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REPORTAGE. "C'était dingue" : on a vécu le GP Explorer 2 au cœur du public

Avec 20 000 spectateurs en plus et un nouveau record battu sur Twitch, la deuxième édition de la course automobile entre stars du web a été un succès, malgré la chaleur. Reportage dans les gradins.

Une clameur monte des tribunes. Une de plus dans une journée où les spectateurs se sont époumonés pour soutenir ces néo-pilotes, mais celle-ci a quelque chose de libérateur. Car après plusieurs longues heures sous un soleil de plomb, après des essais le matin et les qualifications en début d’après-midi, ça y est, enfin, les 24 pilotes s’élancent. Le GP Explorer 2 commence, il est 18H30.

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Pour le public, tout a débuté beaucoup plus tôt. Il n’était pas encore sept heures que les tramways du Mans étaient déjà bondés, et les files de voitures interminables pour se rendre au circuit mythique des 24h. Dès l’ouverture des grilles, les 60 000 spectateurs font entendre leur voix, et les tribunes se mettent à vibrer alors que les stars du web, de Squeezie à Gotaga, de Maghla à Baghera – mais aussi trois rappeurs, dont SCH et Soso Maness – se présentent une à une devant leur box. Mattéo confie un “petit frisson” à l’idée de voir en chair et en os ces “repères” de son adolescence, comme il les appelle. “Squeezie, je le suis depuis que j’ai douze ans, confie le Rémois. C’est des gens qu’on a l’impression de connaître.”

L’évènement était plus qu’attendu. Les 60 000 billets sont partis en moins de trente minutes lors de leur mise en vente. “C’est dingue de voir la puissance d’Internet”, dit, ébahi, Killian. Et l’engouement vient peut-être de là : le GP Explorer, c’est Youtube et Twitch qui se concrétisent. “Je viens voir, même de loin, les têtes que je vois depuis que j’ai dix ans”, raconte Romane.

“Je viens d’un très petit village en Bourgogne. Youtube était vraiment la solution anti-ennui. C’est fou de voir que les gens pour qui c’était la même solution sont là aujourd’hui.”

Romane, 25 ans, de Bourgogne

à franceinfo

Plus loin, Gabriel, 22 ans, venu d’Angers, “gueule comme un enfant. Je suis trop heureux !”, lâche le jeune homme, sourire plaqué sur le visage. “Il y a dix ans, c’était pas ça. Voir des gens réunis pour Squeezie… Respect hein !”, lâche Mathieu, sur le bord de la piste.

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Chauffé à blanc, le public donne de la voix sur les essais matinaux, avant de partir explorer le “village”, où de nombreuses animations sont proposées. Là, on peut se glisser dans la peau d’un commentateur de F1, ici récupérer quelques goodies des marques partenaires ou bien admirer quelques unes des plus belles Alpines. Il y a même des simulateurs pour proposer aux spectateurs de se glisser dans la peau des pilotes. De quoi ravir les amateurs de sport auto, qui sont nombreux autour du circuit, et assurent prendre du plaisir même avec de la F4, à l’image de Léana, 18 ans : “Je suis fan de sport auto depuis longtemps. C’est l’adrénaline qui me plaît, le fait que ce soit dangereux mais qu’on prenne du plaisir”.

Les qualifications débutent sous un soleil de plomb. Le manque de places assises en tribunes – 15 000 pour 60 000 billets – autant que le manque d’ombre se font sentir. Doigby, animateur de la journée et personnalité phare du web, multiplie les messages de prévention, alors que dans les hauts-parleurs, on incite les spectateurs à s’hydrater. Mais rien n’y fait, les malaises s’enchaînent et les corps rougissent.

