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McLaren Artura: les secrets techniques de la supercar hybride

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McLaren Artura

TECHNIQUE. Vraie révolution technologique dans la catégorie des supercars, la McLaren Artura apporte l’hybridation dans une catégorie jusqu’ici farouchement attachée au moteur thermique. Son ingénieur en chef Geoff Grose nous a révélé ses secrets lors d’une interview au centre technique de la marque à Woking, à quelques miles de Londres.

“Mais quel genre d’entreprise a de tels locaux ?!?”, s’exclame, abasourdi, notre chauffeur anglais de “black cab” à peine après avoir franchi la barrière qui délimite l’enceinte du centre technique de McLaren. Visiblement peu au fait de la chose automobile (il imaginait que McLaren était une marque italienne et non britannique), notre homme n’avait jamais entendu parler des spectaculaires installations du constructeur de voitures de sport, situés à Woking, à quelques encablures de Londres. Et il en prend plein les mirettes.

Il faut dire que chez McLaren, on a le sens de la mise en scène: lorsque vous êtes un invité, pas question de vous diriger vers le parking. A l’entrée, le préposé vous indique l’autre chemin, celui de gauche. Voilà qui vous oblige à contourner le lac artificiel, dans lequel se reflète le bâtiment au profil épuré signé Norman Foster. L’effet est saisissant! On croirait arriver dans le repère d’un méchant de James Bond.

“Notre bâtiment reflète parfaitement la philosophie de nos voitures”, assure Geoff Grose, directeur du développement de la gamme McLaren Automotive. “S’il y a un fil conducteur entre tous les modèles, c’est la recherche permanente de technologie.” Ancien de chez Lotus, cet ingénieur a rejoint l’entreprise en 2006… Ce qui signifie qu’il a présidé la conception de tous les modèles de la marque.

Certes, McLaren Automotive a été fondée en 1985, pour produire la F1 conçue par Gordon Murray en parallèle des activités en compétition. Mais cette première voiture de route à porter le nom de la célébrissime écurie (le projet M6GT a été abandonné à la mort du fondateur Bruce McLaren en 1970) n’a été qu’une parenthèse de l’histoire, un coup d’éclat, une série limitée. C’est véritablement en 2010 que McLaren a décidé de s’affirmer comme constructeur de supercars, pour rivaliser avec les plus grands, Ferrari et Lamborghini en tête.

Un nouveau châssis en carbone

C’est avec la MP4-12C que l’aventure a débuté. Après quatre ans de conception, cette supercar faisait entrer McLaren Automotive dans la cour des grands. “Elle a mis en place des principes qui sont toujours en œuvre depuis lors”, souligne Geoff Grose. “La recherche de performance évidemment, mais aussi certaines solutions techniques. Cela passe par un allègement maximal, la conception et la fabrication de nos propres moteurs, mais aussi la présence d’un châssis en fibre de carbone.”

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Châssis de la McLaren Artura Crédit : McLaren

Châssis de la McLaren Artura. Crédit : McLaren

La dernière-née de la marque, l’Artura, évolue sur ce dernier point. Elle n’adopte certes pas un monocoque entièrement en fibre de carbone comme sa grande sœur la 720 S. Mais la “baignoire” a été sérieusement revue par rapport à la 570 S qu’elle remplace. D’abord parce que le cadre du pare-brise, qui est une pièce rapportée, est lui aussi constitué de composite, alors que la structure du toit est, comme auparavant, réalisée en aluminium. Les seuils ont été abaissés dans leur partie avant, pour faciliter l’accès à bord, alors que les piliers avant ont été renforcés, pour pouvoir directement fixer les charnières de portes. Auparavant, un mât était rapporté pour fixer les portes.

Ce nouveau châssis permet d’augmenter la rigidité, tout en gagnant en légèreté. Et pour la première fois, il est produit chez McLaren, à Woking, et non plus chez un sous-traitant.

