Voir une Rolls-Royce électrique est inhabituel, et pourtant...
“Ce sera la pire Rolls-Royce que vous ayez jamais vue”, me prévient-on sans ambages. Bien que le véhicule de développement ait à peine six semaines d’âge et qu’il soit l’un des six exemplaires de préproduction existants, ce coup d’œil furtif donne un aperçu d’un modèle extrêmement important qui sera présenté en concession à la fin de l’année 2023.
“Nous devons la former pour qu’elle devienne une Rolls-Royce”, poursuit la voix, “elle n’en est qu’à 25 %. Elle est encore au jardin d’enfants, elle doit faire ses classes.” Ok alors : Je suis prêt à vivre l’expérience la moins Rolls-Royce que je puisse avoir dans une Rolls-Royce. C’est parti.
Sous les surfaces camouflées de notre modèle d’essai se cache une carrosserie achevée à 85 %, à l’exception de quelques interstices de panneaux qui seront peaufinés pour une meilleure efficacité aérodynamique. En l’état, la Spectre est la Rolls-Royce la plus aérodynamique de tous les temps, avec un coefficient de traînée estimé à 0,26 malgré sa carrosserie imposante.
Le prototype semble assez grand pour être un crossover, avec des ouvertures de fenêtre relativement petites et des seuils de porte à hauteur de coude. Bien que cet exemplaire soit équipé de roues de 22 pouces en raison de ses pneus d’hiver, la configuration toutes saisons comportera des roues de 23 pouces. C’est le plus grand diamètre de roue sur un coupé depuis la Bugatti Royale de 1926.
Les portes massives de la voiture s’ouvrent vers l’arrière pour révéler un intérieur de type salon et une cabine arrière spacieuse dans laquelle vous n’hésiteriez pas à faire asseoir vos grands-parents. Je ne peux pas parler de l’opulence des détails, car une grande partie de l’intérieur est recouverte de tissus et équipée de capteurs, d’équipements d’enregistrement de données et d’interrupteurs. Mais il y a toujours un air de grandeur ici, avec un grand tableau de bord ressemblant à celui d’un avion et un ornement de capot lointain qui est en grande partie caché derrière la courbure du capot.
Mon chauffeur fait glisser la Spectre sur une route glacée, et nous partons dans une accélération (presque) silencieuse. La structure de la carrosserie ne donne pas l’impression d’être un coffre-fort, avec des goupilles de porte qui tremblent sur un sol cahoteux et un léger bruit de route qui s’infiltre dans l’habitacle. Cependant, le prototype est beaucoup plus silencieux que de nombreuses voitures de luxe, grâce en partie à la batterie de 1 500 livres (680 kg) qui fournit une couche d’insonorisation et une bonne isolation vis-à-vis de la route.
Rolls ne dévoilera pas la composition de la batterie, son autonomie ou ses kilowattheures. On ne sait pas non plus comment elle sera calibrée pour la régénération, mais on m’assure qu’elle n’intégrera pas de palettes de changement de vitesse pour ajuster la régénération. Et si ces détails finiront par être divulgués, il y a quelque chose de très Rolls-Royce dans le fait de laisser entendre que ses spécifications sont simplement “adéquates”.
“Chez Rolls-Royce, nous sommes généralement assez réticents à l’idée d’être les premiers” déclare Richard Carter, responsable de la communication. “Nous arrivons sur le marché quand nous sommes prêts. Nous prenons notre temps pour perfectionner nos voitures et nous ne nous intéressons pas vraiment à ce que font les autres constructeurs.”
Bon, alors, allons-y pour le trajet.
Bien que les pneus d’hiver Pirelli semblent très fins sous une carrosserie aussi imposante, ils font un travail impressionnant pour maintenir le lourd coupé sur la route. À un moment donné, le conducteur enfonce l’accélérateur à environ 40 mph et la Spectre s’élance vers l’avant dans un déploiement de puissance sans effort. Le couple à mi-régime est à la fois irréel et facile, propulsant l’énorme quatre places avec une facilité propulsive.
Nous nous engageons sur une petite route à voie unique et la Spectre semble gérer ces grosses bosses avec plus d’aplomb que les petites ondulations de l’autoroute. Encore une fois, le travail est en cours. Ici, face à l’échelle tentaculaire des grands espaces du cercle arctique, cette Rolls semble exempte des jugements rapides habituels de la société sur la prétention, la classe et le snobisme. Plutôt que d’être victime des pièges sociétaux habituels, il s’agit ici d’une simple voiture, bien qu’elle soit exceptionnellement grande et impérieuse et qu’elle s’adresse à un public spécifique.
La gamme entière de Rolls-Royce devant être convertie en électrique d’ici 2030, cette voiture marque une première étape extrêmement importante pour la marque. Cette étape est si importante qu’elle a été baptisée “Rolls-Royce 3.0”, en l’honneur de cette nouvelle ère d’électrification. Et si la Spectre représente effectivement un départ des anciens V12 de Goodwood, le changement se fait de manière beaucoup plus fluide que les avertissements de la marque auraient pu nous le faire croire. Bien sûr, le prototype doit encore parcourir un long chemin de développement d’être prêt pour les clients.
Mais parce que l’électrification coche tellement de cases que Rolls-Royce a cherché à atteindre avec la combustion interne depuis plus d’un siècle, le changement semble positivement normal et absolument naturel. Les petits problèmes mineurs n’ont rien à envier à la facilité avec laquelle elle dévore la route. Le voyage a peut-être duré plus d’un siècle, mais la destination en aura valu la peine.
Galerie: Rolls-Royce Spectre termine ses essais hivernaux près du cercle arctique
