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Saga Chevrolet Corvette : de la C5 à la C8

saga chevrolet corvette : de la c5 à la c8

Si votre resto préféré est un endroit bruyant, chaleureux et bon enfant, un refuge douillet et décontracté où la générosité du chef rejaillit dans sa gouaille et ses assiettes, alors vous allez vous régaler ! Au menu : 25 ans d’histoire d’une légende qui est à l’automobile ce que la côte de bœuf béarnaise est à la gastronomie.
Depuis les premières autos assemblées à la main dans l’usine de Flint, en 1953, la Corvette s’est écoulée à plus de 1,7 million d’exemplaires à travers le monde, ce qui en fait la voiture de sport la plus vendue de tous les temps, loin, très loin devant la 911 et ses 1,1 million d’unités. Comme Porsche, Chevrolet a bâti ce succès sur une politique ultra-conservatrice, avant de faire sa révolution au moment de concevoir la huitième génération, lancée en 2020.
La migration du V8 à l’arrière et les bouleversements dynamiques, stylistiques et philosophiques qui en découlent ne semblent pas provoquer de colère mais plutôt une forme d’indifférence chez nos trois invités. Véronique, Arnaud et Laurent vont pouvoir essayer la C8 Stingray sur notre piste de référence, mais c’est moins ce privilège que le plaisir de partager leur passion qui semble avoir motivé leur présence à Magny-Cours. Ils ont bravé le froid glacial de ce matin de décembre pour participer à cette réunion de famille regroupant les quatre dernières générations de Corvette. Nous ne sommes pas remontés plus loin, d’une part pour des questions d’ordre bassement pratique, et de l’autre car même si l’importation pseudo-officielle sur nos terres commença au milieu de la carrière de la C4 (LT1 de 1992), on peut considérer la C5 comme la première vraie “européenne” de la lignée.

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La C5 à la conquête de l’ouest

Véronique a eu le coup de foudre pour ce modèle conseillé par son voisin. L’idylle dure depuis plus de deux ans. On ne parle pas d’une vulgaire amourette. Chauffeur routier la semaine, madame vit Corvette, respire Corvette, s’habille Corvette. Les coussins et la couverture aux couleurs de la marque dans le large coffre ne sont pas là (que) pour la déco. « Ma fille dort souvent à l’arrière quand je pars sur des rassemblements le week-end », lance-t-elle fièrement avant de s’installer à ma droite pour quelques tours de piste, un appareil photo à la main. Je ne conçois pas un essai dans Motorsport, même celui d’une auto d’un certain âge, se limitant à une gentille balade. Nous devons aux lecteurs pointus que vous êtes ce niveau d’exigence et je ne remercierai jamais assez les courageux propriétaires qui acceptent de nous prêter librement leurs jouets, aussi chers soient-ils à leurs yeux… C’est néanmoins avec la douceur et le respect que l’on doit à une sportive plus que vingtenaire que le voyage dans le temps débute sur une piste Club glacée.

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Sortie en 1997, la C5 fit entrer la Corvette dans une nouvelle ère, notamment grâce à l’intégration de la boîte au pont arrière. Le dispositif impose un empattement rallongé de 23 cm et permet une excellente répartition des masses. Le V8 étant installé en position centrale avant, autrement dit derrière l’axe des roues, l’équilibre avant/arrière frise ainsi la perfection (51/49 %). En profiter impose toutefois de passer outre le flou caricatural qui transparaît de prime abord dans la direction.

Monstre débonnaire

Ceux pour qui une connexion franche et immédiate entre l’homme et la machine prime sur tout le reste n’éprouveront guère de tendresse pour ce monstre débonnaire et faussement nonchalant. Faussement car, en dépit des conditions de piste, de l’âge de la bête et de pneumatiques Hankook à la sportivité douteuse, la Ricaine ne refuse jamais de tourner et, plus étonnant encore, n’impose pas de glisser ! Une fois inscrite avec l’autorité qui convient, elle fait montre d’une époustouflante sérénité dans le rapide, à mille lieues de l’image que les “sachants” se font d’une Corvette, a fortiori  une Corvette de cette époque. L’antique et stupide boîte auto à quatre rapports (en option) voudrait gâcher la fête mais l’étagement extra-long permet de bloquer le sélecteur sur le deuxième rapport et de passer la trois juste dans la ligne droite. La souplesse du V8 fait le reste.
Le small block 5,7 litres tout alu, nom de code LS1, développe 345 ch pour un couple de près de 50 mkg tandis qu’à la même époque, le flat-6 de la 911 Carrera plafonne à 285 ch… Même s’il ne prend que 6 000 tr/mn, ce moteur vibrant, vrombissant, omniprésent, peut être à lui seul une solide motivation d’achat. Les plus émotifs en oublieront les plastiques indigents, les bruits d’air suspects, le maintien inexistant des sièges, le freinage sous-­dimensionné, les prises de roulis quasi nautiques. Les autres devront sauter une génération, car la C6 n’est rien d’autre, et c’est déjà bien, qu’une remarquable évolution de la C5.

