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Pourquoi le 4x4, électrique ou pas, a toujours sa place

pourquoi le 4x4, électrique ou pas, a toujours sa place

Munro MK_1, le 4×4 électrique écossais

Est-il bien raisonnable de venir à l’automobile par le 4×4 lourd ? La jeune pousse écossaise Munro répond par l’affirmative. Au prétexte que les professionnels ont besoin de véhicules tout-terrain, conçus tels des outils de travail plutôt que comme des accessoires de mode.

Les automobilistes qui apprécient les véhicules aux formes travaillées seront proprement horrifiés par l’aspect brut de décoffrage du 4×4 à vocation utilitaire appelé Munro MK_1 (prononcez Mark One). Brutale et simpliste, sa carrosserie façon origami vise une économie de fabrication et de réparation à laquelle même le Grenadier d’Ineos ne peut s’astreindre.

Pourtant les ingénieurs Ineos se vantent d’avoir su mettre de côté les effets de style pour se focaliser sur les aspects fonctionnels, seule manière disent-ils de satisfaire les exigences de la clientèle visée.

En l’occurrence, il s’agit des entrepreneurs du bâtiment, des agriculteurs, des éleveurs, des artisans, des dépanneurs et des secouristes qui interviennent dans les régions accidentées. Leurs besoins ne peuvent être pleinement satisfaits par les utilitaires légers (limités en termes de capacité de franchissement comme de remorquage) ni par les petits camions, jugés trop lourds, trop encombrants et trop voraces en carburant.

Rustique, le Munro MK_1 laisse l’opulence au Mercedes Classe G électrique

Jusqu’à son arrêt en 2019, le Land Rover Defender répondait merveilleusement bien à ces attentes. Mais son constructeur a décidé de le remplacer par un véhicule nettement plus coûteux, plus sophistiqué et — pour tout dire — trop raffiné pour endurer les mauvais traitements.

C’est toute la différence entre un véhicule particulier et une machine professionnelle. “L’ingénierie mise en œuvre dans notre Munro MK_1 est résolument agricole”, se vantent ses concepteurs écossais Russell Peterson et Ross Anderson. Le premier a grandi sur une ferme et gérait une entreprise du bâtiment avant de se lancer dans la construction automobile en 2019. C’est dire s’il connaît les vertus et les faiblesses des véhicules utilitaires.

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“La clientèle que rebute le qualificatif d’agricole ne figure probablement pas dans notre cible. Car l’expérience montre que les véhicules agricoles sont ceux qui combinent la plus grande sophistication technique avec une endurance extrême. Elle leur permet de travailler dans les conditions les plus difficiles. Or, notre 4×4 Munro MK_1 a précisément été conçu pour endurer le pire : sous réserve d’un entretien scrupuleux, il devrait rester parfaitement opérationnel pour 30, 40 ou 50 ans.”

Munro ambitionne de produire le véhicule utilitaire tout-terrain le moins polluant possible et le plus endurant possible

De la part d’un constructeur dénué de toute expérience industrielle, de telles prétentions ont de quoi faire sourire. Elles ressemblent beaucoup à celles de la branche automobile du pétrochimiste britannique Ineos, qui se targue d’avoir préféré faire appel au savoir-faire des meilleurs équipementiers plutôt que de se fourvoyer dans une étude longue et incertaine.

pourquoi le 4x4, électrique ou pas, a toujours sa place

Munro MK_1 dévoilé le 5 décembre 2022. Ce gros 4×4 écossais ne cherche pas à provoquer l’ire des écologistes, juste à concilier les besoins des professionnels avec les contraintes de la propulsion électrique et de la réduction des émissions de carbone. Un véhicule conçu comme une machine-outil, à faire durer des dizaines d’années. Crédit : Image © Munro Vehicles

En comparaison, Munro Vehicles se lance dans l’inconnu. Car son 4×4 passe directement à la case “propulsion électrique”, là où l’Ineos Grenadier fait appel à des moteurs à essence et Diesel signés BMW. Un autre Allemand — ZF — signe la boîte de vitesses, un Autrichien — Magna Steyr — la transmission 4×4, un Italien — Carraro — les essieux, et un Espagnol — Gestamp — le châssis. Le tout est assemblé en France dans l’usine Smart à Hambach, rachetée en décembre 2020 à Mercedes. Rien que du connu, donc, au service d’une fiabilité, d’une endurance et d’une efficacité qui se veulent irréprochables.

Un seul moteur électrique central, pour entraîner les quatre roues via une transmission mécanique robuste

Munro s’affranchit pour bonne part de la complexité de ces organes mécaniques. Les quelque 2.000 pièces qui composent le 6-cylindres BMW disparaissent, remplacées par la vingtaine de pièces du moteur électrique à flux axial choisi par Munro. Le nom de son fournisseur n’est pas connu mais ses performances forcent le respect. Moitié moins lourd (40 kg) et tournant deux fois moins vite (5.000 à 8.000 tr/min) qu’une machine à flux radial trouvée sur la plupart des voitures électriques, ce moteur décliné en deux puissances (220 kW et 280 kW) se contenterait d’une batterie NMC de 61 kWh ou de 82 kWh (au choix) pour garantir jusqu’à 16 heures de fonctionnement sur terrain difficile et une autonomie de 306 kilomètres sur route.

