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Essai Honda Integra Type R (DC2) : la légende dit-elle vrai ?

La route devant moi s’éclaircit enfin suffisamment pour que la Type R puisse se dégourdir les jambes. Une longue ligne droite, en légère montée, aboutit sur un joli gauche parfaitement visible au loin entre les arbres. Je prends l’accélérateur, lâche lentement l’embrayage. J’y vais doucement au début, le moteur bourdonne discrètement laissant simplement entendre un léger bruit d’admission quelque part derrière le tableau de bord.

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Je passe la seconde à environ 3 000 ou 4 000 tr/mn, le pommeau en titane toujours aussi froid remue facilement et un cran à peine perceptible indique que le rapport est bien engagé. Le pied droit se fait plus pressant, la même aspiration se fait entendre mais avec plus d’intensité. Désormais, j’essore carrément la pédale des gaz et attends que l’aiguille jaune atteigne les 6 000 tr/mn.

C’est le moment où les cames au profil le plus agressif, entrent en action, le moteur change alors de personnalité. Le bourdonnement vire au hurlement, le volume gagne en intensité et la tonalité vire à l’aigu comme celle d’un vieil ampli Vox qui devient soudainement plus clair lorsque l’on augmente le volume. Dans l’habitacle, vous vous prenez alors pour James Thompson dans son Accord Tourer de BTCC en 1998, les bruits d’admission dominent tous les autres et laissent subrepticement croire que la paroi antifeu est en papier de riz.

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En France, les Integra Type R étaient exclusivement recouvertes de ce Championship White, la couleur de la première Honda vainqueur d’un Grand Prix en 1965.

Je garde le pied au plancher et découvre au compte-tours qu’il reste encore un tiers de la plage de régime à explorer. Sept, huit, 8 400 (c’est la zone rouge), j’engage la troisième juste avant que l’aiguille parvienne aux 8 700 tr/mn du limiteur. Peu d’autos disposant d’un nombre de cylindres aussi faible possèdent un moteur aussi hypnotisant, donnant envie à chaque fois de le pousser jusqu’en zone rouge sans se soucier de sa consommation ni même de son intégrité.

Une fiche technique fascinante

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Les roues mesurent à peine 15 pouces de diamètre.

Comme beaucoup de nos sportives préférées, la mécanique de l’Integra Type R est aussi fascinante qu’efficace et il faut avouer que la transformation d’un anonyme coupé des années 90 en un instrument d’une telle précision paraît infiniment plus insensée que n’importe quel exercice de transformation d’une 911 en GT3.

Peu d’autos équipées d’un 4 cylindres offrent un moteur aussi hypnotisant

Conçue par Shigeru Uehara qui fut précédemment le responsable projet de la NSX et ami d’Ayrton Senna puis l’homme derrière la S2000, l’Integra Type R débute sa carrière au Japon en 1995. Pas d’esbroufe avec elle, ses intentions sont claires vu le nombre de modifications apportées. Les détailler, c’est comme lire le parfait guide de la construction d’une voiture de course : attaches de suspension et berceau renforcés, pare-brise fin, soudures supplémentaires, suppression des isolants, jantes alliage allégées, boîte courte et autobloquant.

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Le moteur de 1 797 cm3 atteint le ratio impressionnant de 105 ch/litre, un des rapports les plus élevés jamais offerts par un 4 cylindres atmosphérique.

Codé B18C, le 4 cylindres 1,8 litre est typé longue course avec son alésage de 81 mm et sa course de 87 mm. Ce n’est pas clairement un bloc conçu pour les hauts régimes (les moteurs dits supercarrés sont théoriquement plus adaptés) mais il est entièrement construit à la main. Peu d’éléments sont restés inchangés, ses conduits d’admission ont été reprofilés et polis, les pistons résistent aux hautes compressions (11,1 :1 ici), les bielles sont allégées, le vilebrequin est équilibré, on trouve des papillons élargis de 62 mm et bien sûr son haut moteur comprenant le système VTEC de déphasage des arbres à cames et des soupapes revues. Cette Type R reçoit aussi de nouveaux collecteurs d’admission et d’échappement. La puissance varie selon les marchés mais en France elle s’établira à 190 ch à près de 8 000 tr/mn pour 178 Nm de couple disponibles à 7 300 tr/mn.