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Délicieuse C6

Celle d’Arnaud est une Phase 1, produite entre 2005 et 2008. Il roulait auparavant en Lotus Elise 2. D’un 4 cylindres 1,8 à un V8 6 litres, de 120 à 404 ch, la montée en puissance ne manque pas de panache, surtout que le jeune homme est allé chercher sa Corvette dans les Alpes avant de l’étrenner du côté de Val Thorens. Joueur…
Cette génération marque le retour éphémère à de vrais feux ronds à l’arrière. Les phares escamotables ont quant à eux disparu et, sous la ligne racée, on retrouve le principe simple, d’aucuns diront désuets, du châssis-poutre composé de rails d’acier hydroformé.
La C6 est plus courte et moins large que sa devancière, et ainsi plus légère d’une cinquantaine de kilos tandis que la puissance du moteur s’envole. Le V8 baptisé LS2 gagne 300 cm3 et 60 ch tout en restant fidèle à une distribution à seulement 16 soupapes actionnées par un arbre à cames central. Cet archaïsme ne fait ricaner que ceux n’ayant jamais eu le pied droit connecté au papillon de gaz d’un bloc avec autant de caractère.

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Intérieur Corvette C6

Au volant, point de dépaysement : tous les traits de caractère de la C5 sont là, mais la direction se montre bien plus franche et précise, la suspension moins flottante et la poussée incomparable. En 2005, la Corvette affichait de loin le meilleur rapport poids/puissance de sa catégorie, avec 50 ch de plus et 30 kg de moins qu’une 911 (997) Carrera S ! Certes, la Porsche reprenait (largement) au freinage le temps perdu en ligne droite…

La première Corvette à moteur central est loin de disposer du pouvoir récréatif naturel de son aînée

Côté transmission, la boîte mécanique Tremec à six rapports est ferme, lente et longue à pleurer, mais elle participe à sa manière au plaisir de pilotage. Le train avant est toujours un peu long à la détente mais il finit par aller précisément où on lui demande pendant que la poupe enroule gentiment avec l’angle que le pied droit veut bien lui donner. La motricité est remarquable mais la suspension passive demeure trop souple pour que l’on reste parfaitement serein à la limite. L’excellent amortissement piloté MagneRide, dévoilé sur la C5 50e anniversaire en 2003, réglait une bonne part du problème mais il n’était proposé qu’en option.
Entre deux glisses avec son auto sous ses encouragements, Arnaud évoque ce qu’il estime être le seul vrai défaut sur la C6. L’électronique capricieuse aurait tendance en effet à lui jouer des tours, entre des recalibrages inopinés de l’ESP et le niveau d’assistance erratique de l’antipatinage.
En 2008, la première Corvette supertestée dans Motorsport est une C6 Phase 2, dont le V8 (LS3) a vu sa cylindrée et sa puissance portées respectivement à 6,2 litres et 437 ch. Chrono en main, l’Américaine dominait la BMW M3 E92 mais ne pouvait lutter ailleurs qu’en ligne droite avec une GT aussi affûtée que l’Audi R8 V8. La Z06 était là pour ça, mais c’est une autre histoire qui méritera, un jour, sa propre saga à Magny-Cours… C’est promis !

