Route de nuit

L’Indenor, le diesel français incassable

Pendant plus de 40 ans, le moteur diesel Indenor, conçu par Peugeot, a mu indéfectiblement des millions de véhicules, et pas uniquement français. Les taxis lui disent merci, et ils ne sont pas les seuls !

L’Indenor, le diesel français incassable

Peugeot et le diesel, c’est une histoire presque révolue et pourtant ancienne. Elle débute en 1928 à Lille, dans sa filiale de moteurs fondée en 1898 et rebaptisée cette année-là CLM (Compagnie Lilloise de Moteurs) en se tournant vers les diesels destinés à des véhicules industriels et agricoles. Ce type de motorisation a bien failli trouver une évolution déterminante dans l’automobile avant la Seconde Guerre Mondiale.

En effet, la marque sochalienne a installé, sans en faire de publicité, un moteur diesel dans quelques taxis 402, ce qui exigé une dérogation des services d’homologation français car les moteurs à huile lourde étaient interdits dans les voitures de tourisme. L’expérience étant concluante, Peugeot avait prévu de commercialiser sa 402 Diesel pour le grand public dès 1940.

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L’utilitaire Peugeot MK4 1200 kg est très proche de la 402 qui faillit devenir la première berline de tourisme française à bénéficier d’un moteur diesel, en 1940.

Son 4-cylindres 2,3 l de 55 ch, codé HL 50, équipe déjà l’utilitaire MK4 1200 kg, sur base… 402. Avec sa culasse sous licence suisse Oberhaensli, il est très moderne : soupapes en tête, vilebrequin à 5 paliers, bougies de préchauffage… Problème, il est cher, et de toute façon, la guerre qui éclate en 1939 empêche sa commercialisation dans la 402 de tourisme.  Peugeot laisse donc  Mercedes seul sur le marché de la berline diesel (la 260 D lancée en 1936), et se voit même devancé par  Fiat qui commercialise sa 1400 D dès 1951.

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En 1959, la Peugeot 403 est la première berline française à bénéficier d’un moteur diesel, l’ancêtre de l’Indenor.

Lentement mais sûrement, la marque au lion fourbit un nouveau moteur, le TMD qui apparaît en 1959 dans la 403. D’une cylindrée d’1,8 l, il bénéficie d’une culasse sous licence Ricardo, développe 48 ch et se voit produit par CGM (Compagnie Générale de Moteurs), nouveau nom de la CLM depuis 1955. Celle-ci adopte l’appellation commerciale Indenor (pour société Industrielle de l’Est et du Nord). Il va se glisser dans bien des types différents de véhicules. Chez Peugeot bien entendu, mais aussi Citroën, dans le fameux utilitaire Type H. On recense même quelques Renault Frégate dotées de ce moteur !

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En 1962, la Peugeot 404 Familiale reçoit le premier bloc Indenor, le XD85, évolution du TMD de la 403.

En 1962, le moteur TMD devient XD85 dans les Peugeot 404 Familiale et Commerciale, puis évolue profondément, devenant le XD88 en 1963. Là, il développe 60 ch pour 1 948 cm3 de cylindrée, procurant à la berline 404 des performances proches de celles de la version essence. Ces moteurs « Indenor », performants pour leur époque, fiables et économiques, vont se répandre comme une traînée d’huile. 404, 504, J7…

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Scaldia, l’importateur belge de la Gaz Volga russe la commercialisera avec un diesel Indenor dès 1970.

En 1970, une variante XD90 (2,1 l, 65 ch), est développée, et va motoriser un nombre encore plus important de véhicules, notamment la Ford Granada, les variantes portugaises du 4×4 Cournil, les UMM, voire des Jeep sud-américaines ou indiennes (Mahindra).

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La Peugeot 504 fera un large usage du moteur Indenor, qu’elle recevra en 1,9 l, 2,1 l et 2,3 l. Les chauffeurs de taxi seront très nombreux à l’adopter !

