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Voici pourquoi les plantes ont pris une place si importante chez les citadins

C’est le nouveau mantra des citadins : plantes au salon, potager au balcon. Les idées poussent comme des carottes et les ficus ou les caoutchoucs n’ont jamais été aussi présents dans nos intérieurs. …

voici pourquoi les plantes ont pris une place si importante chez les citadins

Voici pourquoi les plantes ont pris une place si importante chez les citadins

Récolter ses tomates sur le toit-terrasse de son immeuble, partager un jardin nourricier avec les voisins, recycler ses déchets à l’aide de vers de terre dans un « lombricompost », sous l’évier, qui ira nourrir les plantes aromatiques sur le rebord de la fenêtre : autant de tendances qui n’ont fait que s’enraciner chez les citadins depuis les confinements. Aujourd’hui, plus de la moitié des Français considèrent l’espace vert comme un élément indispensable dans l’achat d’un bien immobilier et tous les architectes tentent d’en intégrer au moins un à leurs programmes urbains, sur le toit, sur le balcon, en terrasse, voire jaillissant des « forêts verticales » initiées par l’architecte italien Stefano Boeri. Ces « gratte-ciel verts » se multiplient dans les métropoles, avec l’idée d’améliorer la qualité de l’air dans des cités plus vertes.

Une valeur refuge

Résultat : le marché du jardinage a bondi de 10 % en 2020, alors qu’il avait déjà progressé de 3,5 % en 2019, avant le Covid*. Et à la ville, comme d’ailleurs à la campagne, les plantes d’ornement connaissent un boom égal à celles du potager. Chez Truffaut, par exemple, on enregistre des progressions à deux chiffres sur les plantes d’intérieur depuis le premier confinement. « Le phénomène s’est généralisé. Des milléniaux à leurs parents, c’est un nouvel engouement qui s’est renforcé avec le télétravail… Tout le monde veut faire entrer la nature chez soi, résume une cheffe de produit. Un temps au rancart, les plantes vertes sont désormais partout, même chez les coiffeurs, qui se mettent à en vendre ! » Selon les sociologues Sébastien Dalgalarrondo et Tristan Fournier, auteurs de l’Utopie sauvage (Les Arènes), on veut sentir les fleurs et croquer les fruits que l’on aura fait pousser. La nature devient la valeur refuge par excellence. « Hautement désirable et désirée, elle est à la fois quête, retraite et solution face à cette société de consommation et d’abondance qui pollue la planète », assurent-ils.

*Source : Promojardin.

Une boulimie végétale

« Ce n’est pas si nouveau, tempГЁre Yves-Marie Allain, ingГ©nieur horticole, longtemps chargГ© du Jardin des Plantes de Paris et de l’Arboretum de ChГЁvreloup*. Dans les annГ©es 70, tous les toits-terrasses Г©taient plantГ©s ! Puis, on a abandonnГ© pour des raisons de sГ©curitГ©, d’infiltrations d’eau… Pas sГ»r que dans cinq ou dix ans on ne se retrouve pas avec les mГЄmes problГЁmes ! В» L’ingГ©nieur met aussi en garde contre cette boulimie vГ©gГ©tale : В« Il faut quand mГЄme dire que l’on est dans des milieux totalement artificialisГ©s, sur des terres rapportГ©es, souvent polluГ©es, pas sur un sol issu de la dГ©gradation d’une sous-couche gГ©ologique qui a mis des dizaines de milliers d’annГ©es pour se former ! Ces sols, qui ont trГЁs peu d’Г©paisseur, vont trГЁs vite se saturer de particules polluantes. Il faut se demander si l’on est dans une bonne connaissance du cycle complet du vГ©gГ©tal, respectant celui-ci, ou dans un effet de mode initiГ© par des citadins dГ©connectГ©s de la nature et de ce que reprГ©sente un potager Г  la campagne, oГ№ la terre vous colle aux pieds… Est-ce cela avoir une conscience Г©cologique ? La terre vГ©gГ©tale n’est pas qu’un support physique ou chimique, c’est aussi un support biologique dont on ne connaГ®t mГЄme pas encore la totalitГ© des Г©lГ©ments vivants. В»

*Auteur d’Une histoire du potager, Quæ.

