un volant encore plus radical que le Yoke de Tesla et sa kyrielle d’écrans, y compris au niveau des rétros) que la marque séduira le client.

La promesse est d’exalter les sens et d’apporter une expérience de mobilité. Comme on a pu le voir sur le prototype exposé au CES, la voiture pourra adapter l’affichage (extérieur comme intérieur) en fonction de l’humeur et de la personnalité, ainsi que les réglages des sièges, du volant et du son. La reconnaissance faciale est au programme.

Et à bord, les occupants – conducteur comme passagers – seront dorlotés dans un véritable cocon. Entre le son spatial (Audio 360 Reality), les jeux vidéo (tout le catalogue de Sony Interactive Entertainment dont PlayStation) et les films des studios Columbia sur des écrans XXL, la future voiture sera un Home Cinema sur roues.

C’est effectivement une belle promesse, mais la concurrence prévoit aussi de développer le gaming à bord. Si un accord est annoncé avec Epic Games pour bénéficier à bord du moteur Unreal Engine et l’appliquer au graphisme des écrans, c’est déjà une réalité sur l’EX90 de Volvo. Et le streaming vidéo commence à devenir une réalité, comme chez BMW et Mercedes par exemple. Sony, qui considère l’automobile comme un prolongement du salon, entend faire la différence par la qualité des contenus et promet une expérience immersive.

Capteurs et technologies de pointe

La différence pourrait aussi se faire à travers les aides à la conduite.

Pas moins de 45 capteurs sont annoncés à bord du véhicule d’Afeela, entre les caméras (15 à l’extérieur, 7 à l’intérieur), les radars, les capteurs à ultrasons et un lidar. Sony, qui a acquis une grande expérience dans la photo, et qui fabrique des millions de capteurs, a développé un système de traitement de l’image qui sera très utile pour détecter les obstacles. La promesse a minima est un système de conduite semi-autonome de niveau 3.

Par ailleurs, la réalité augmentée sera au rendez-vous pour la navigation GPS, avec une qualité d’image très prometteuse. Pour gérer tous ces flux, on sait par exemple qu’Afeela va se reposer aussi sur Qualcomm et sa solution Digital Chassis. Par ailleurs, Elektrobit (filiale de Continental) a apporté son expertise en matière de software pour le traitement des infos au tableau de bord et pour gérer l’affichage sur tous les écrans.

Depuis 2019, la société collabore avec Sony. Le géant japonais de l’électronique a choisi des partenaires solides. Pour autant, c’est toute l’industrie automobile qui bascule dans l’ère du véhicule défini par logiciel, avec des contenus que vont pousser d’autres éditeurs (comme Amazon qui propose aux USA sa plateforme Fire TV chez plusieurs constructeurs, en lien avec son assistant vocal Alexa).

Un gain potentiel pour Honda

Pour le moment, avec moins de 300 abonnés sur Facebook et Twitter, les réseaux sociaux d’Afeela n’affolent pas les compteurs (plus de 1 million de vues en revanche sur youtube pour la vidéo de l’annonce de la marque au CES). Et il y a encore trois ans à tenir avant de voir l’auto dans les rues. La marque propose en attendant de recruter de nouveaux talents, qui seront employés chez l’un ou l’autre des deux partenaires en fonction de leur profil.

Dans cette aventure, Sony a plus à y perdre que Honda si la recette ne prend pas. Le constructeur a sa propre feuille de route dans l’électrique et a déjà fort à faire pour tenir les délais, vu l’ampleur du plan produits.

Cette alliance lui sera de toute façon bénéfique. Honda, qui doit aussi développer une plateforme avec du software et des services connectés, pourrait s’appuyer sur son compatriote, d’autant que Sony a aussi des compétences dans le domaine de l’intelligence artificielle.

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