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Made in France : un retour grâce aux voitures et vélos électriques ?

Le Made in France est autant un rêve qu’une réalité. Loin est le tissu industriel que possédait la France voilà quelques décennies, que ce soit en auto ou dans l’univers du vélo. Or les choses semblent bouger sur tous les fronts, avec l’essor de l’électrique.

L’industrie automobile française fut l’une des plus puissantes au monde, mais décline depuis plus de deux décennies. De 350 000 voitures par an en 1950, elle culminait à plus de 3,5 millions dans les années 1990 et 2000, en quatrième place mondiale derrière les États-Unis, le Japon et l’Allemagne. Toutefois, la filière française s’effrite progressivement, à environ 2 millions dans les années 2010 et 2020, et recule au onzième rang mondial, loin derrière la Chine désormais meneuse avec 1 véhicule sur 3 produit dans le monde (26 millions en 2021).

Une forte délocalisation auto vers l’Est et l’Espagne

En cause, des délocalisations en masse vers l’Espagne, ainsi que les pays de l’Est, où la main d’œuvre est moins chère. La Peugeot 208, voiture n°1 en France toutes motorisations confondues et même en Europe en 2022, n’est plus produite sur notre sol. L’usine de Poissy (Yvelines) produisait les précédentes générations 205 et 206, avant de céder une partie au nouveau site de Trnava (Slovaquie) en 2006 avec la 207, puis la première génération de 208. Aujourd’hui, la Peugeot e-208 et 208 thermique est intégralement produite à l’étranger, en plus de Kenitra (Maroc) et de Buenos Aires (Argentine) pour le marché sud-américain.

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La Peugeot e-208 électrique est produit en Slovaquie (©Mobiwisy/M. Lauraux)

La voiture n°2 en France, la Renault Clio, a subi le même sort. Produits à Flins (Nord) à l’origine, ses exemplaires ont progressivement migré vers l’usine de Novo Mesto (Slovénie) et Bursa (Turquie). Depuis 2019, toutes les Clio sont assemblées dans cette dernière usine. Et on pourrait vous citer encore des dizaines d’exemples.

Voiture Lieu de production
1 Peugeot 208 Slovaquie
2 Renault Clio Turquie
3 Dacia Sandero Roumanie
4 Citroën C3 Slovaquie
5 Peugeot 2008 Espagne
6 Renault Captur Espagne
7 Peugeot 308 France
8 Peugeot 3008 France
9 Dacia Duster Roumanie
10 Renault Arkana Corée du Sud
11 Toyota Yaris France
12 Fiat 500 Pologne/Italie
13 Toyota Yaris Cross France
14 Renault Twingo Slovénie
15 Citroën C5 Aircross France
16 Ford Puma Roumanie
17 Citroën C3 Aircross Espagne
18 Dacia Spring Chine
19 Volkswagen Polo Espagne
20 Renault Megane Espagne

Lieux de production des 20 meilleures ventes automobiles en France (2022)

Où est le vélo français ?

Pire, le monde du vélo a vu un transfert quasi intégral de ses usines vers l’étranger. Pourtant, le pays était l’un des meilleurs au monde, avec un pôle autour de Saint-Étienne dont les fameux cycles Mercier, aujourd’hui quasiment désert. Dans les années 2010, on ne recensait que 2 500 emplois environ en France dépendant de la production de vélo.

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Moustache assemble environ 50 000 vélos électriques/an dans les Vosges (©Moustache Bikes)

Un chiffre qui évoluerait entre 4 000 et 5 000 en 2022, environ 6 000 en ajoutant les composants et accessoires, et 13 500 en incluant les services, locations, associations et aménagements cyclables selon l’ADEME. Une poussière dans les 30 millions d’actifs en France, et même en comparaison des 400 000 emplois automobiles directs ou indirects selon la CCFA. Quelques usines tentent toutefois de conserver l’assemblage de vélos en France :

  • Manufacture Française du Cycle à Machecoul-Saint-Même (Loire-Atlantique), propriété d’Intersport depuis 2013 pour Namakura, Le Vélo Mad, Shiftbikes, 450 000 vélos/an dont 90 000 électriques (2021) ;
  • Cycleurope à Romilly-sur-Seine (Aube), assemblant Gitane et Peugeot, 350 000 vélos/an ;
  • Decathlon AML à Lille (Nord) depuis 2010, pour le haut de gamme B’Twin, environ 200 000 vélos/an (2021) ;
  • Arcade Cycles à La Roche-Sur-Yon (Vendée), pour Arcade et Reine Bike 60 000 vélos/an ;
  • Moustache Bikes à Thaon-les-Vosges (Vosges), environ 50 000 vélos électriques/an (2021) ;
  • Eovolt à Genas (Rhône), environ 18 000 vélos électriques pliants/an (2022).

De rares 2-roues made in France

Plus anecdotiques, d’autres petits fabricants assemblent en France pour des raisons de flexibilité, ce que nous a confié Florian Prieur, l’un des cofondateurs d’Ellipse Bikes. Assemblant dans leur atelier de Troyes, ils peuvent ainsi développer et mettre à jour très rapidement leur vélo. C’est aussi une question de coût, car les taxes approchent 50% sur des composants venant hors de l’UE, légitimant la fabrication en France. Le cadre est également un enjeu majeur, chez Caminade à Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales) ou Ref Bikes à Lyon fabriquant déjà le leur en France, ou Jean Fourche voulant le rapatrier en Nouvelle-Aquitaine.