Un habitacle austère mais inoubliable

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Pour l’habitacle, Honda ne dépensera pas d’argent là où cela n’est pas nécessaire à l’expérience de conduite. L’instrumentation est austère mais plus lisible que n’importe quel écran numérique et les chiffres sont précisément pointés par de simples aiguilles jaunes. Le volant équipé de l’airbag affiche la taille idéale et son revêtement en cuir perforé offre suffisamment de grip même pour les paumes les plus moites. La boule du levier en titane peut sembler glaciale (l’aluminium n’aurait pas été meilleur) mais sa préhension vous restera en mémoire tout comme la clé de démarrage de la NSX originale en alliage monel issu de l’aéronautique.

Comme accueil à bord, quoi de mieux que ces exquis baquets Recaro ?

Recaro n’a probablement jamais conçu de meilleurs baquets que ceux de l’Integra Type R. Comme tout premier contact avec cette auto, c’est juste exquis. L’assise est plus souple que n’importe quel siège moderne nettement moins confortable mais reste dans le même temps d’un maintien exemplaire. Le revêtement ne durera pas éternellement tandis que l’espace entre la porte et le côté du baquet ne laissera pas passer votre main. Comme la plupart des exemplaires aujourd’hui, le mien est pelé comme le sommet du Mont Fuji à force d’entrées et sortie. Dans sa couleur rouge pétante, il illumine l’habitacle dépourvu d’autres touches de couleur.

Un parcours d’essai idéal

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La pureté de ce design typique des années 90 resplendit aujourd’hui.

Alors que le mercure approche les 30  °C, un des choix d’allègement de l’Integra commence à faire réellement défaut. Vous pourrez chercher une commande d’air conditionné, vous n’en trouverez pas. Je ne vais pas trop m’en plaindre car baisser la vitre permet à l’air frais d’entrer mais également à la sonorité du moteur alors que je commence l’ascension vers le sommet de Montserrat en Espagne.

Si me retrouver aux alentours de Barcelone en Integra Type R fut un pur hasard, le choix de la route qui mène au monastère bénédictin est totalement délibéré. Je rêvais de retourner là depuis des années. La variété des trois routes qui grimpent vers le sommet est merveilleuse. La rapide BP-1101 offre de spectaculaires panoramas sur le relief accidenté, elle rejoint la BP-1103 qui escalade les flancs de la montagne tandis que la BP-1121 bascule sur l’autre versant pour cascader vers la vallée. Elle propose un revêtement récent et doit ressembler aux routes japonaises pour lesquelles la Type R a été conçue.

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Les Recaro s’usent vite mais leur maintien est parfait

Il faut composer avec un peu de trafic touristique et donc rester sur sa voie dans les virages à l’aveugle et adopter un rythme en accord avec cela. Mais lorsque le chemin est dégagé, c’est l’endroit idéal pour conduire une Integra.

Les essais d’époque laissent entendre que la Type R offrait un amortissement relativement ferme (voire un peu trop) et se montrait sans doute trop bruyante pour un usage quotidien. Les années ont un peu changé la perception : certes, la fermeté est toujours bien présente et le roulis quasi absent mais les roues de 15 pouces et les pneus en profil 45 absorbent une bonne partie des imperfections du revêtement tout en ne parasitant pas le contrôle de caisse. Il faut vraiment tomber sur de grosses saignées pour que l’onde de choc parvienne jusqu’à votre dos mais rien de jamais vraiment effrayant. Le moteur qui tourne à 4  000 tr/mn à 110 km/h se montre effectivement très présent mais il prend les tours avec tant de douceur et cache une réserve et une allonge telles que ça ne fatigue pas vraiment. Et puis, il est capable de tellement plus que tourner à 4  000 tr/mn à vitesse stabilisée sur autoroute que cela importe peu.

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Les longues autoroutes ne peuvent être qu’une brève distraction pour des engins tels que l’Integra qui est conçue pour d’autres utilisations. Les routes ici sont planes et douces et les lignes droites courtes, tant et si bien que vous utiliserez essentiellement les second et troisième rapports. La gomme des pneus en 195 mm de large correspond parfaitement à la philosophie et aux performances de l’auto. Ce, dès que vous commencez à appuyer sur cette délicate pédale de frein progressive à souhait et jusqu’au moment où vous reprenez les gaz et faites travailler le différentiel à glissement limité qui va vous amener proprement dans la prochaine courte ligne droite. Les détails qui inondent alors les paumes de vos mains sont absolument vierges de tout filtrage.

Pourquoi est-elle si frissonnante ?

