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Legrand, Michelin: Ces patrons du CAC 40 furieux contre la SNCF

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Gare de Limoges

Les patrons de Legrand et de Michelin ne décolèrent pas contre la détérioration de la desserte en train de leur siège social respectif de Limoges et Michelin. Suppression de trains et retards constituent le quotidien des salariés de ces deux géants mondiaux, au point que Legrand menace de quitter Limoges. La SNCF réclame encore de la patience et promet modernisation de la voie et des rames.  

Ce sont les deux derniers patrons du CAC 40 à avoir encore leur siège social en région. Benoît Coquart, PDG de Legrand et Florent Menegaux, celui de Michelin sont toujours très fiers d’arborer leurs racines provinciales et de rappeler que Legrand est né à Limoges et Michelin à Clermont-Ferrand et que pour chacune de ces métropoles leur entreprise est devenue incontournable. Après tout, Michelin emploie 10.000 salariés à Clermont dont 3.000 chercheurs tandis que Legrand est le premier employeur privé de Limoges avec 2.200 salariés. Mais très vite la conversation prend une autre tournure quand il s’agit d’évoquer la connexion de ces villes à Paris. Car ces deux patrons d’une entreprise du CAC 40 ont en commun de souffrir de la nette dégradation de leur desserte régionale par la SNCF.

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Menace sur le siège de Legrand à Limoges

Fin novembre, la SNCF annonçait la suppression de l’Intercité 3624 du matin, à destination de Paris-Austerlitz, au départ de Brive à 6h01, desservant Limoges (7h01), La Souterraine (7h35) jusqu’au 16 mars 2023 . Conséquence: un créneau vide de 5h30 à 9h. La raison ? “C’est la combinaison d’importants travaux de rénovation sur cette ligne couplée à la nécessité en hiver de faire passer tous les matins un premier train racleur qui dégivre les caténaires qui nous oblige à supprimer ce créneau horaire”, explique un porte-parole de la SNCF. Il n’en suffisait pas plus pour rendre fou furieux, Benoît Coquart qui dans une lettre à la direction de la SNCF dénonce “ces nouvelles modifications, appliquées sans information préalable et sans concertation, qui s’ajoutent aux nombreux retards ou annulations que nous connaissons régulièrement sur la ligne Limoges/Paris”.

Pour Benoît Coquart, la situation ne cesse de se détériorer au point qu’il s’interroge sur “l’intérêt de continuer à localiser sur Limoges nos équipes et nos dispositifs d’accueil clients alors que nous sommes précisément en train de réaménager nos bureaux parisiens qui devraient voir le jour début 2024.” Très vite, devant le peu de réactions de la SCNF, la direction de Legrand décide de rendre publique cette lettre et de lancer une grande pétition. De son côté, Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine a écrit au ministre des Transports mercredi 7 décembre, Clément Beaune, pour  réclamer “une amélioration de la ligne Paris Orléans Limoges Toulouse (POLT)”. L’éventualité du départ de Legrand est un “très mauvais signal pour tous ceux qui investissent ou souhaitent investir en Nouvelle-Aquitaine”.

Cerise sur le gâteau, au moment où Alain Rousset envoie sa lettre, la ligne complète POLT est toujours à l’arrêt complet à la suite du déraillement d’un train de marchandise le 2 décembre au niveau d’Issoudun, laissant sans aucune solution des milliers de passagers. Le trafic qui devait reprendre lundi 5 décembre était toujours interrompu mercredi 7 décembre. La SNCF dit “comprendre la colère des usagers et des entreprises” mais insiste sur le fait que le groupe Legrand avait été tenu clairement au courant de la suppression de ce train quotidien et que cette mesure est transitoire jusqu’à mi-mars. Si tout le monde est conscient du problème, personne pour l’heure chez Legrand comme à la SNCF ne veut croire à une fermeture du site de Legrand à Limoges.

