Citroën

Route de nuit

La croisière des sables Citroën fête son centenaire

Le 17 décembre 1922 ne marque pas le début de la fameuse Croisière noire, mais celui de la Croisière des sables, ou les mêmes autochenilles Citroën et les mêmes hommes ont traversé le Sahara, une première en voiture, deux ans avant d'affronter l'Afrique entière deux ans plus tard.

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George Marie Haardt et Louis Augustin-Dubreuil, les “patrons” de la Croisière noire.

C’est un faux anniversaire que l’on célèbre ces jours-ci. Du moins, le 17 décembre, a-t-on commémoré le départ d’un galop d’entraînement, baptisé Croisière des sables, et réalisé deux ans avant la célèbre Croisière noire Citroën qui débutera en 1924. Parti de Touggourt en Algérie il y a 100 ans, ce galop a permis à l’équipage mené par George-Marie Haardt, le patron des usines Citroën, et Louis Audouin-Dubreuil, un officier de l’armée de l’air, spécialiste du Sahara, de valider quelques solutions techniques et de traverser le désert des déserts, une première mondiale en voiture.

Car le désert, c’est la grande affaire, et la difficulté, du moment. Chez Citroën, il n’y a évidemment pas encore l’ombre d’un SUV et encore moins d’un 4×4. Les deux hommes, pour leur expédition hors piste, vont donc jeter leur dévolu sur un drôle d’engin, mi-civil mi-militaire : la Citroën Kégresse K1. C’est une auto demi-chenille, avec des roues classiques à l’avant, et, à l’arrière, des bandes épaisses de caoutchouc crantées et entraînées par les roues et des poulies . Un système développé par l’ingénieur Adolphe Kégresse (avec la complicité de Jacques Hinstin).

Une autochenille adaptée d’une voiture de série

Le brevet est racheté par André Citroën et le dispositif est adapté sur cinq Citroën 10HP. Cette auto, c’est un peu la Ford T de Javel, la première voiture française fabriquée de série dès 1919. C’est donc à elle, équipée du système Kégresse, d’une rehausse de la garde au sol et d’une boîte particulière à 6 vitesses au lieu des trois initiales, qu’incombe la tâche d’affronter les sables du Sahara.

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Le 17 décembre 1922, les autochenilles Citroën tentent une traversée du désert, une première.

Mais pourquoi diable, tenter une telle traversée ? Pour la beauté du geste et les retombées publicitaires, le grand dada d’André Citroën ? Certes, mais aussi pour jalonner le désert, du nord au sud, de pistes d’atterrissage pour les avions chargés de ravitailler, notamment en courrier, les comptoirs des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest. Car l’autonomie des aéroplanes de l’époque ne dépassait pas 100 km, soit moins qu’une Dacia Spring d’aujourd’hui.

L’expédition Haardt Audouin Dubreuil partie le 17 décembre 1922 est une première tentative, et elle sera la bonne. Le désert est traversé en une dizaine de jours (il en faut trois ou quatre aujourd’hui en flânant en route). Ils arrivent à Tombouctou au Mali pour le réveillon de fin d’année, ravitaillent et repartent dans l’autre sens jusqu’à Touggourt, qu’ils atteignent 21 jours après leur départ. Ils auront donc traversé par deux fois la région la plus aride du Sahara (avec le Ténéré) : le Tanezrouft, qui signifie tout simplement « désert » en langue touareg.

Dans le Tanezrouft, il n’y a strictement rien et surtout pas une goutte d’eau tout au long de ses 600 km de cailloux et de sable. Longtemps après les autochenilles Citroën il sera encore craint par tous ceux qui le traverseront, des routards des années 70, aux concurrents du Dakar des deux décennies suivantes. Mais le patron des usines et l’ingénieur, avec leur vingtaine de mécaniciens, de géographes et leur cuisinier (un homme essentiel) en viennent à bout.

André Citroën, l’Elon Musk des années vingt ?

À Paris, l’exploit est salué, mais rappelons-le, il ne s’agit que d’un galop d’essai. Car la vraie Croisière africaine se déroule deux ans plus tard, et il n’est pas juste question d’affronter le Tanezrouft, mais de traverser toute l’Afrique, de l’Algérie à Madagascar, de la France à la France, de l’époque, en somme. Les enjeux sont évidemment publicitaires, mais André Citroën a une autre idée en tête, une idée qu’il ne réalisera jamais, mais qu’il ambitionnait dès le départ du projet : emporter dans de tels voyages des touristes de luxe. Pas lors de la première expédition, évidemment, mais une fois qu’hommes et machines seront bien rodés. Même le prix de la virée est fixée : il en coûtera 40 000 francs de l’époque, soit plus de 3,3 millions d’euros d’aujourd’hui. Une idée qui en rappelle une autre : celle d’Elon Musk et ses futurs passagers payants embarqués dans des fusées SpaceX, pour une somme bien supérieure à celle exigée pour traverser l’Afrique.

Un film, tourné durant la Croisière noire sera diffusé dès 1926.

Un film, tourné durant la Croisière noire sera diffusé dès 1926.

La suite est connu, les mêmes compères, et les mêmes voitures, partent de Colomb-Béchar (aujourd’hui simplement, et compréhensiblement appelée Béchar) en Algérie le 28 octobre 1924. Après huit mois et 28 000 km d’incroyables aventures, ils touchent au but le 26 juin de l’année suivante. La Croisière Noire est entrée dans l’histoire. Elle sera suivie d’une croisière jaune 6 ans plus tard. Et si André Citroën n’a jamais pu emporter de riches passagers dans ses expéditions, il aura au moins inventé la publicité automobile (ou du moins le sponsoring) et démontré, pour un temps, que ses autos, c’est du costaud.

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