Route de nuit

Le son des moteurs, grand disparu des rues

Les normes antibruit ont eu raison des musiques des moteurs thermiques, contribuant à banaliser un peu plus l’objet automobile. Du moins, aux oreilles des passionnés…

La fabuleuse musique du V6 Alfa a disparu. Dommage, autant pour les oreilles des passagers que celles des passants !

La fabuleuse musique du V6 Alfa a disparu. Dommage, autant pour les oreilles des passagers que celles des passants !

Je me rappelle, ce devait être en 1985. Avec des copains, j’attendais le car, un Renault S53, qui devait nous emmener au collège à une dizaine de kilomètres de là : nous étions à la campagne. Tout d’un coup, surgit l’Alfa Romeo GTV6 rouge du boucher, un passionné d’automobiles. Et là, j’interromps toute conversation : je ne voulais entendre que la mélodie légère et raffinée du coupé italien, un pur plaisir auditif.

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La symphonie du V6 de l’Alfa Romeo GTV6 embellissait les rues dans les années 80…

Mes potes, habitués à mes excentricités liées à a voiture, n’ont pas moufté. Un autre jour, était-ce avant ou après, je ne m’en souviens plus, j’ai éprouvé une grande déception. Une dame habitant à proximité de l’arrêt du car possédait une Mercedes 280 SE W108, vous savez, celles avec les projecteurs verticaux. Une auto magnifique, bleue, bardée de chromes, à l’énorme calandre flanquée de phares US superposés et bien jaunes.

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Le 6-cylindres MAN du Renault S53 n’est pas du tout désagréable à l’oreille.

Elle aussi produisait un son flatteur. Sauf ce matin-là : elle émettait un épouvantable bruit de 240D, la dame en question ayant fait remplacer le 6-cylindres originel par un 2,4 l diesel souffreteux, mais bien plus économique. Ça se faisait à l’époque… Une autre fois, c’est une R20 TS qui a effectué ses premiers tours de roues matinaux à côté de nous. Le son de l’alternateur, très sollicité à recharger la batterie, couvrait celui du 4-cylindres Douvrin, à tel point qu’un camarade s’est demandé tout haut s’il s’agissait d’une voiture électrique. Le pauvre, s’il savait qu’elles ne feraient plus aucun bruit !

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Même les oreilles les plus profanes savaient reconnaître le son du bicylindre Citroën.

Si on avait une oreille un peu exercée, on pouvait reconnaître une voiture à son bruit, avant même de la voir. Ou du moins, en identifier le moteur. En effet, à l’époque, non seulement, les normes n’avaient pas éradiqué ces sonorités qui coloraient la vie urbaine mais en plus, les constructeurs ne s’échangeaient pratiquement pas les moteurs. Ainsi, on ne pouvait pas confondre le bruit aigu d’une Peugeot 104 avec celui, plus sourd, d’une Renault 5. Actuellement, si vous arrivez à différencier auditivement une  Clio V d’une 208, je vous tire mon chapeau et cours m’acheter un sonotone !

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L’échappement de la R18 produisait un son particulier, qui permettait de la distinguer de la R16, pourtant dotée du même bloc Cléon Alu.

Gamin, je parvenais même à distinguer les variantes d’un flat-twin Citroën. Les 425 cm3, 602 cm3 et 652 cm3 sonnaient chacun d’une façon très spécifique ! Quant au flat-four des GS/GSA, il était, lui aussi, identifiable entre mille. Impossible à confondre avec le blop-blop d’une Peugeot 305 phase 1, ou le tic-tic d’une  Simca 1307 ni même avec le vrombissement métallique d’une Alfasud. Nous avions un voisin qui possédait une magnifique Audi 100 CD 5E verte, modèle 78, et la musique de son 5-cylindres ne me laissait absolument pas insensible.

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Le moteur culbuté des Talbot Solara (évolution des Simca 1307/1308) émettait un son de castagnettes typique, dû à sa distribution.

Est-ce que ces musiques mécaniques ont contribué à ma passion pour l’automobile ? Je pense que c’est plutôt l’inverse : c’est elle qui a aiguisé mon oreille. Toutefois, je dois dire que j’appréciais particulièrement le chant du bialbero de la Fiat 132 que possédait mon père. Cette voiture disposait d’une boîte automatique, et quand le kick-down s’enclenchait, lors d’un dépassement, le 1,8 l italien adoptait un son bien plein, toujours plus agréable à mesure qu’il montait presque rageusement en régime. De là, certainement, mon appétence particulière pour les mécaniques italiennes !

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Le 5-cylindres Audi, apparu dans la 100 C3 en 1977, a beaucoup contribué, par sa sonorité rauque et séduisante, au charisme de la mythique Quattro en rallye.

Je pourrais décliner à l’infini les exemples, décrire les différences de son entre les blocs X et TU de PSA, le 1,6 l Cléon Alu d’une R18 et le F 1,7 l d’une R21, voire le 6-cylindres MAN d’un Renault S53 et le V6 d’un Mercedes O303 : c’était un jour de chance quand on avait ce dernier pour aller au collège.

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La Peugeot 205 SR, ici en 1983, a totalement changé de sonorité en 1987, quand elle a troqué son bloc XY contre le TU.

Aujourd’hui, tout ceci est terminé. Ne blâmons pas les électriques : les normes antibruit et la standardisation galopante ont totalement banalisé les sonorités de moteurs à partir du début des années 2000. Seules exceptions, les échappements non conformes installés par des kékés, capables de vous réveiller à 3h du matin, sans pour autant manifester une quelconque forme de mélodie. A ce compte-là, autant ne rien entendre du tout…

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