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« Ferrari » : le film pied au plancher de Michael Mann

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«Â Ferrari » : le film pied au plancher de Michael Mann

« Ce film, je le porte depuis longtemps dans ma tête, avoue Michael Man, 80 ans et en pleine forme, joint par Zoom dans sa maison de Los Angeles. La dynamique de la vie d’Enzo Ferrari, la mort de son fils Dino, sa double famille, sa pugnacité pour sauver son usine de la banqueroute grâce à sa femme et hisser la marque au sommet me fascinent. Son histoire ressemble à un opéra terriblement lyrique, digne de La Traviata ! »

On se souvient que Michael Mann, fan de motos et de bolides rouges depuis son enfance, créateur de la série culte Deux flics à Miami, faisait rouler Don Johnson en Ferrari Testarossa. C’est encore lui qui a donné les clés du script sur la rivalité historique entre Ford et Ferrari à James Mangold, qui en a fait un film exceptionnel, Le Mans 66, avec Matt Damon et Christian Bale.

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En vingt ans, le cinéaste de Heat et Ali a eu le temps de mûrir son projet, qu’il n’a jamais abandonné malgré les nombreux obstacles, financiers et autres, sur sa route. Son pitch était simple : retracer la vie d’un homme pas ordinaire, le pilote et constructeur Enzo Ferrari, l’inventeur de la marque au cheval cabré. Un parcours chaotique semé d’embûches, de réussites et de drames.

Basé sur le livre de Brock Yates Enzo Ferrari. L’homme et la machine et sur le scénario de son ami Kennedy Martin disparu en 2009, on trouve dans Ferrari, disponible dès aujourd’hui sur Prime Video, tous les ressorts d’un bon biopic partagé entre scènes spectaculaires de courses automobiles, scènes de ménage tout court et une histoire forcément trépidante, celle de la naissance d’un futur empire.

1957, l’année noire

«Â Au début du projet, Sydney Pollack était à mes côtés, souligne Michael Mann. À l’époque, on conduisait tous les deux une Ferrari et on partageait la même vision sur le côté romanesque, dramatique, du personnage d’Enzo, sa vie personnelle compliquée, ses succès et ses échecs dans la compétition automobile. Pensez qu’à vingt ans, il a perdu son père et son frère. Il n’a pas de moyens, son éducation est inégale. Il croit que le seul avenir pour lui est un emploi chez Fiat. Il postule. Il est rejeté. Et il se retrouve dans le froid sur un banc de parc, la nuit à Turin, et commence à pleurer. Puis il se reprend, transcende son destin, décide de devenir ingénieur et pilote de course. »

Il y a du mystère, de la complexité, des blessures dans la personnalité d’Enzo Ferrari, né à Modène en 1898. Ce qui n’a pas manqué d’aiguiser la curiosité du cinéaste : « Il n’y a pas d’équilibre dans sa vie. Cela m’a fasciné, parce qu’on est plus proche de la réalité de la vie. La sienne est asymétrique, désordonnée, chaotique. On dirait qu’il en a perdu le contrôle. »

Pour appuyer son propos, Michael Mann suit son héros jour et nuit et se concentre sur une année cruciale : 1957. Une période noire pour Enzo Ferrari (Adam Driver loin de l’univers de Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force), dont l’entreprise risque la faillite. C’est un homme endeuillé qui vient de perdre son fils, Dino, mort à 24 ans d’une dystrophie musculaire. Son couple bat de l’aile. Sa femme, Laura (Penélope Cruz), qui a financé leur usine, le menace avec un revolver lorsqu’elle découvre qu’il mène une double vie avec sa maîtresse, Lina Lardi (Shailene Woodley), qui lui a donné un autre enfant, Piero.