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Si le Munro MK_1 embarque un blocage de différentiel central (en option sur les essieux), ses concepteurs affirment que la faible vitesse rotationnelle de son moteur l’autorise à faire l’économie d’une boîte de réduction. C’est un organe lourd et encombrant en moins.

En revanche, le MK_1 bénéficie de deux rapports de démultiplication, un raffinement encore rare sur les voitures électriques, vu seulement sur les Porsche Taycan et Audi e-tron GT. “En jouant sur ces deux rapports, le moteur est maintenu au régime qui offre le meilleur compromis entre couple et rendement”, explique Ross Anderson.

La valeur maximale de couple (700 Nm) est disponible dès la première rotation des roues, jusqu’à 80 km/h. De quoi tracter une remorque freinée de 3.500 kg. La charge utile est quant à elle de 1.000 kilogrammes. Le coffre habillé de contre-plaqué marine est au format de l’incontournable palette euro.

Dedans comme dehors, le Munro soigne moins sa présentation que le Grenadier

Quant à la planche de bord constellée d’interrupteurs étanches empruntés aux machines agricoles, sa simplicité fait passer celle de l’Ineos Grenadier pour un monstre de raffinement — ce qu’elle n’est pas, si on la compare aux intérieurs des derniers Land Rover Defender et Mercedes Classe G. “La forme découle de l’usage. Voilà pourquoi 99 % de ce que vous voyez sur le MK_1 remplit une fonction”, se défend le designer Ross Compton, auteur par ailleurs du projet Bollinger, cet autre 4×4 peu réputé pour sa finesse.

pourquoi le 4x4, électrique ou pas, a toujours sa place

Comme Ineos avec son Grenadier, Munro affirme avoir conçu son MK_1 de sorte à faciliter les opérations d’entretien. Un critère d’achat primordial, chez les clients qui envisagent leur véhicule à la manière d’une machine-outil. La réparabilité de la batterie (fournisseur non communiqué) est particulièrement mise en avant, au regard de la longévité affichée du véhicule. “Le reconditionnement ou l’échange est garanti par des partenariats que nous signeront avec des spécialistes de la valorisation des batteries, ce qui nous permettra incidemment de proposer à nos clients d’adopter des cellules plus performantes, à mesure que de nouvelles technologies arrivent à maturité”, précise Ross Anderson.

L’Écosse n’avait pas produit d’automobile depuis la fermeture de l’usine Peugeot-Talbot, en 1981

Si la batterie et le moteur proviennent de l’extérieur, Munro conçoit et fabrique ses propres carrosseries et châssis. La première est en aluminium, quand le second fait appel à l’acier galvanisé de 5 millimètres d’épaisseur (contre 1,5 mm sur la plupart des 4×4). Le tout est posé 480 mm au-dessus du sol sur deux essieux conçus par Munro, associés à des éléments de suspension et de direction “issus des meilleurs spécialistes britanniques du tout-terrain”.

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Le véhicule dévoilé le 5 décembre 2022 n’est encore qu’un prototype, résultat de “deux années d’essais sur les pistes écossaises”. Il reste à voir si la toute jeune entreprise financée par Elbow Beach Capital pourra tenir son ambitieux programme de fabrications.

En 2023, la toute jeune entreprise prévoit d’assembler à la main cinquante exemplaires du MK_1 dans son petit atelier à East Kilbride, au Sud de Glasgow. Avant d’accéder à une usine digne de ce nom l’année suivante, pour produire 250 exemplaires en 2024, puis 2.500 par an à l’horizon 2027.

Premières commandes reçues de Dubai, de la Suisse et du Royaume-Uni

Existe-t-il une demande suffisante pour un véhicule 4×4 électrique vendu au bas mot 57.900 euros (49.995 livres Sterling hors taxes) ? Russell Peterson et Ross Anderson n’en doutent pas. Durant leurs séjours à la montagne, en camping, comme dans l’exercice de leurs professions, tous deux ont pu mesurer l’ampleur du parc de Land Rover Defender et de pick-up 4×4 de marques diverses. Ce sont là plusieurs dizaines de milliers de véhicules qu’il faudra bien remplacer un jour ou l’autre, si possible par des engins moins polluants et moins énergivores.

A l’instar de Ineos Automotive, Munro Vehicles s’épargnera le coût de l’établissement d’un réseau dédié de points de vente et d’entretien. L’un comme l’autre arrêteront une liste de professionnels du 4×4 habilités à distribuer et à entretenir leurs produits.

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