Un trajet plus long qu’en 2010

Mais le groupe Legrand n’est pas le seul à se plaindre du service de la SNCF. Depuis des années Michelin relaie la colère de ses salariés. Lors du 8ème Sommet de l’Economie organisé en 2021 par Challenges, Florent Menegaux, PDG de Michelin avait pris à partie Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs, sur la “très mauvaise qualité et fiabilité de la ligne Paris-Clermont: il n’y a pas un jour où cette ligne ne subit pas des retards ou des suppressions”. En mars dernier, Florent Menegaux, cosignait avec Sébastien Vidal, le président de la coopérative agricole une tribune pour rappeler qu’il faut 3h30 pour se rendre à Clermont depuis Paris, soit davantage qu’il y a dix ans. Tous les ministres de l’Industrie ou des Transports connaissent le sujet de la desserte de Limoges et Clermont. Le précédent titulaire du mandat des Transports n’ était autre que Jean-Baptiste Djebbari, originaire de Limoges. Quand le 7 novembre dernier Roland Lescure s’est rendu en visite à Clermont chacun y est allé de son couplet sur la ligne POLT. Mais au-delà des discours, le ministre a ensuite pu s’en rendre compte par lui-même car le soir même son train de retour a été …supprimé.

Des locomotives de 42 ans

La détérioration de la ligne est d’abord le fait d’un entretien très relatif. “Certaines locomotives de la ligne POLT ont 42 ans et les wagons 40 ans, tandis que les voies actuellement en cours de régénération ont 18 ans d’âge”, avance Patrick Wolff, président de l’association auvergnate Objectif Capitales qui regroupe collectivités locales et entreprises. Selon la SNCF, environ 80% des trains de cette ligne arrivent à l’heure (pas de retard supérieur à 10 minutes) mais à les retards peuvent être très conséquents avec quelques jolis records: 17 heures en juillet 202, un cas qui reste dans les annales avec un train tombé en panne en pleine voie qui a été remplacé après cinq heures d’attente par un autre train qui à son tour a connu une “avarie matérielle”.

Pas de wifi

L’Etat qui est le gestionnaire de cette ligne Intercité est bien conscient des nécessaires progrès à faire. Pendant des années, le tout TGV a conduit à délaisser les investissements indispensables sur ces lignes secondaires qui permettent pourtant de désenclaver le territoire. La ligne Paris Caen Cherbourg n’est pas en reste en matière de retards et de suppression de trains. “POLT était une ligne mythique autrefois, c’était celle qu’empruntait le Capitol ce train qui reliait Paris à Toulouse avec des voitures restaurants haut de gamme et un service de qualité. Aujourd’hui, les rames n’ont pas le Wifi et les toilettes sont souvent inopérants”, constate une journaliste du quotidien régional La Montagne.

Une voie rénovée et des rames neuves en 2026

Après avoir longtemps tergiversé, l’Etat a finalement renoncé à une ligne LGV pour desservir Limoges ou Clermont. Pourtant en 2006, Réseau ferré de France (RFF) avait présenté un projet de ligne à grande vitesse devant relier Limoges à Poitiers et à la LGV Sud Ouest. Un projet qui a même été inscrit comme “priorité du budget national” mais la déclaration d’utilité publique a finalement été annulée par le Conseil d’Etat en 2016 estimant son financement trop fragile. Les Clermontois devront se contenter d’une modernisation de la ligne existante. Dès 2024 (avec déjà un an de retard sur le projet initial) de nouvelles rames (actuellement en construction par l’espagnol CAF) devraient commencer à être livrées (la totalité du réseau sera équipé en 2026). Concomitamment les travaux de rénovation des voies avancent: le chantier de rénovation de la ligne devrait aboutir en 2026. Mais malgré ces efforts, la ligne ne sera pas plus rapide qu’avant. On devrait même perdre 20 minutes par rapport à il y a quinze ans en raison notamment de la multiplication des passages à niveaux. Sans compter que le tronçon qui traverse la Sologne ne devrait toujours pas être équipé de barrières de protection (comme il en existe pour les LGV) empêchant la traversée d’animaux sauvages responsables de près de 75% des incidents et retards.

Des nouveaux vols Paris-Clermont

En attendant, les salariés de Michelin pourront se rabattre sur les vols intérieurs (puisque la liaison en train est supérieure à 2H30 et qu’elle ne tombe donc pas sous le coup de l’interdiction de la loi Climat). La desserte quotidienne depuis Orly, interrompue depuis le Covid pourrait bien reprendre en 2023 tandis qu’un quatrième vol Roissy/Clermont est à l’étude. Une solution plus rapide mais nettement moins écologique.

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