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La C7 providentielle

La lignée des Corvette a bien failli s’éteindre avec la crise économique de 2008 et la mise en faillite de GM l’année suivante. Prévue pour le millésime 2011, la septième génération fut repoussée de trois ans. Un mal pour un bien à en juger par les progrès considérables observés fin 2014 lors d’un joyeux road trip entre le Jura et la Nièvre. La C7 Stingray donna une sacrée leçon à la BMW M4 et au Cayman GTS dans les petits cols de montagne autant que sur la piste, se permettant au passage de signer un meilleur temps au tour que la 911 Carrera S.
Alors quand Laurent, voyant poindre la crise de la quarantaine, se tourna vers moi au moment de craquer pour sa première sportive d’exception, je l’ai naturellement orienté vers la Stingray. Le garçon ne semble pas m’en tenir rigueur si l’on considère le plaisir qu’il prend depuis son achat à enchaîner les rallyes touristiques, les rassemblements et les trackdays. Le gourmand ne voulant rien manquer du potentiel de son auto a même ajouté des journées 100 % drift à son calendrier. Comme on le comprend ! Huit ans après l’essai paru dans Motorsport n° 60, sa monture apparaît toujours aussi éblouissante, voire plus encore lorsqu’on la compare directement aux deux générations qui l’ont précédée.

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Intérieur Corvette C7

Il est d’abord question de qualité perçue, absolument incomparable, et d’ergonomie. Bien calé dans un baquet enfin digne de ce nom, on se délecte d’une direction autrement plus tranchante et d’un comportement plus fou que flou, si affûté qu’il en deviendrait presque piégeur alors que les pneus sont encore froids. Les ingénieurs ont abandonné le bon vieux châssis poutre au profit d’une noble coque tout en alu, à la fois plus légère et plus rigide. En revanche, la suspension à triangles superposés conserve ce qui reste l’un des éléments les plus singuliers sur la Corvette, à savoir un ressort à lame transversale en composite sur chaque essieu. La légende américaine est toujours aussi équilibrée, plus précise, affûtée, rapide et efficace que jamais. Pas l’ombre d’un sous-virage, et cette impressionnante force tranquille encore intacte. Le V8 (LT1) a pris du galon avec une injection directe et le calage variable du seul et unique arbre à cames. Qu’importe si la puissance au litre plafonne à 76 ch quand la concurrence a depuis longtemps dépassé la centaine, du moment que l’on dispose de 6,2 litres de cylindrée… Quant à la boîte mécanique, elle a gagné un rapport et une commande enfin rapide mais conserve un étagement à l’américaine. C’est là que l’on apprécie d’avoir 64 mkg de couple en réserve.

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C8 : la révolution

Retour au stand. L’heure est venue de clore la saga en prenant le volant de la huitième génération. Le caractère et le son, bien que plus feutré, du V8 sont encore là, la fameuse force tranquille aussi. L’équilibre en revanche, aussi fabuleux soit-il, n’a plus rien à voir. On le savait déjà mais en sortant de la C7, le constat gagne en amertume. La première Corvette à moteur central est loin de disposer du pouvoir récréatif naturel de son aînée, de sa bestialité savamment distillée, de ce lien franc et viril rendant son pilotage aussi gratifiant. La C8 est aussi bien plus lourde et semble pousser moins fort. Quant au fait qu’elle tourne une seconde plus vite sur notre piste de référence, cela ne suffit pas à émouvoir Laurent. Il compte bien garder sa C7 Stingray tant qu’il n’aura pas le budget pour s’offrir une Grand Sport. Que voulez-vous qu’il trouve de mieux, aujourd’hui, autour de 65 000 €, alors même que son auto tient la cote ? Et que dire du rapport prix/plaisir de la C5 de Véronique, dont le prix oscille autour de 25 000 €  ? Imbattable ! Car au fond, la première qualité de la Corvette depuis des décennies est d’être restée un objet fantasmé mais populaire, exclusif mais accessible, une pépite sans égale pour les connaisseurs. Et tant pis pour les autres…

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Ce qu’ils pensent de la C8 ?

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Arnaud, propriétaire de la Corvette C6

Rien à voir avec la C6. On dirait plutôt une Allemande ou une Italienne. Mais agréablement surpris. Je choisirais plutôt ça qu’une 911

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Véronique, propriétaire de la Corvette C5

C’est pas la même chose, il y a trop d’électronique. C’est feutré, moins
sonore, trop moderne pour moi. Je garde la mienne !

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Laurent, propriétaire de la Corvette C7

Elle pousse moins fort. Il y a aussi moins de son et de vibrations. Je ne suis pas bluffé. Même si j’avais le budget, elle ne remplacerait pas ma C7

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