Lancia

Après les méventes de DS et Alfa, le pari fou de Stellantis pour relancer Lancia

après les méventes de ds et alfa, le pari fou de stellantis pour relancer lancia

Lancia Purazero

Lors d’un Design Day ce lundi, Lancia a voulu confirmer sa renaissance. A travers un concept sans roues dévoilé ce lundi et qui tient plus de la sculpture de salon non figurative que de l’automobile. Empêtré dans le haut de gamme avec ses Alfa Romeo et DS qui ne se vendent pas, Stellantis aura fort à faire pour relancer Lancia.

Alfa Romeo? Une marque au passé glorieux mais moribonde depuis des années. La firme au blason des Visconti n’a écoulé que 56.000 Giulia et Stelvio l’an dernier, même si elle espère faire mieux cette année avec le nouveau SUV compact Tonale.  DS? Le label créé artificiellement en 2009 et rendu indépendant de Citroën par Carlos Tavares à son arrivée chez PSA en 2014,  a fait encore moins bien qu’Alfa Romeo avec à peine 48.850 unités dans le monde en 2021. Et c’est dans ce triste contexte que Stellantis s’apprête à relancer une énième marque “premium”,  Lancia, qui n’a vendu qu’un peu plus de 43.800 unités l’an passé. Mais “que va donc faire Stellantis dans cette nouvelle galère?”, s’interroge un expert de l’automobile.

Ce lundi,  le groupe franco-italo-américain a en effet confirmé la renaissance programmée de cette marque de 116 ans. Lors d’un Design Day totalement surréaliste, la marque Lancia a dévoilé un concept qui se veut le manifeste du futur de la marque. Le hic, c’est que ce concept sans roues tenait plus de la sculpture de salon non figurative que de l’automobile. Un vrai attrape-nigaud, qui ne peut que décevoir tous ceux qui attendaient plus qu’un objet non identifié caricatural, baptisé Purazero. Avec en accompagnement un discours stéréotypé sur la grâce, le caractère, l’élégance, l’émotion, censément liés à la marque. Du blabla, totalement hors sol. Le groupe Stellantis devrait s’abstenir de ce genre d’exercices ridicules.

Trois modèles nouveaux

En novembre 2021, le directeur de la marque Luca Napolitano avait pourtant annoncé une feuille de route claire qui prévoyait trois nouveaux modèles, entre 2024 et 2026.  En mai dernier, le plan stratégique repoussait à 2028 le lancement du troisième modèle. Le premier prévu est une toute nouvelle citadine Ypsilon. Sur la plateforme de la Peugeot 208, a priori. Ce modèle remplacerait l’actuelle Ypsilon qui va sur ses onze ans et n’est plus vendue qu’en Italie. Les spécialistes espéraient que Lancia lève ce lundi le voile sur ce futur véhicule. Mais que nenni! Une grande Aurelia (nom de code) devait venir deux ans après, vers 2026, reprenant possiblement le nom de la Lancia emblématique des années 1950, qui fut livrable en berline, coupé et cabriolet. Enfin, un modèle intermédiaire baptisé Delta, en référence à la célèbre compacte des années 1980 et 1990 qui fut championne du monde des rallyes, arriverait à la fin de la période. Deux de ces trois modèles devraient être purement électriques.

La recréation de Lancia est prévue sous la houlette de  Jean-Pierre Ploué, qui supervise le style des marques françaises (PSA) de Stellantis, mais aussi des Opel, Fiat, Alfa Romeo et Lancia. A 59 ans, cet ancien de Renault, Volkswagen, Ford, entré chez PSA en 1999, est “Chief Design Officier” des marques européennes du nouveau groupe Stellantis. “Je me sens comme un jeune designer passionné face au nouveau défi des marques mythiques italiennes”, s’enthousiasmait-il dans un entretien avec Challenges au début de l’été . D’ailleurs, Jean-Pierre Ploué est, en plus de ses fonctions de supervision, directement en charge du design de Lancia, et évoquait alors une liste de modèles légèrement différente que la feuille de route annoncée. Pour Lancia, “nos références sont les Aurelia (années 1950), le coupé Fulvia (1965-1976), la Delta (1979-1993)”, assurait-il. Des modèles qui hantent les rêves des collectionneurs. Jean-Pierre Ploué assure: “ne vous inquiétez pas! On a trouvé (une identité visuelle). On reconnaîtra une future Lancia de très loin”. Mais, pour le savoir, il faudra donc attendre.

