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Voiture électrique : le gouvernement cafouille sur ses objectifs

voiture électrique : le gouvernement cafouille sur ses objectifs

Le patron de Stellantis, Carlos Tavares, aux côtés du ministre de l’Economie Bruno Le Maire et du président Emmanuel Macron lors du Mondial de l’Auto 2022.

Après avoir fixé un objectif de 2 millions de véhicules électriques made in France pour 2030, le gouvernement préfère désormais parler de voitures électrifiées. Une correction qui permet de revenir à des ambitions moins grandioses et plus réalistes.

Quatre petites lettres peuvent faire une grosse différence. Surtout quand elles sont inscrites dans un contrat de filière, conclu entre l’Etat français et le secteur automobile. Un document d’importance, donc, y compris pour les conducteurs, puisqu’il fixe des objectifs en matière de production de modèles sur la période 2024-2027. Lundi 6 mai, pas moins de trois ministres vont retrouver les défenseurs de la voiture pour signer ce document de 50 pages. Et une intention apparaît en grand : produire 2 millions de véhicules électrifiés en France chaque année en 2030. Le hic ? Le président de la République, Emmanuel Macron, parlait plutôt de 2 millions de véhicules électriques dans ses dernières déclarations.

Discrète, cette variation de suffixe cache de grands enjeux. Pour comprendre pourquoi, faisons un rappel sur le jargon automobile. On parle de véhicules électriques dans le cas des voitures à batterie, qui sont les plus courantes (Tesla Model 3, Renault Megane E-Tech, Peugeot E-208…), ainsi que des voitures à hydrogène, beaucoup moins nombreuses. Catégorie bien plus large, les véhicules électrifiés intègrent à la fois ces véhicules 100 % électriques, mais aussi les véhicules hybrides, rechargeables ou non, qui disposent toujours d’un moteur thermique.

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Reculade ou cafouillage au sommet de l’État ?

Produire 2 millions de véhicules électrifiés plutôt qu’électriques, c’est donc un objectif beaucoup moins contraignant pour les industriels installés en France. Cela laisse par exemple une place aux voitures hybrides de Toyota, qui pilote la plus grosse usine automobile française, tout comme aux plateformes multi-énergies de Stellantis, maison-mère de Peugeot, Citroën et DS. Difficile de demander à ces constructeurs de renoncer aux moteurs thermiques, même en 2030 : au premier trimestre, une voiture sur trois immatriculée en France était une hybride, loin devant les livraisons de voitures 100 % électriques.

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Un mystère entoure malgré tout ce contrat de filière : comment l’objectif du gouvernement est-il passé de 2 millions de véhicules électriques à 2 millions de véhicules électrifiés ? Au ministère de l’Économie, on nous rappelle les annonces d’octobre 2021. Souvenez-vous, les usines automobiles se réveillaient à peine du Covid-19 et elles étaient paralysées par les pénuries de composants électroniques, mais Emmanuel Macron avait effectivement annoncé une cible de «2 millions de véhicules électriques et hybrides» en 2030 pour relancer l’industrie française.

Cependant, un an plus tard, au Mondial de l’Auto 2022, le président de la République a changé d’expression pour parler de «2 millions de véhicules électriques». À l’époque, la nuance passe relativement inaperçue, mais le nouvel objectif est répété par Bruno Le Maire et relayé par de nombreux médias. Il est toujours inscrit noir sur blanc sur le site de l’Elysée et dans des communications du ministère de l’Économie.

Et voilà que le gouvernement reparle à nouveau de véhicules électrifiés… Alors, reculade ou cafouillage au sommet de l’État ? Ce serait plutôt la deuxième option, à en croire une source gouvernementale : «Dans nos communications, on parle bien de véhicules électrifiés. Il y a peut-être quelques supports où ce n’est malheureusement pas le cas.» Le président et le ministre de l’Économie se seraient donc mal exprimés…

Un objectif plus réaliste, mais pas moins difficile

Ces clarifications écartent un scénario qui paraissait ultra-ambitieux, pour ne pas dire inatteignable. En 2023, la production de voitures électriques en France ne dépassait pas les 150 000 unités et, selon le cabinet Inovev, elle devrait atteindre environ 827 000 unités en 2030. Même si c’est une belle montée en puissance qui s’annonce, on est très loin de la barre des 2 millions de véhicules électriques.

Deux millions de véhicules électrifiés, c’est un objectif beaucoup plus réaliste mais qui n’en reste pas moins audacieux quand on écoute des constructeurs automobiles. Pour rappel, en 2023, la production de voitures made in France s’est élevée à environ 1,5 million de véhicules, toutes motorisations confondues. Il s’agit donc d’augmenter ce volume de 33 % en seulement sept ans et en ne comptant que les véhicules électriques et hybrides.

Le difficile chantier qui attend l’automobile

Il faudra accomplir cet exploit malgré la concurrence grandissante des groupes chinois en Europe. Sans oublier le fait que les constructeurs français ne misent pas toujours sur la France pour produire leurs voitures : la Citroën ë-C3, qui s’annonce comme un best-seller, va être produite en Slovaquie. Au ministère de l’Économie, on reconnaît qu’il s’agit d’un objectif «ambitieux», «mais qui n’est pas impossible». «On ira le plus loin possible», complète Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA).

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Alors que la demande pour les véhicules électriques stagne en Europe, de nombreux observateurs se demandent si l’Union européenne pourra tenir son objectif : ne vendre plus que des voitures neuves 100 % électriques en 2035. En France, on dément toute volonté de temporiser. «La tendance est d’aller de plus en plus vers les véhicules 100 % électriques avec, en phase de transition, des hybrides rechargeables et des hybrides», explique Marc Mortureux. «Nous ne voulons pas de retour en arrière. Nous voulons au contraire accélérer», appuie le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Des gigafactories en construction dans les Hauts-de-France à la refonte du bonus écologique pour favoriser le made in Europe, le chantier automobile du siècle est bien lancé.

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