Par rapport à la 570 S qu’elle remplace, la McLaren Artura voit sa masse augmenter de seulement 82 kg, pour se fixer à 1.395 kg à sec. Ce qui apparaît à première vue comme une régression est en réalité une sorte d’exploit. Car cette nouvelle supercar adopte une mécanique hybride rechargeable, nécessairement plus lourde du fait de la présence de deux moteurs (essence et électrique), ainsi que d’une batterie au lithium de 7,4 kWh utiles. La nouvelle conception du châssis, dessiné autour de cet accumulateur pour une meilleure répartition des masses, est un des facteurs qui contribuent à limiter la masse.

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La McLaren Artura “démocratise” la supercar hybride

Dans le petit monde des supercars, la McLaren Artura apparaît comme une petite révolution. Jusqu’ici en effet, peu de sportives de cette catégorie avaient combiné motorisation essence et électrique. La BMW i8, peu puissante (362 ch) et la Honda NSX n’ont été que de confidentielles vitrines technologiques pour leur constructeurs respectifs.

Et si on avait vu quelques hybrides ultra-performantes, elles faisaient plus office de laboratoire technologique. C’est le cas de la “Sainte Trinité des hypercars hybrides”, trio de bolides lancé en 2013 et composé de la LaFerrari, de la Porsche 918 Spyder et de la McLaren P1. Des autos en séries limitées très exclusives, dont le tarif se situait autour du million d’euros.

La philosophie de l’Artura est tout autre: son tarif de base se situe autour de 230.000 €, et elle devrait devenir le modèle le plus diffusé de la marque.

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McLaren Artura Crédit : Challenges – N. Meunier

McLaren Artura. Crédit : Challenges – N. Meunier

Avec le lancement de l’Artura, impossible de ne pas évoquer la P1 lancée dix ans auparavant, qui était à la fois le premier modèle hybride de la marque et le premier jalon de l’Ultimate Series (qui comprend les McLaren les plus extraordinaires, produites en série limitée).

“Avant le développement de la P1, j’ai conduit pour l’unique fois de ma vie la McLaren F1. Il nous fallait comprendre ce qui rendait la conduite de ce modèle mythique si unique”, se remémore Geoff Grose. Car la P1 devait représenter ce qu’il y a de plus exceptionnel, et il aura en effet fallu dix ans pour que sa technologie se démocratise. Pourtant, le seul point commun entre les P1 et Artura est la présence d’une motorisation hybride.

En dix ans, les technologies d’électrification ont tellement évolué qu’il n’y a aucun composant commun entre les deux autos.

Un moteur électrique à flux axial extraordinairement compact

La partie électrique de l’Artura fait appel à un petit bijou de technologie: un moteur à flux axial, a priori fourni par le spécialiste britannique Yasa (McLaren se refuse à confirmer le nom de son fournisseur). Celui-ci fournit également Koenigsegg et Ferrari, pour la 296 GTB, rivale directe de l’Artura. Notons que l’italienne a réussi à couper l’herbe sous le pied de la britannique: si cette dernière a été présentée bien avant, les livraisons ont pris tellement de retard que les deux concurrentes arrivent sur le marché simultanément.

Comme sa rivale, comme la P1 et au contraire des Honda NSX et BMW i8, la McLaren Artura est une simple propulsion. “Déplacer le moteur électrique sur le train avant pour disposer d’une transmission intégrale aurait alourdi l’auto, sans apporter un véritable bénéfice en termes de comportement routier”, estime Geoff Grose.

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Un moteur à flux axial permet des dimensions bien plus compactes qu’un moteur électrique standard à flux radial. Celui-ci n’est pas constitué de deux cylindres imbriqués l’un dans l’autre, mais plutôt de trois disques juxtaposés. Ainsi, la surface d’échange des flux est maximisée, ce qui signifie une puissance plus élevée dans le même volume. En contrepartie, le pilotage des électro-aimants contenus dans le stator (disque central) apparaît assez complexe, alors que la densité énergétique supérieure impose un échauffement plus important.

Voilà qui a conduit les ingénieurs de McLaren à concevoir un circuit de refroidissement spécifique: si les deux rotors sont refroidis par air, c’est un circuit liquide qui contrôle la température du stator. Ce circuit est une boucle dérivée du circuit de refroidissement des turbos, dont les températures sont voisines. La batterie au lithium, constituée de cellules NMC (nickel, manganèse et cobalt, la marque ne communique pas plus de détails sur la technologie des cellules) est, quant à elle, refroidie par le circuit de climatisation de l’habitacle.

