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Affaire Simone Weber (Suite) : La Renault 9, cette voiture aux premières loges du crime

Intéressons-nous à la suite de ce faits-divers emblématique des années 80, qu’on a appelé « l’Affaire Simone Weber ». L’occasion de mettre en lumière deux protagonistes improbables à quatre roues…

Affaire Simone Weber (Suite) : La Renault 9, cette voiture aux premières loges du crime

Dans la foulée de ces révélations, de cet arrêt de travail frauduleux qui ne ressemble aucunement aux habitudes de Bernard Hettier, lui qui devait d’ailleurs partir en congés le 1er juillet 1985, les policiers placent Simone Weber sur écoute et entament en parallèle une filature.

Ils la pistent dans Nancy, tant bien que mal car se sachant épiée, la conductrice aguerrie joue les héroïnes. Elle n’hésite pas à effectuer des demi-tours sans crier gare, faisant crisser les pneus comme dans Starsky et Hutch.

Elle profite de la maniabilité et du court rayon de braquage de la Renault 9 pour fausser compagnie à son escorte. Elle fait ainsi comprendre aux équipages de la Sûreté urbaine qu’elle les a démasqués comme des bleus et que c’est elle qui mène la danse…

Un tronc humain repêché…

Patricia, la fille de Bernard Hettier, enrage. Elle décide également de traquer sans relâche celle qui harcèle son père depuis bien trop longtemps. Elle la suit alors jour et nuit, le plus discrètement possible, se grimant au besoin d’un foulard, de lunettes de soleil, et changeant de véhicule régulièrement pour ne pas éveiller les soupçons.

Mais rien de tangible pour l’instant, ni pour elle, ni pour la police. Pas de preuves. Toujours aucune trace de Bernard Hettier. Quant à sa Renault 9 immatriculée 2754 SW 54, elle demeure introuvable.

L’affaire va enfin s’accélérer une première fois le 15 septembre. Ce jour-là, un pêcheur fait une découverte macabre sur le cours de la Marne, du côté de Poincy, en Seine-et-Marne. Il relève de ses filets un tronc humain enfermé dans une valise.

Après de multiples et longues analyses contradictoires et une bataille entre experts et avocats, ce tronc est reconnu comme celui du disparu. Pour l’accusation, plus aucun doute. Bernard Hettier est bien mort assassiné. Simone Weber devient alors plus suspecte que jamais aux yeux du juge Thiel.

Les voisins parlent d’un bruit sourd

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Les voisins du rez-de-chaussée se souviennent des étranges allées et venues de Simone Weber au petit matin du 23 juin 1985 – Crédit DR

Les voisins de Simone, les Haag, couple d’octogénaires qui habitent au rez-de-chaussée du 158 Avenue de Strasbourg, sont réinterrogés. Ils se rappellent avoir entendu un bruit sourd au-dessus de leur tête le 22 juin au soir, puis le son d’un appareil du genre aspirateur, fonctionnant étrangement en position statique…

Ils se souviennent enfin d’avoir vu, à travers le judas de leur porte d’entrée, Simone descendre à maintes reprises l’escalier de l’immeuble pour déposer à la hâte des sacs poubelles sur le trottoir. C’était le 23 juin, à l’aube.

On ignore en réalité si elle a ensuite chargé ces sacs partiellement ou non dans sa compacte au losange. Elle justifiera en tout cas ses allées et venues dans les escaliers avec un aplomb déconcertant, évoquant simplement avoir voulu, cette nuit-là, faire du ménage et du tri dans son logement.

Une grille de loto et des arrêts fréquents

Les écoutes se poursuivent de plus belle à l’automne. De chez elle, celle que l’on surnomme aussi « Mamie Nova », en référence à sa coupe de cheveux permanentée qui rappelle une pub TV, passe des coups de fils a priori sans intérêt, à sa sœur en particulier. Elles parlent chiffons, de la pluie et du beau temps, mais aussi de numéros de Loto…

Parallèlement, Simone reprend la route à bord de sa R9, marquant des haltes régulières, écumant les cabines téléphoniques du chef-lieu de la Meurthe-et-Moselle pour y passer de mystérieux appels.

Ce petit manège va durer quelques semaines encore. Les enquêteurs comprennent que les supposés chiffres du Loto (qui vont bien au-delà du numéro 49) forment en fait un numéro de téléphone, celui d’une cabine située à près de 900 km plus au sud, à Cannes, devant le domicile de sa sœur Madeleine.

Trouver une pension pour « Bernadette »

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De fil en aiguille, les enquêteurs ont réalisé que “Bernadette” n’était pas une vieille copine des soeurs Weber, mais bel et bien la Renault 9 bleue de Bernard Hettier – Crédit DR

Ils placent alors la cabine en question sur écoute. Un jour, ils entendent une conversation qui va leur mettre définitivement la puce à l’oreille. Les deux sœurs communiquent au sujet d’une certaine « Bernadette », pour laquelle il faut trouver d’urgence un autre « établissement ».

De fil en aiguille, les enquêteurs acquièrent le certitude que « Bernadette » n’est pas une des vieilles copines des Weber, mais assurément la Renault 9 de Bernard Hettier. Pour ce qui est de « l’établissement », il s’agirait d’un box souterrain destiné à planquer la voiture.

La Sûreté urbaine établira par la suite que Simone Weber avait traversé la France quelque mois plus tôt  au volant de la R9 bleue, sans doute la dernière semaine de juin, pour y éloigner la berline du paysage lorrain.