Malgré la chaleur étouffante, le public continue de vibrer comme un seul homme dans une ambiance qui n’a rien à envier aux meilleurs stades européens. Car si chacun a son chouchou – et à l’applaudimètre, Etienne Moustache, Maxime Biaggi et Squeezie tiennent la corde – tout le monde encourage tous les pilotes. Et lorsque, lors du premier tour de la finale, Manon Lanza et Maxime Biaggi se percutent, c’est le circuit entier qui s’arrête un instant de respirer, avant de lâcher un long soupir de déception : le patron de Zen, un late-show sur Twitch ne pourra pas repartir, pas plus que la streameuse spécialiste de sports extrêmes, emmenée à l’hôpital par précaution. Les tours de piste derrière la “safety car” s’enchaînent, cassant le rythme de la course, avant que le drapeau rouge ne soit finalement hissé : retour au box pour les F4.

Sur Twitch, plus de 1,3 millions de personnes viennent d’assister au carambolage, un nouveau record. Jamais il n’y avait eu autant de viewers simultanés en France. Cris de bonheur d’un public qui apprend aussi que la course va repartir. Les sourires reviennent, et une vague d’applaudissements parcourt la foule.

Génération climat ?

Une question persiste tout de même alors que s’enchaînent les tours de piste sous les encouragements bruytants de la foule : mais où est donc la génération climat ? Alors, oui, les bouteilles plastiques sont toutes dans la poubelle jaune, les gourdes sont nombreuses et l’on sert bien les bières dans les éco-cups. Mais n’est-ce pas un peu contradictoire, alors que l’on n’a jamais autant parlé de climat, de se réunir autour d’une course automobile ? Amandine, venue de Metz avec une amie, admet être “passionnée par quelque chose qui pollue énormément”. “Je laisse ma passion passer avant ça mais je sais qu’il faudra réduire”, poursuit la jeune fille.

En vérité, nombre de spectateurs balayent la question. Non pas que le sujet ne les intéresse pas, loin de là, mais, comme le résume Stanislas, “ce n’est pas une course qui va changer grand chose”. “Il faut faire attention mais, des fois, je pense que c’est bien de faire des exceptions”, ajoute Owen, 20 ans. Et Camille d’abonder : “On ne va pas s’arrêter de vivre”.

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Il ne faut pas en déduire pour autant que la question écologique les indiffère. Au contraire, dans ce public où la moyenne d’âge tourne entre vingt et vingt-cinq ans, on n’hésite pas à retourner les critiques à l’envoyeur. “C’est aux personnes plus ‘adultes’, aux politiques des faire des gestes”, estime Owen, rejoint par Pierre, venu de Clermont-Ferrand : “Il y a d’autres choses à faire pour la planète avant de s’occuper d’une course de voiture”. En attendant, eux regardent du côté des courses de Formule E, et se disent plutôt favorables à un GP électrique. Cette année, les voitures roulaient déjà au biocarburant.

Depiello, Sylvain, Étienne : et à la fin, ce sont les mêmes qui gagnent

Retour sur la piste. Au deuxième départ, Depielo, un Youtubeur justement spécialiste du sport automobile, ne laisse aucune chance à ses adversaires, qu’il efface derrière lui. Il finira la course en tête, et franchira la ligne d’arrivée sous les applaudissements, mais sans grand suspense. Il échange sa place de n°2 obtenue en 2022 avec Sylvain, du duo Vilebrequin – une chaîne qui allie pédagogie et tests insolites autour des voitures, qui avait remporté le premier GP. Comme l’an passé, Étienne Moustache, membre de l’équipe du Youtubeur Amixem, soulèvera le trophée en bronze. Pourtant, même si c’est la dure loi du sport automobile, cette course en faux rythme à cause de l’accident au premier tour a des airs d’inachevée.

Pas de quoi pour autant gâcher la fête. À peine la course est-elle finie que les tribunes se vident. Les spectateurs déferlent sur la piste Bugatti, transformée pour l’occasion en un gigantesque espace de joie partagée. Les vainqueurs s’avancent sur le podium, bientôt rejoints par le reste des pilotes, très longuement applaudis. “Squeezie ! Squeezie !”, scandent en choeur les 60 000 personnes présentes. Dernier hommage à celui sans qui ce prix n’existerait pas. “C’est fou”, confie un spectateur. “Incroyable” et “dingue”, complètent deux autres pour qualifier la journée. Vraiment ? C’est juste Internet. Ou peut-être un peu plus que ça.

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