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Partie électrique de la McLaren Artura Crédit : McLaren

Partie électrique de la McLaren Artura. Crédit : McLaren

Pour l’Artura, McLaren ne s’est pas contenté de récupérer un moteur électrique déjà existant. “Nous avons donné un cahier des charges précis à notre fournisseur technique”, explique Geoff Grose. “On pourrait imaginer que nous aurions choisi le moteur le plus puissant possible, mais cela aurait signifié un diamètre plus important. Or, le centre du moteur électrique doit être aligné avec l’axe du vilebrequin, qui doit être le plus bas possible pour abaisser le centre de gravité. Voilà pourquoi il fallait limiter les dimensions. Résultat: notre moteur à flux axial n’est pas plus gros qu’un disque de frein, et son carter dispose d’un méplat en partie basse, pour l’implanter le plus près possible du sol.”

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Les trajets du quotidien en mode tout électrique

Comme toute hybride rechargeable, l’Artura peut rouler en mode électrique. McLaren annonce une autonomie de 30 km sur le cycle normalisé de mesures. Lors d’une brève prise en mains d’une cinquantaine de kilomètres, nous avons plutôt constaté un rayon d’action de 20 km en conditions réelles. On dispose alors de 95 ch et 220 Nm, qui permettent d’effectuer les petits trajets du quotidien avec des performances de citadine (vitesse maximale de 130 km/h).

En électrique donc, l’Artura ne présente pas la sauvagerie habituelle des McLaren, même si on perçoit déjà le caractère de l’engin: par sa direction electro-hydraulique au ressenti excellent, par le sifflement du moteur électrique qui donne une ambiance de vaisseau spatial, ou encore par l’insonorisation limitée à sa plus simple expression (décidée pour des questions de légèreté).

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Moteur V6 de la McLaren Artura. Crédit : Challenges – N. Meunier

Une fois la batterie consommée, le moteur essence s’ébroue dans un crachement plus sauvage que musical, typique des productions de la marque. Et pourtant, ce bloc essence totalement nouveau n’a plus rien à voir avec le V8 qui équipe tous les modèles depuis les débuts de la marque. Cet inédit V6 présente une angle de V très ouvert (120°), ce qui permet de loger les deux turbos (dont la turbine est montée sur roulements à billes) à l’intérieur. Cela a pour conséquence de réduire les contrepressions à l’échappement et une meilleure réactivité des turbos. Ceux-ci peuvent être de taille plus importante, pour un souffle optimal à haut régimes, grâce à la présence du moteur électrique, qui délivre son couple dès les plus bas régimes.

D’une cylindrée de 2.993 cm3, le V6 développe à lui seul 585 ch et 585 Nm… A comparer aux 570 ch et 600 Nm de l’ancienne 570 S. Malgré des performances comparables, le V6 est plus léger de 50 kg et plus court de 190 mm que l’ancien V8. La puissance combinée s’élève à 680 ch, alors plus si éloignée de la 720 S… Dont on attend une mise à jour prochaine pour reprendre le dessus.

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Il nous faudra évidemment réessayer plus longuement l’Artura sur nos bases habituelles pour un véritable avis complet. Mais à première vue, le pari semble réussi: les réactions naturelles de la mécanique ne laissent pas deviner la présence du moteur électrique en conduite sportive. Cette McLaren s’élance avec hargne comme toute McLaren. Cette nouvelle supercar semble donc la preuve éclatante que l’hybridation peut servir les performances, ce qui est indispensable pour un modèle de cette catégorie.

Avec d’autres intéressantes contreparties. D’une part les émissions de CO2 sont contenues à 129 g/km sur le cycle WLTP, ce qui permet d’échapper au malus écologique de 50.000 € qui affecte habituellement ce genre d’autos en France. Et, accessoirement, cela rend l’auto plus socialement acceptable, un argument aujourd’hui non-négligeable pour les clients de supercars, qui ne veulent plus être pointés de doigt pour leur passion de l’automobile.

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