Elle s’était empressée au passage de maquiller l’immatriculation pour brouiller les pistes, davantage passionnément qu’intelligemment d’ailleurs, puisque cette plaque minéralogique se révèlera être quasi similaire à la plaque de sa propre R9 blanche (193 WW 54), à deux chiffres près…

La R9 bleue refait surface à Cannes

Madeleine a loué un garage fermé dans une résidence cannoise sur ordre de sa sœur et sous une fausse identité, au nom de « Mme Chevalier ». Durant les dernières écoutes, les enquêteurs se sont en outre aperçus, qu’au-delà de la voiture, c’est aussi le passeport et le chéquier de Bernard Hettier que Simone Weber lui a confiés pour dissimulation et destruction imminente.

Nous sommes le 9 novembre 1985. Le juge Gilbert Thiel a accumulé assez de preuves. Il ordonne sans délai l’interpellation simultanée des deux comparses, à Nancy et à Cannes, et la fouille de leurs appartements respectifs.

Les policiers trouvent sous les coussins du canapé de Madeleine les documents bancaires de Bernard Hettier, mais aussi son passeport, sa carte grise, sa carte verte, et dans un pot fourre-tout, la clé de sa R9.

Mise devant le fait accompli, Madeleine Weber se défend pourtant de connaître le disparu et encore plus d’avoir vu sa voiture… Sous la pression des enquêteurs toutefois, elle les conduit devant le box qui intrigue.

La fameuse R9 est bien-là… Cette découverte, après celle du tronc humain dans la Marne, constitue un nouveau tournant dans l’enquête. Une fois menottée, la complice présumée garde son sang-froid. Elle rétorque à qui veut la croire qu’elle et sa sœur ont dû cacher la voiture pour rendre service à Bernard…

Une meuleuse dans la Renault 9 blanche

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Dans le coffre de la Renault 9 blanche, les enquêteurs ont mis la main sur une meuleuse à béton – Crédit DR

Pendant ce temps, à Nancy, dans l’appartement mi-foutoir, mi-musée de Simone Weber, les policiers font main basse sur un trésor de guerre : trois bâtons de dynamite (souvenir de travail de son ex-mari Jacques Thuot, justifiera-t-elle) mais également deux carabines 22 long rifle équipées d’un silencieux, et puis une douille percutée sur le sol…

Mais chut..! La « bonne dame de Nancy », que l’on qualifiera bientôt de « diabolique », n’en dira pas davantage. Les aveux, ce n’est pas pour elle ! Idem pour sa frangine avec qui elle est unie comme les cinq doigts de la main. Toutes deux refusent d’admettre une quelconque implication dans la disparition et la mort de Bernard. De « véritables murs », confient les enquêteurs.

Simultanément, autre découverte cruciale. Une meuleuse à béton est saisie dans le coffre de la Renault 9 blanche de Simone Weber. Cet outil tranchant peu ordinaire, que ses voisins avaient pris pour un aspirateur, elle l’avait loué la veille du 22 juin dans un magasin de bricolage de Nancy. Une fois utilisé pour achever son crime, elle l’avait visiblement lavé à grande eau, et curieusement, l’avait ensuite déclaré perdu auprès de l’enseigne.

La suspecte écrouée le 10 novembre

Le juge Thiel a désormais l’intime conviction que Simone Weber a tué Bernard Hettier. Il est persuadé qu’elle lui a tiré dessus avec l’une de ses carabines, qu’elle a ensuite découpé son corps à la meuleuse puis qu’elle l’a jeté en partie dans un fleuve, dans la Marne donc manifestement, lors de son déplacement en région parisienne chez sa fille et son gendre, autour du 30 juin.

Ce gendre justement, à l’origine du faux certificat médical (il s’était fait passer pour Bernard Hettier), avouera après coup avoir trouvé d’ailleurs curieux que sa belle-mère ne veuille pas ouvrir la malle de sa R9 qui semblait chargée comme un mulet.

A l’issue de sa garde à vue*, Simone Weber est mise en examen pour assassinat, puis écrouée sur le champ, le 10 novembre 1985. Elle comparaît devant la Cour d’Assises cinq ans plus tard, à partir de janvier 1991, après avoir congédié entre-temps une légion d’avocats avec une singulière autorité.

L’accusée nie en bloc et insulte à tout-va

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A l’issue d’un procès fleuve rocambolesque, l’accusée a été condamnée à 20 ans de prison – Crédit DR

Son procès fleuve et rocambolesque va durer six semaines. Chaque jour, l’accusée se sert de la salle d’audience comme d’une scène de théâtre. Campant les tragédiennes, elle se dit victime d’un acharnement. Elle harangue et insulte les parties civiles qui défilent à la barre. Avant de s’écrouler dans son box quelques secondes avant l’énoncé du verdict le 28 février, prise d’un malaise vagal que ses opposants diront avoir été simulé.

Condamnée à 20 ans de prison, elle sera libérée après 14 ans, en 1999. Elle ira ensuite rejoindre l’immeuble de sa sœur Madeleine à Cannes, puis finira ses jours dans un Ehpad. Jusqu’à sa mort le 11 avril dernier, à l’âge de 93 ans, Simone Weber clama son innocence et jura n’avoir « aucun secret » à dévoiler.

*Sa sœur Madeleine fut condamnée à  2 ans de prison dont six mois avec sursis pour recel de vol et destruction de preuves.

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