L’ombre d’elle-même

Le problème est que cette marque mythique n’est depuis longtemps que l’ombre de ce qu’elle a été. Oubliée et quasi-inconnue en dehors de quelques passionnés en Europe ou des acheteurs italiens d’Ypsilon qui l’acquièrent surtout pour son prix modique. Les relances successives de la marque par le groupe Fiat, puis FCA (Fiat Chrysler Automobiles), ont échoué. La dernière Delta, lancée en 2008, était chargée notamment d’enrayer l’inexorable déclin. Las, cette Delta de la dernière chance… n’a pas rempli son contrat. Pour être rentable, elle se devait de trouver 70.000 acheteurs par an. Bof, il s’en est fabriqué moins de la moitié dans sa meilleure année, Depuis la belle berline, sportive et élégante, Kappa du milieu des années 1990, Lancia n’a guère sorti de modèles vraiment marquants. Quant à l’Ypsilon actuelle, toujours en production en Pologne aujourd’hui, elle se voulait une Fiat chic. Mais, mal dessinée, peu raffinée avec une finition médiocre, elle s’est cassée les dents contre sa cousine… Fiat 500, sortie en 2007 et qui a rempli le créneau de la citadine à la mode. Pas de chance. Bref, une voiture ratée face à une cousine qui exhibait tous ses charmes.

Fondée à Turin en 1906 par Vincenzo Lancia, avec Claudio Fogolin et Davide Aupicci,  la firme  s’est toujours distinguée par l’originalité technique de ses véhicules. En 1937, Vincenzo Lancia meurt d’une crise cardiaque, à l’âge de 56 ans. Il n’assiste donc pas à la présentation de la dernière voiture qu’il a personnellement mise au point, et qui constituera un grand succès commercial, du moins pour une marque aussi élitiste: l’Aprilia. Celle-ci fera connaître le label internationalement. Son épouse et son fils, ingénieur, prennent la direction de la société. Lancia gagnera ses lettres de noblesse de grand constructeur en 1950 avec la présentation de la belle Aurelia, dotée de raffinements techniques inouïs pour l’époque comme la suspension à quatre roues indépendantes et un groupe boîte de vitesses-embrayage-différentiel à l’arrière. L’Aurelia fera beaucoup pour la renommée de la construction automobile italienne d’après-guerre. En 1956, la gestion de la société devient très délicate et le groupe cimentier Italcementi la rachète. Lancia lancera ses magnifiques Flaminia de très haut de gamme (1957), ses berlines de catégorie moyenne Flavia (1960) et Fulvia (1963). Avec près de 350.000 exemplaires, cette compacte sera notamment diffusée dans une sublime version coupé commercialisée en 1965, qui deviendra championne du mondes des rallyes.

La firme détiendra d’ailleurs le record du plus grand nombre de victoires et de titres remportés grâce à la Fulvia coupé, puis la Stratos et la Delta Integrale, sacrée six fois consécutives entre 1987 et 1992. Mais, entre-temps, en difficultés financières, Lancia aura intégré le groupe Fiat en 1969. La lente descente aux enfers commencera en 1986 quand Fiat reprendra aussi Alfa Romeo. Le groupe italien ne saura pas quoi faire de ses deux marques qui vont se marcher sur les pieds. Lancia sera finalement sacrifiée au profit d’Alfa, qui n’en sera pas moins également gérée de manière erratique par le consortium transalpin. Comble de décadence, lorsqu’il reprendra Chrysler en 2010, Fiat affublera Lancia de modèles américains obsolètes, qui finiront par dynamiter ce qu’il restait de l’image de noblesse et grande classe chez Lancia. Une gestion là aussi catastrophique. On espère une renaissance de Lancia à la hauteur de sa brillante histoire. Une très rude gageure.

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