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Cette moto électrique veut être produite en France (©Consian)

De même, les trottinettes électriques, que la FPMM considère vendues à plus de 900 000 unités en France, sont fabriquées en totalité à l’étranger. De rares acteurs espèrent ramener la fabrication en France, à l’image de Plume. Quant au secteur des deux-roues, c’est l’usine MBK de Yamaha qui fait figure de proue, à Rouvroy (Aisne), produisant plus de 80 000 motos en 2021, scooters et quads, et même le nouveau moteur pour vélos électriques Yamaha. Peugeot Cycles suit avec son scooter 3 roues Metropolis assemblé à Mandeure (Doubs), et l’électrique perce avec les scooters électriques Eccity à Grasse (Alpes-Maritimes) ou Consian comptant assembler sa moto Aurora dans la région lyonnaise.

Réindustrialiser avec la voiture électrique

Le gouvernement français s’est donc emparé de ce phénomène, pour l’automobile, en misant désormais sur sur une réindustrialisation lourde. L’objectif du ministre actuel de l’Économie, Bruno Lemaire, est de produire 2 millions de voitures électriques en France, et les batteries qui vont avec, d’ici 2030. C’est au travers des deux grands groupes nationaux que l’Etat espère l’atteindre : Stellantis (Peugeot, Citroën, Opel, DS, etc) et Renault Group (Renault, Dacia, Alpine), avec l’appui des Gigafactory de batteries d’ACC et Verkor.

C’est essentiellement dans le nord de la France que le développement s’accélère. La région Hauts-de-France va concentrer les pôles Electricity (Douai/Maubeuge) de Renault, ainsi que les usines de Douvrin et Dunkerque de Stellantis. Il faut y ajouter la grande usine de Toyota à Valenciennes, produisant les voitures hybrides Yaris. C’est d’ailleurs la Toyota Yaris Cross qui détient aujourd’hui le titre de voiture la plus produite en France.

Le grand retour du biclou à la française ?

Concernant le vélo, le député Guillaume Gouffier-Cha milite pour recréer une filière vélo en France. Son rapport public publié en février 2022 comporte plus de 60 points pour développer le secteur. L’idée est de devenir l’égal, si ce n’est mieux, du Portugal étant le premier fournisseur de vélos en Europe avec près de 3 millions de vélos par an (2,88 millions exactement), devant la Roumanie (2,5 millions), l’Italie (1,87 million), l’Allemagne (1,43 million), la Pologne (1,16 million) et l’Espagne (550 000). La France n’est donc que sixième avec 472 084 vélos (hors électriques selon l’EU) ou 804 744 au total selon l’Union Sport & Cycle (USC), alors qu’elle consomme 2,7 millions de vélos selon les chiffres de 2021.

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Un véhicule utilitaire électrique Made in France à Hordain (©Stellantis)

Sans attendre, les acteurs cités plus haut montent en régime : 150 000 vélos annuels pour la nouvelle usine Arcade en 2024, doubler à 100 000 chez Moustache, 48 000 chez Rebirth à Saint-Lô, plus modestement relocaliser en partie chez O2feel avec 8 000 unités/an, etc. N’oublions pas les composants, via les roues Mach 1, les batteries Gouach ou le moteur de vélo électrique Yamaha produit chez MBK. Selon les projections de l’ADEME pour 2030, la relocalisation pourrait créer entre 6 000 et 30 000 emplois rien que pour la production de vélos.

Le Made in France, un luxe ?

On parle souvent de coût lorsqu’il s’agit de produire ou non en France. Économiser à l’étranger ou devenir haut de gamme en France ? Dans le vélo, Decathlon a fait les deux choix, en produisant ses fleurons comme le dernier Btwin LD 920E à Lille, les autres plus accessibles sortant des usines de Pologne, Italie ou Portugal. Globalement, ce sont surtout les vélos électriques qui sortent des chaînes françaises à grande échelle pour Moustache par exemple, ou sur des petites séries pour quelques marques premium : Angell Bike à Is-sur-Thille (Côte-d’Or), Ellipse à Troyes (Aube), Bikle (Annecy) ou Jean Fourche (Bordeaux), pour ne citer qu’elles.

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Le Decathlon Btwin LD 920 E, assemblé prochainement à Lille (©Mobiwisy/ M. Lauraux)

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L’usine d’assemblage de vélos Decathlon à Lille (©Mobiwisy/M. Lauraux)

De même en auto, le coup de pouce est surtout sur la voiture électrique ou à un niveau de prix élevé. Les voitures accessibles de type citadine thermiques, sous 25 000 €, sont impossibles à produire en France, question de rentabilité, et encore moins pour une Dacia Spring à 20 000 €. Et encore, même la branche sport Alpine de Renault, qui garderait son unité de Dieppe pour produire les SUV électriques, lorgnerait sur une production en Asie.

Le modèle économique français fonctionne donc sur un objet électrique à haute valeur ajoutée, moins sur un vélo basique à 300 € ou une voiture essence à 15 000 €.

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