Pendant ce temps, Maserati et Jaguar montrent les dents et les pilotes de l’écurie Ferrari multiplient les accidents. Les bolides sont des cercueils de métal ; les pilotes, des gladiateurs interchangeables. La vitesse est synonyme de mort et fauchera, lors de la fameuse course sur route ouverte, la Mille Miglia, neuf spectateurs, dont cinq enfants, et le pilote Alfonso de Portego (Gabriel Leone), victime d’une pierre sur la route qui fait éclater le pneu de sa Ferrari 355 S. Amère victoire de la Scuderia, qui mise tout sur cette course, en mobilisant cinq pilotes dont Piero Taruffi (Patrick Dempsey), qui la remporte à 51 ans.

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Le réalisateur Michel Mann sur le tournage de emFerrari/em, disponible sur Amazon Prime.  © Eros Hoagland

Le réalisateur Michel Mann sur le tournage de Ferrari, disponible sur Amazon Prime.  © Eros HoaglandPourtant, s’il est marqué par le drame, rien ne semble arrêter le Commandatore dans son objectif ultime de hisser Ferrari en haut du podium pour mieux commercialiser ensuite la voiture de sport la plus performante au monde. « Enzo Ferrari et ses ingénieurs ont inventé le profilage des bolides de course et des voitures de sport sans l’aide d’un programme informatique, ni de soufflerie sophistiquée, poursuit Michael Mann, mais en suivant leurs intuitions, leurs expériences sur un circuit. J’y vois quelque chose d’à la fois pragmatique et poétique. »

Des spectateurs sous adrénaline

Dans Ferrari, le réalisateur montre un industriel précis, rationnel, qui sait conduire et motiver ses équipes, mettre la pression sur ses pilotes, auxquels il déclare : « Nous savons tous que c’est notre passion mortelle, notre joie terrible. Mais si vous montez dans une de mes voitures ? et personne ne vous oblige à prendre ce siège ?, vous y montez pour gagner. »

En privé, on découvre un homme mal dans sa peau, impulsif, coléreux, voire « libidineux », dixit le cinéaste, qui explore les contradictions de ce personnage, « si humain » à ses yeux et parfois si glacial, si cassant.

Michael Mann évite le piège de l’hagiographie et du mélo conjugal, préférant filmer des scènes spectaculaires de course où l’impression de vitesse est décuplée par une mise en scène virtuose qui projette le spectateur sous adrénaline à la place du pilote. Les décibels grondent, les moteurs hurlent, les pneus crissent : les sensations sont vertigineuses grâce à un montage diabolique et au travail minutieux de son directeur de la photographie Erik Messerschmidt et d’une batterie de caméras embarquées dans les bolides.

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Cheveux blanchis, lunettes de soleil, silhouette haute, Adam Driver, 38 ans ? vingt de moins que son personnage ?, compose un Enzo Ferrari sobre, inébranlable dans ses choix, orgueilleux et résolu. Pour Michael Mann, il « est vraiment l’acteur fait pour incarner une personnalité aussi complexe, au-delà du physique et des vingt ans qui les séparent ».

Après avoir incarné Maurizio Gucci pour Ridley Scott, l’acteur américain a fort à faire face à Penélope Cruz, qui ne manque pas de répondant, exceptionnelle dans son rôle de femme de tête, de mère endeuillée et d’épouse abandonnée. « Elle a un jeu d’une intensité incroyable et accentue la tension dramatique du film, s’enthousiasme Michael Mann. C’est elle qui a aidé financièrement son mari pour faire repartir Ferrari. Elle est à la fois réaliste et irrationnelle quand elle considère qu’il est responsable de la mort de leur fils, Dino, parce qu’il mène une double vie avec une autre femme, dont il a un fils. »

Au-delà du drame d’un couple qui se déchire sous nos yeux, Ferrari raconte surtout l’histoire d’une passion. Il a reçu l’aval de Piero Ferrari, devenu vice-président de la marque, qui, dans une interview au magazine Auto Hebdo reconnaît in fine que le film est resté fidèle à son père. Mais au-delà de sa présentation au Festival de Venise et des réactions du public, le jugement qui importait le plus à Michael Mann était celui des deux cents ouvriers de l’usine Ferrari de Modène. « Ils ont longuement applaudi ! C’est ma plus belle récompense ! » De quoi réjouir les tifosis du monde entier.

« Ferrari » sur Amazon Prime

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