En 1978, l’évolution XD2, signalée par une cylindrée de 2,3 l et une puissance de 70 ch, connaît, elle aussi, le succès. Avec ce bloc, la Peugeot 504 GLD passe allègrement les 140 km/h : ivresse de la vitesse ! On retrouve le XD2 dans la Peugeot 505, qui connaîtra son petit succès auprès de compagnies de taxis américaines, mais aussi la Ford Sierra dès 1983, qui sera certainement la voiture la plus rapide équipée de ce moteur : grâce à son Cx de 0.34, elle franchit les 150 km/h. Les accélérations ? Léthargiques.

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En 1979, la Peugeot 604 devient la première berline commercialisée en Europe avec un moteur turbo-diesel, l’Indenor XD2S.

Entre-temps, l’Indenor a été perfectionné, bénéficiant d’un turbo. Dénommé XD2S pour l’occasion, il devient le premier turbo-diesel commercialisé sur une berline de série européenne : la Peugeot 604, en 1979. Grâce à lui, la grande berline sauve sa carrière commerciale ! Fort de 80 ch, il se fraie aussi son chemin sous le capot de la 505 mais aussi de l’improbable Talbot Tagora.

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Carrosserie moderne mais moteur déjà ancien pour la Ford Sierra 2.3 D, l’Indenor XD2 en 67 ch. Les accélérations sont apathiques mais la fiabilité certaine…

Problème, dès 1981, il entre en concurrence avec le XD3, variation à 2,5 l et 75 ch du XD2. Presque aussi performant que le XD2S, le XD3 animera notamment la 505, le 4×4 militaire Peugeot P4 voire la lourde Ford Scorpio en 1986.

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L’Indenor XD3, en 2,5 l donc, équipera les Peugeot 505, Ford Scorpio et même l’utilitaire Daf 400, évolution du Leyland Sherpa.

Puis lui aussi bénéficiera d’un turbo en 1983 : codé XD3T pour l’occasion, il produit 90 ch, et là encore, c’est la Peugeot 604, dans sa version GTD, qui l’inaugure. Les Peugeot 505 et Ford Scorpio en feront leurs choux gras, de même que l’UMM Alter. Mais, malgré sa solidité et ses performances encore dans le coup, le bon vieil Indenor, qui a conservé son arbre à cames latéral, arrive en bout de développement.

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En 1983, la Peugeot 505 GTD Turbo, forte de l’Indenor 2,5 l turbo-diesel de 90 ch, se veut dynamique.

Certes, il bénéficie en 1986 d’un échangeur de température qui permet d’en porter la puissance à 110 ch, soit plus du double de celle de la version initiale XD85 ! La 505 GTD qui bénéficie de cet ultime XD3 TE franchit les 170 km/h. Ce n’est pourtant pas elle qui sera la dernière à faire confiance à l’Indenor, mais l’UMM Alter qui s’en servira jusqu’en 1994. Enfin, si l’on peut dire, car en 1992, la CGM a été renommée Peugeot Citroën Moteurs.

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Présentée en 1985, la Ford Scorpio recevra l’Indenor en 2,5 l et 2,5 l TD. Les performances seront à l’image de la ligne : molles.

Réputés pour leur solidité, les Indenor, ou XD, séduiront des marques assez peu connues chez nous : l’importateur belge Scaldia de la Volga russe l’en dotera, on le retrouvera aussi dans des fourgons divers, dont l’Opel Blitz ou le  Daf 400. On sait moins que des évolutions à 6 cylindres du XD, codées XDP 6.85 (2,7 l), XDP 6.88 (2,9 l) et XDP 6.90 (3,2 l), ont été créées pour des usages non touristiques, notamment en marine avec l’aide de Volvo.

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L’UMM Alter, descendant portugais du 4×4 Cournil, sera un des derniers à recevoir le moteur Indenor, en 1994.

La plupart des modèles dotés de l’Indenor accumuleront les centaines de milliers de kilomètres sans ennuis majeurs, certains passant le million de kilomètres avec une aisance déconcertante. On se demande bien quand Peugeot, au sein d’un Stellantis empêtré dans la triste affaire des Puretech qui cassent les uns après les autres, se remettra à fabriquer des moteurs aussi solides…

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