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Ce qui rend l’Integra Type R si frissonnante lorsque vous attaquez à son volant, c’est le contraste qui existe avec les moments tranquilles où elle paraît tellement ordinaire. Et pas seulement du fait de son moteur bipolaire mais aussi du fait de toutes les commandes qui semblent conçues pour ne donner leur meilleur qu’à l’attaque totale. La direction me rappelle celle des meilleures Clio R.S. châssis Cup, lourde et relativement transparente jusqu’au moment où vous commencez à forcer les entrées en courbe et que les pneus avant et la suspension sont mis à contribution. Dès lors, elle devient extrêmement communicative et vous informe de tout ce qui se passe en termes de motricité en modulant l’effort ressenti au volant en fonction du grip. La réponse moteur que l’on ne remarque pas à bas régime devient remarquable lorsque l’aiguille du compte-tours entre dans la plage magique. Idem pour la boîte qui ne fonctionne jamais aussi rapidement que lorsque vous êtes en mode “maximum attaque”.

L’Integra Type R ne paraît pas seulement rapide, elle est rapide ! Elle atteint les 100 km/h en seulement 6’’7, ce qui reste plus que correct de nos jours pour une traction. Il est clair que les derniers 2,0 litres turbo actuels surpassent ce moteur sur tous les rapports mais aucun d’eux ne sait procurer autant de frissons et de plaisir lorsque vous le poussez à fond. L’Integra dissèque avec précision les virages serrés à rayon constant, sans inertie ni roulis. La rigidité de la caisse est perceptible lorsque vous vous engagez brutalement d’un virage à l’autre. Elle ne réclame qu’un minimum de mouvements et je retrouve le même bel équilibre dans la calibration des commandes que celui des dernières Civic Type R, mais c’est ici distillé avec nettement plus de toucher et de feeling que sur n’importe quelle moderne. À aucun moment je ne souhaite plus de vitesse, plus d’adhérence ou moins de bruit. Et un moteur turbo ? Vous rigolez ?

Un style sage mais une auto remuante

essai honda integra type r (dc2) : la légende dit-elle vrai ?Et je ne souhaite même pas un autre design. Il est marrant de se rappeler à quel point son style décrit comme insipide fut critiqué à sa sortie à la fin des années 90. De nos jours, elle apparaît audacieuse et sans compromis. Les avis divergent quant à l’attrait des deux versions, celle à quatre phares et celle aux optiques allongées. En fait, au Japon, la première Integra Type R de 1995 adoptait ces phares étirés tandis que les quatre feux équipaient les toutes premières Integra de 1993. Mais peu importe celle que vous préférez, l’Integra reste dans tous les cas menue, étroite et plutôt longue par rapport aux autos modernes. Et elle repose sur des jantes minuscules, plus petites que sur n’importe quelle citadine actuelle. L’absence totale d’agressivité esthétique est franchement rafraîchissante à une époque ou même une voiture sans permis semble produire 500 ch. Du coup, tous les petits détails peints en rouge (badge, sièges, couvre-culasse) prennent un relief inespéré avec cette carrosserie couverte du célèbre Championship White et cet intérieur noir.

Elle ne paraît pas seulement rapide, elle est rapide !

Ne pas pouvoir admirer la danse du postérieur de l’Integra Type R à l’attaque est sans doute la chose la plus frustrante pour le conducteur. Ce ne fut pas le cas des motards (pas de la police) derrière moi qui ont pu voir aujourd’hui cette poupe barrée d’un fin bandeau lumineux et surmontée d’un aileron grossir dans les lignes droites et s’éloigner dans chaque séquence de virages.

Mais c’est une fois la route désertée à la tombée du jour que la Honda démontre tout son potentiel, dans un long droite rapide de la BP-1101 grimpant au sommet de Montserrat. Luttant contre la gravité, j’essore le VTEC plus fort que jamais et tente de seulement effleurer la pédale de frein dans les virages où je sens les pneus mordre le bitume avec consistance. L’auto s’inscrit à fond de troisième dans le droite alors que le VTEC fonctionne à plein régime. Le nez imperturbable reste collé à la trajectoire mais au fur et à mesure que la vitesse s’élève, la direction s’allège par instants. Cela n’a rien d’un sous-virage, il s’agit de la poupe qui pivote avec délice et subtilité de quelques degrés, ce qui permet d’aligner les 4 phares et les roues avant pour sortir la Type R du virage roues droites juste à temps pour passer la quatrième.

Oubliez tout ce que vous connaissez des tractions… 

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