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Tenez-vous bien, il y avait des voitures électriques à New York dans les années 1890

tenez-vous bien, il y avait des voitures électriques à new york dans les années 1890

L’Electrobat, dont la batterie se changeait en trois minutes, a temporairement conquis New York et laissé quelques records. | New-York Tribune via Wikimedia Commons

Une rue de Manhattan où la plupart des voitures qui roulent sont électriques. Loin de n’être qu’une vision du futur, cette scène emprunte aussi au passé. Dans les années 1890, il se vendait, à New York, plus de voitures électriques que d’équivalents thermiques. Des ventes en grande partie dues à la première compagnie de taxis électriques du monde et à son fer de lance: l’Electrobat.

Silencieuse, propre et facile à conduire, la voiture électrique de l’époque ne s’envisage pas qu’en opposition à sa cousine thermique. Elle représente surtout un formidable progrès par rapport aux chevaux. Les quelque 150.000 canassons qui trottent à New York rejettent alors près de 10 kilogrammes de déjections par jour.

L’Electrobat s’impose comme le premier véhicule électrique commercialement viable à une période où l’électricité, qui commence à se démocratiser, est vue comme magique. Conçu par les Philadelphiens Henry Morris et Pedro Salom en 1894, l’Electrobat pèse un peu plus d’une tonne, est propulsé par une batterie au plomb, peut parcourir 40 kilomètres en une charge et atteint une vitesse maximum de 25 kilomètres par heure.

Mais peut-être que le plus impressionnant reste le changement de batterie. Les deux ingénieurs ont inventé un système permettant aux garagistes, à la manière de mécaniciens de Formule 1, de remplacer la batterie de l’Electrobat en trois minutes. C’est déjà plus rapide qu’au XXIe siècle. Imaginez maintenant que la batterie dont on parle pèse 450 kilogrammes et se soulève grâce à des systèmes hydrauliques et un pont roulant…

La batterie plombée par un scandale financier

L’invention de Henry Morris et Pedro Salom gagne vite en notoriété, en particulier dans la haute société. Plutôt que de vendre leurs voitures électriques, ils décident de les louer. La flotte de taxis explose. D’une douzaine de véhicules à la création de la compagnie en 1897, le duo dépasse la centaine en 1899.

Il faut dire qu’avec son accélération et son silence, l’Electrobat est la voiture urbaine idéale. Un peu trop, même. Jacob German rentre ainsi dans l’histoire, en mai 1899, comme le premier automobiliste à se faire arrêter pour excès de vitesse –à 19 kilomètres par heure. Plus tristement et quelques semaines plus tard, Henry Bliss devient le premier piéton tué par une automobile; il n’a pas entendu l’Electrobat arriver. Un panneau lui rend hommage près de Central Park.

Ni ce drame ni les habitudes bousculées n’arrêtent le succès de l’Electric Vehicle Company, la nouvelle entité de Morris et Salom. Appuyée par de nombreux investisseurs, elle s’attaque à Philadelphie, Chicago, Boston pour devenir le premier fabricant de voitures du pays.

Mais cette expansion s’avère bientôt intenable. Non seulement les branches non new-yorkaises de l’entreprise sont mal gérées, mais en plus la presse révèle fin 1899 que la compagnie a obtenu un prêt de manière frauduleuse. Les investisseurs fuient, l’action s’effondre, l’entreprise fait faillite trois ans plus tard.

Le fracas provoqué par la chute de la première entreprise du pays dans son domaine est une terrible publicité pour la voiture électrique. Pour ne rien arranger, un incendie ravage une part importante de la flotte de taxis. Puis la panique bancaire de 1907 porte le coup de grâce à l’industrie. Au même moment, l’homme d’affaires Harry Allen débarque de France avec 65 taxis Darracq à essence. Il en possédera 700 l’année suivante.

«Ce qui a tué le taxi électrique, ce n’est pas vraiment l’idée, la technologie ou la stratégie commerciale, conclut Dan Albert, auteur de Are We There Yet? («En sommes-nous encore là?» en français), un livre retraçant l’histoire de l’automobile américaine. C’est le comportement véreux des concessionnaires de l’époque.»

Les États-Unis embrassent alors leur riche (et polluante) culture de la voiture thermique et de la liberté des routes. Il faudra attendre 2022 et le début d’une conscience écologique pour revoir des taxis électriques à New York.

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