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Le nouveau programme MotoGP est-il trop dense pour les pilotes ?

L’introduction de la course sprint a fait bouger les lignes dans le programme du week-end MotoGP, rendant la journée de vendredi plus importante que jamais et celle de samedi particulièrement dense. Le premier Grand Prix de la saison a cependant montré quelques limites dans ce nouveau format.

Le premier Grand Prix MotoGP disputé avec le nouveau format mis en place cette saison a assurément été intense. Il a donné lieu à trois journées très mouvementées, que le doublé du champion sortant tend peut-être à quelque peu masquer si l’on se contente de jeter un œil aux résultats sans avoir éprouvé la tension permanente de ce week-end.

La journée de vendredi, qui comportait 1h45 d’essais pour la catégorie MotoGP, a immédiatement montré les limites du nouveau programme, à cause d’une seconde séance interrompue deux fois au drapeau rouge et qui s’est donc étendue jusqu’à 17h heure locale au lieu de se terminer à 16h. C’est la conséquence du changement d’ordre entre les catégories, la classe reine passant désormais après le Moto3 et le Moto2, et du rallongement de ces essais visant à compenser leur baisse sur les deux journées suivantes.

Avec une demi-heure d’interruption due à une coupure de courant sur le circuit, puis une seconde suspension causée par le grave accident de Pol Espargaró, les pilotes ont dû reprendre la piste à un horaire tardif pour les 14 dernières minutes qui allaient déterminer lesquels d’entre eux seraient directement qualifiés pour la Q2. L’enjeu était de la plus haute importance et les conditions pourtant loin d’être idéales, en plus d’être très stressantes pour les pilotes.

Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur inquiétude dans la foulée, pointant le fait que rouler aussi tard poserait problème sur plusieurs circuits. “Je pense que ce qui est arrivé aujourd’hui est un bon exemple de ce qui peut se passer”, a ainsi observé Joan Mir. “S’il se passe quelque chose, [comme] un drapeau rouge, on termine à 17h. Peut-être qu’il faudra réfléchir au fait qu’on n’a pas besoin d’une heure d’essais. Ici, à Portimão, la température est plus ou moins bonne, mais que va-t-il se passer au Mans à 17h ? Il va falloir qu’on y réfléchisse, qu’on essaye d’améliorer ce nouveau format.”

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Aleix Espargaró a fait écho aux propos du pilote Repsol Honda, tout en soulignant l’importance de figurer en bonne place le vendredi soir, après ces deux premières séances dont les effets peuvent se ressentir ensuite tout le week-end. “Il faut qu’on voie si on peut améliorer certaines choses”, a souligné le pilote Aprilia. “C’est Portimão, il fait 25°C, tout va bien. Qu’est-ce qu’on fait à 17h en Allemagne ou à Assen ? On sort le drapeau rouge tout le temps, le drapeau jaune à chaque tour ? C’est ce qui va se passer, parce que la deuxième séance c’est comme des qualifs, et elle est même plus importante encore. Partir de la quatrième place ou de la septième, ce n’est pas pareil, et finir septième ou 11e [le vendredi] ça fait une énorme différence. Alors on sait que la séance dans laquelle on va prendre le plus de risques, c’est la deuxième, or à 17h dans certains pays où il fait froid, ça n’est pas la meilleure idée.”

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Chute de Marc Marquez, Repsol Honda Team

Cinq chutes ont marqué la phase de time attack des Essais 2

L’introduction de la course sprint a en effet eu pour conséquence de rendre la journée du vendredi plus déterminante, puisqu’elle concentre les essais comptant pour la qualification directe en Q2, et ce alors que la position sur la grille vaut désormais pour deux courses. Si la fin des essais a toujours donné lieu à une phase de grosse attaque, celle-ci, en étant à présent limitée à deux séances et non plus trois, a semblé passer un nouveau cap ce week-end en termes d’intensité. On a parfaitement pu l’observer vendredi, avec malheureusement cinq chutes durant le time attack.

“Pendant toute l’intersaison, Pol et Augusto [Fernández] ont fait beaucoup de tours et ils ne sont pratiquement jamais tombés, mais la pression est palpable”, témoignait Hervé Poncharal auprès du site officiel du MotoGP vendredi soir, peu après la grave chute de Pol Espargaró. “Les Essais 1 ne se sont pas passés de la manière dont le voulait Pol et il est tellement concentré et impliqué qu’il voulait se débarrasser des mauvaises sensations qu’il avait eues en Essais 1. Il a subi une chute, puis la séance a été interrompue au drapeau rouge pour un souci technique, et ensuite, dans son tour de sortie après le drapeau rouge, il est tombé. Il n’y a rien d’autre à dire, c’est juste de la malchance.”

L’un des éléments de ce nouveau programme, c’est l’aspect mental. C’est encore plus exigeant sur ce plan que du point de vue physique.

