Essai Tesla Model X Plaid : sage comme un orage

Sous des airs sérieux et polis, se cachent une personnalité parmi les plus borderline qui soient. Non, il n’est pas question ici d’Elon Musk, mais de l’une de ses créations automobiles.

essai tesla model x plaid : sage comme un orage

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Plus de 1 000 ch, des portes papillon, un 0 à 100km/h annoncé en 2”6, un demi-volant s’inspirant autant du monde de la compétition que de l’aérospatiale… Et pourtant, face à ces caractéristiques, pas la moindre supercar à l’image. A moins qu’elle ne se cache derrière l’austère autobus grisâtre ici au premier plan. Pas impossible tant la Tesla Model X en impose avec ses plus de 5 mètres de long, 2 mètres de large et ses près de 1,70 m de haut.

Mais c’est bien au poste de conduite de ce SUV relativement anonyme que certains se prendront, au choix, pour Tom Cruise dans Top Gun ou, plus sûrement encore, pour David Hasselhoff dans K 2000. Le fameux Yoke (ou Joke pour les amateurs d’humour bilingue douteux) n’a pas son pareil pour réincarner quiconque en vedette hollywoodienne et épater les copains.

Pour conduire, accessoirement, c’est moins probant. La vue sur le combiné d’instruments devient effectivement imprenable. Sauf qu’en fonction de la position du “commandant de bord”, la base élargie de la jante empiète sur l’angle inférieur gauche de l’immense dalle numérique centrale de 17”, récemment réorientée à l’horizontale. Au point qu’il faut parfois décoller une épaule du siège pour apercevoir certains onglets, comme celui de la climatisation par exemple.

Mais c’est évidemment en manœuvre que ce drôle de “manche” déconcerte le plus. Sous les effets combinés de sa dissymétrie et du rappel de direction, assez marqué, il n’est pas rare de le rater au vol au moment de débraquer. Ce n’est peut-être pas un hasard si les frisbees sont ronds ; c’est notamment pour se laisser attraper. Même si c’est certainement une question d’habitude, nous restons curieux de savoir ce que cette fantaisie dorénavant facturée 250 € donne en situation d’urgence.

Que Tesla revienne à un un plus classique “cerceau” en série apparaît donc raisonnable. En tout cas, bien plus que l’idée d’intégrer les commandes de clignotants, tactiles qui plus est, aux branches dudit volant, quelle que soit sa forme, pour les faire tourner avec lui. Inutile de vous faire un dessin au moment de négocier les premiers ronds-points. Et les suivants d’ailleurs. Je ne m’étendrai pas non plus sur le sélecteur de transmission, métamorphosé en une barrette verticale sur laquelle il convient de glisser son doigt via le bord gauche de l’interface tactile… Vers le haut pour avancer, le bas pour reculer.

Mais cette ergonomie exploratoire demeurant commune à tous les Model X depuis peu, cette surpuissante version Plaid se confond aisément avec n’importe quelle autre au catalogue. Après avoir rejoint les grands axes où son gabarit n’est plus une contrainte, cette familiale se mène avec une décontraction et dans un confort général intacts ou presque. L’amortissement pneumatique s’efforce notamment de dissimuler les jantes optionnelles de 22” avec une certaine réussite.

La mécanique n’attire pas davantage l’attention en répondant au quart de tour, mais sans aucune extravagance. Même la consommation, et donc l’autonomie, ne trahissent en rien une cavalerie promise comme hors norme. Les 100 kWh bruts estimés de la batterie garantissent un peu plus de 300 km d’une traite sur autoroute. Ou pas loin de 400 sur un parcours plus varié.

Plutôt qu’au volant, l’un des principaux signes distinctifs apparaît finalement en se retournant sur le deuxième rang, où la banquette du reste de la gamme laisse place à une paire d’accueillants fauteuils individuels, néanmoins faciles à contourner afin d’atteindre les deux autres sièges de la troisième rangée, ici présents de série.

Cette Tesla cache si bien son jeu que c’est à se demander si, à l’inverse, les 1000 ch, eux, ne sont pas une option. Le doute perdure jusqu’au moment de glisser du bout de l’index jusqu’au bien-nommé programme de conduite Plaid. C’est soudainement une certitude ; le Model X dégoupille, disjoncte, pète les plombs. Craque sévèrement son slip si j’osais. Aucun mot n’est assez fort pour décrire la réalité.

La moindre réponse à l’accélérateur s’avère d’une brutalité inouïe. L’espace-temps s’en trouve littéralement bouleversé. Recalibrer son cerveau se révèle sincèrement in-dis-pen-sable. Car si ce n’est pas de la téléportation, cela y ressemble fortement. Et visiblement, ça ne se fait pas sans douleurs cervicales. La prise d’élan s’avère d’autant plus remarquable qu’elle se prolonge jusqu’à des vitesses inavouables.

Enveloppés de carbone pour une moindre inertie, les rotors des trois machines électriques n’affichent aucunement l’essoufflement qui leur est reproché à partir d’une certaine allure en général.

La répartition du couple aux quatre roues, l’autorité de la suspension sur les mouvements de caisse et la précision de la direction permettent heureusement de guider ce missile de 2,5 tonnes sans (trop) rater sa cible. Parler d’agilité même, n’est pas totalement déplacé au sujet d’une telle cathédrale. Mais nous ne saurions trop recommander le détour vers un circuit pour pleinement appréhender ces capacités surnaturelles.

Tesla goûtant assez peu notre sens de l’improvisation et notre envie d’en découdre sur une piste à l’écart de la circulation, nous n’aurons pas pu faire le tour de la question justement. Dommage. D’un autre côté, quelques kilomètres sur route ouverte suffisent pour constater que les freins demeurent franchement sous-dimensionnés au regard des performances et du poids de l’engin. Le manque de mordant comme de puissance refroidissent durablement les ardeurs. En précisant que les exemplaires plus récents que notre spécimen s’équipent désormais de plaquettes renforcées à défaut d’opter pour des étriers plus puissants.

Extraordinaire vitrine de l’électrification en général et du savoir-faire de Tesla en particulier, le Model X Plaid démontre également les limites du concept. Comme son intérêt finalement discutable face aux autres versions du SUV californien, très loin d’être feignant par défaut et proposant par nature le même agrément mécanique.

En témoigne le mode Dragster, celui qui convoque définitivement les 1 034 ch au grand complet et qui permettrait d’atteindre les chronos promis ; il n’est pleinement actif qu’après un conditionnement de la batterie d’une bonne dizaine de minutes en moyenne lors de cet essai et reste fonction de la charge. Autant dire que la fenêtre de tir ne se présente pas tous les quatre matins.

Reste un tarif plus qu’agressif au regard des prestations. Pour rester fidèle au monde du thermique et investir davantage dans un engin moins performant et plus polluant localement, il faudrait être un idiot. Hélas, je ne me suis jamais fait d’illusion sur mon manque de discernement.