Celui qui a offert à Renault la première victoire en Formule 1 en 1979 nous a quitté hier. Récit d'une vie de petites malchances, de grands bonheurs et de beaucoup de talent.
Jean-Pierre Jabouille, au centre, célèbre sa victoire au Grand prix de France 1979. À sa droite, le deuxième de la course, n’est autre que René Arnoux.
C’était un temps déraisonnable. Une époque où nombre des pilotes mourraient en course. De ce temps, dont Alain Prost dira, lorsqu’on lui demandera ce qu’est un bon pilote, « que c’est un pilote vivant ». Jean-Pierre Jabouille était son mentor et l’un des survivants, jusqu’hier, ou il nous a quitté, à 80 ans. Déraisonnable, il ne l’était pas tant. Lui, c’était un opiniâtre, et souvent, un malchanceux. Mais peu de malchanceux peuvent afficher un tel palmarès : deux victoires en F1, 55 courses dans la discipline reine et 4 podiums au Mans.
Un petit moteur de 1,5 l face à des monstres de 3 l
La Renault F1 Turbo : première victoire de la Régie et première victoire de Jabouille.
Mais Jabouille s’accroche et toute l’équipe avec lui. Tous sont est persuadée que sa solution technique est la bonne et en 1979, une première victoire lui donne raison. Évidemment, la Renault Turbo a évolué, mécaniquement et aérodynamiquement. Avec son impressionnant effet de sol, elle passe les virages à une telle vitesse que Jabouille est obligé de relier son casque à la coque avec des sangles, pour que son cou ne soit pas trop tiré sur les côtés à cause des G qu’il encaisse. Et au Grand Prix de France, il l’emporte après un final homérique, devant l’autre Renault, pilotée par René Arnoux. Cette F1 de la victoire est aujourd’hui conservée dans l’entrée des bureaux de Luca De Meo, le patron de Renault, qui compte sur elle pour lui porter chance.
Jean-Pierre Jabouille quant à lui, gagnera un second Grand Prix l’année suivante, mais, alors que le turbo s’impose dans toutes les écuries, il est obligé de s’éloigner des circuits après un accident. Car au GP du Canada, lors de la dernière course de la saison 1980, il casse un bras de suspension. La voiture fonce dans le mur et le pilote, miraculé, n’a que les deux jambes brisées, alors que les commissaires mettront une demi-heure à le sortir de la voiture. La saison suivante, il cède sa place à son jeune dauphin Alain Prost au sein de l’écurie et retente sa chance dans le baquet d’une Ligier. Mais le cœur n’y est plus, et les jambes non plus. Pas pour la discipline reine en tout cas.
En 1993, il devient directeur technique de Peugeot Sport.
Dès lors, il troquera la combi de pilote pour la blouse d’ingénieur, d’abord comme directeur technique de Ligier, puis de Peugeot Sport, où il développera les 905 du Mans. Des 24h auxquels il n’a pas pu s’empêcher de participer, à quatre reprises, accrochant tout de même deux podiums à son palmarès. Il quittera le Lion en 1995, pour fonder sa propre écurie.
Jusqu’au bout, le grand blond continuera à travailler, par goût, par plaisir et par facétie, n’hésitant pas à jouer au conseiller technique auprès du cinéaste Quentin Dupieux pour le film Rubber. Il n’a pas hésité non plus à devenir le très officiel parrain du rallye du « Creuzekistan » qui se déroule chaque année dans la creuse comme son nom l’indique. La devise de la course, « fiéritude, plénitude, zenitude » aurait d’ailleurs pu être la sienne, celle d’un malchanceux flamboyant, parfois victorieux, mais jamais défaitiste.