Une (r)évolution mentale

La nouveauté, c’est surtout le changement de regard sur le végétal. « La plante potagère n’a jamais été aussi valorisée pour son esthétique, elle est désormais considérée comme belle, alors qu’elle a été exclue des jardins d’ornement dès le XVIe siècle pour, justement, rester cachée dans les potagers à l’arrière des châteaux, puis des maisons bourgeoises, et ensuite cantonnée dans les parcelles ouvrières. Dans les années 70, avoir un potager aurait été banni dans la plupart des lotissements pour des critères esthétiques. En effet, certains végétaux vont y pourrir, il y aura des tas de compost… En faisant son retour en ville, le potager abolit la hiérarchie entre végétaux, entre le beau et le moche, c’est l’évolution mentale majeure de la dernière décennie ! » défend Yves-Marie Allain. Ce retour à la terre accompagnerait, au fond, la révision de nos échelles de valeurs. Il nous rendrait aussi plus humbles devant les cycles naturels. Voilà qui dégonfle nos ego…

Un rempart contre les agressions

« Une pelouse, c’est un tapis rГ©gulier Г  l’annГ©e… Or on admet maintenant que le jardin se modifie de faГ§on extrГЄmement importante selon les saisons В», ajoute-t-il. Encore le signe d’une meilleure acceptation du vivant et d’un changement de paradigme. В« Dans les annГ©es 80, au Jardin des Plantes, nous avions rГ©alisГ© un questionnaire auprГЁs des usagers. RГ©sultat : la fleur Г©tait dГ©signГ©e comme un symbole d’oppression ! Sa prГ©sence signifiait “interdit de courir, de bouger, de s’allonger sur la pelouse”… В» Aujourd’hui, cela s’inverse. La nature devient plutГґt un rempart contre l’interdit et les agressions citadines, les potagers se font une place dans les squares, et il n’est plus question de rГ©server le vert au seul plaisir des yeux. Le mГЄme processus s’invite Г  l’intГ©rieur des maisons et des appartements, oГ№ le vГ©gГ©tal est devenu un Г©lГ©ment intime du dГ©cor. В« En vГ©gГ©talisant ma maison Г  mon image, j’exprime que je suis moi-mГЄme en relation avec l’extГ©rieur, que le monde est un grand tout vital, dont je fais partie, et qui ne s’arrГЄte jamais, dГ©crit le sociologue Laurent Domec*, chercheur Г  l’Institut de recherches sociologiques et anthropologiques de l’universitГ© Paul-ValГ©ry, Г  Montpellier. Le jardinage, mГЄme d’intГ©rieur, devient un vГ©ritable langage crГ©atif populaire. В»

*Auteur de la Grande Aventure des plantes d’intérieur, Alternatives.

Mais pourquoi Louise, 24 ans, parle-t-elle à ses plantes vertes ?

« Hugo est en pleine forme et CГ©lestine a grandi. В» Louane les bichonne Г  haute voix et leur donne mГЄme des prГ©noms. В« J’ai bien failli emmener LГ©on, le cactus, chez le mГ©decin, mais Г§a va mieux depuis que je lui parle tous les jours В», confie-t-elle, Г©voquant la Clinique des plantes, qui a ouvert ses portes dans la capitale. Elle n’est pas la seule à chouchouter ses ficus. Les raisons ?

Elles sont si jolies… Ces langues de belles-mères veinées de jaune « cocoonisent » un intérieur avec un côté nostalgique. « Elles me rappellent ma grand-mère… », trouve-t-on en commentaire sur les forums. Les hashtags ont fleuri sur les réseaux : #urbanjungle ou #greenporn (en référence au #foodporn).

Elles ont une vraie présence. Une plante, c’est aussi du vivant… En la soignant avec minutie, on s’y attache comme à un membre de sa famille. C’est très satisfaisant de la sauver, de l’aider à grandir. Il y a un rapport charnel avec le végétal. Lui donner un prénom serait alors le signe d’une relation authentique qui compense certainement le fait de vivre dans un cadre urbanisé.

Elles sont vertes tout le temps. Les plantes d’intérieur feraient bien plus que combler le manque de nature en ville. Symboliquement, elles ne sont ni complètement immuables ni tout à fait mortelles, même si, en réalité, elles ont besoin de soins. Qu’elles restent vertes en toutes saisons nous réconforte…

Elles dépolluent… nos têtes. Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a démontré que la capacité dépolluante des plantes n’était pas si efficace en appartement, mais leurs vertus apaisantes ne font en revanche plus de doute, notamment dans les espaces de travail ultra-connectés. Elles ramènent de la vie et du concret, et c’est efficace contre nos idées noires.

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