Marc Márquez

La fatigue mentale s’est fait sentir samedi

À cette journée, devenue pour ainsi dire celle de pré-qualifications, fait suite désormais un samedi boosté par la tenue de la course sprint à 15h. Or, l’autre limite mise en lumière par cette première expérience, c’est la densité de cette seconde journée, durant laquelle les pilotes disputent une demi-heure d’essais libres, puis enchaînent avec les qualifications. S’ensuit une pause de 3h30 avant le départ de la course sprint, mais compte tenu des engagements médiatiques et promotionnels à tenir, il s’agit d’une bien courte fenêtre.

Ils ont été plusieurs à exprimer leur volonté de disposer de plus de temps, s’étant trouvés trop sollicités pour pouvoir préparer la course sprint comme ils l’auraient souhaité. Avec un rythme sans véritable pause, certains ont pointé des difficultés à décompresser mentalement et à se concentrer avant ce premier départ, témoignant d’une forme de fatigue mentale.

“Le nouveau programme est un peu différent et c’était une première, donc je pense que tout le monde a été un peu plus stressé. Je ne suis pas trop fatigué maintenant, mais hier je l’étais mentalement parce que la journée a été très longue”, a par exemple expliqué Pecco Bagnaia dimanche soir. “Si on est en première ligne, on a ensuite beaucoup d’opérations médiatiques à faire avant d’aller manger et de préparer la course sprint.”

“Ici, on était déjà prêts, tout fonctionnait déjà [vendredi]”, a rappelé Jorge Martín en référence au fait qu’un test avait eu lieu sur place, “donc on avait plus de temps pour nous, et pourtant c’était difficile de déjeuner et de se reposer un peu pour récupérer entre les qualifs et la première course. Peut-être qu’avec la Dorna on pourra travailler lors de la prochaine Commission de sécurité pour essayer de comprendre ce qui est mieux pour eux et pour nous, car il se pourrait que ce soit parfois un peu difficile de préparer la course si jamais on est en difficulté. On a peut-être besoin d’un peu plus de temps… ou de moins d’interviews !”

“L’un des éléments de ce nouveau programme, c’est l’aspect mental. C’est encore plus exigeant sur ce plan que du point de vue physique”, a ajouté Marc Márquez, qui est passé par toutes les séances samedi, puisqu’il a disputé et dominé la Q1. “On est nerveux, plus nerveux pendant une course sprint que pendant des qualifs, comme on l’est plus pendant des qualifs que pendant des essais libres. Pour moi, c’était très étrange d’avoir un pic d’adrénaline [samedi] matin après avoir fait la pole, puis de faire des interviews et tout le show, et après de faire une course. Il faut qu’on s’y habitue et qu’on s’y adapte.”

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Francesco Bagnaia, Ducati Team

L’ajout de la course sprint a densifié le programme des deux premiers jours

Pour s’adapter, Bagnaia a estimé qu’il faudra peut-être baisser de rythme en piste : “Je pense que sur certains circuits il va falloir qu’on réduise un peu la vitesse de la course du Grand Prix. Ce circuit n’est pas trop exigeant physiquement mais des circuits comme le Mugello ou Austin le sont et il faudra donc peut-être faire quelque chose.”

Mais le double vainqueur du week-end a aussi jugé que l’aspect mental devrait être abordé avec les instances. “Je pense qu’il nous faut plus de temps pour préparer la course sprint”, a-t-il souligné. “C’est quelque chose dont je pense qu’il faut qu’on parle à la Commission de sécurité pour essayer de trouver une solution parce qu’on n’a pas le temps de réfléchir ou de voir les données. On termine les qualifs et on a beaucoup de choses à faire avant de déjeuner, c’est assez difficile.”

“Je suis parfaitement d’accord avec Pecco”, a renchéri Márquez. “Après les qualifs, en étant en première ligne, il s’est passé énormément de temps avant que je puisse rejoindre le box. Ensuite j’ai eu un moment pour parler avec le team, après quoi il y a toujours des opérations pour des sponsors et il faut aller au Village VIP ou des choses comme ça. C’était trop serré. Il faut pourtant la préparer comme une course normale, parce qu’elle a beau faire la moitié de la distance, elle est exigeante physiquement.”

Malgré la fatigue, Johann Zarco a, lui, dressé un bilan positif de cette première expérience, jugeant intéressants les enjeux des différentes journées, plus clairs que par le passé. “J’avoue que je suis un peu fatigué”, a-t-il déclaré à Canal+ dimanche, avant de poursuivre : “Le format me plaît bien. Une concentration vendredi, pour se qualifier pour le samedi ; une course le samedi assez courte, qui donne vachement d’infos, un premier moment de vérité dès le samedi ; et ensuite le dimanche.”

“Moi, ça me plaît bien, ce format. Il faut juste bien assimiler tout ça, rester zen, et savoir qu’il faut recommencer dès la semaine prochaine”, a ajouté le Français. “C’est ça qui va être un peu le challenge de l’année. Dans le plaisir et dans la fatigue, [il faut] régénérer les forces pour avoir la même énergie, la même fraîcheur sur chaque week-end.” Car, oui, ce format, qu’il plaise ou non, se veut fixe pour toute la saison, avec une course sprint systématique le samedi. On remet donc ça dès le week-end à venir, cette fois en Argentine.

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