Coup sur coup, deux start-up européennes pleines de promesses sont dans la tourmente. En France, Hopium et ses voitures à hydrogène croulent sous les pertes et en Allemagne, Sono et ses autos solaires ne sont pas plus vaillantes. Les utopies s'écroulent et les vieux constructeurs sont confortés par une évidence : on ne s'invente pas constructeur auto par la grâce d'une simple levée de fonds.
- La voiture solaire ? mais quelle (fausse) bonne idée
- La voiture à hydrogène ? mais quelle (fausse) bonne idée aussi
- Une auto pas chère ? Impossible, si elle est recouverte de panneaux solaires
- Les bons vieux constructeurs rassurés
la Sono Sion et ses capteurs solaires foncent vers la sortie.
Le soufflé est retombé, à Munich comme en Normandie. En Bavière, la start-up Sono licencie 300 salariés et tente de se reconvertir. À Vernon dans l’Eure, la moitié des 130 salariés d’Hopium pourraient bien subir le même sort. Que s’est-il passé ? Pourquoi les jeunes pousses de l’automobile européennes sont-elles en pleine déconfiture ?
La voiture solaire ? mais quelle (fausse) bonne idée
La voiture à hydrogène ? mais quelle (fausse) bonne idée aussi
Plus à l’Ouest, au même moment, une autre start-up voyait le jour. Son nom : Hopium. Son truc : l’inverse de Sono, avec une techno totalement différente et un positionnement sans aucun rapport. La voiture de la petite firme normande, la Machina Vision, est une grande berline hydrogène de 4,90 m, ultrapremium qui s’affiche à 120 000 euros, pas moins. Comme pour la petite Sion, tout le monde s’emballe.
Lors de la présentation de l’auto au Mondial de l’auto de l’an passé, les médias s’esbaudissent et les pouvoirs publics surenchérissent, sûrs d’avoir misé sur le bon cheval en le subventionnant. Même le très raisonnable Crédit Agricole promet un gros chèque en commandant 10 000 autos, sûr de pouvoir les relouer facilement, via sa filiale de leasing. Mais la réalité a, là encore, rattrapé l’utopie. Et une fois encore, le soufflé de la belle histoire est retombé. Hopium est en grande difficulté, son action a plongé de 80 % et l’entreprise appelle à l’aide pour sauver le navire. Mais que s’est-il passé ? Comment se fait-il que ces deux start-up s’effondrent d’un coup, presque au même moment ?
Une auto pas chère ? Impossible, si elle est recouverte de panneaux solaires
On pourrait, à l’inverse, se demander comment elles ont pu, ces deux dernières années, susciter un tel engouement. Comme si tous les investisseurs qui ont cru dans ces fables, avaient inhalé des gaz euphorisants et se baignant dans un doux nuage d’intox leur masquant la réalité. Prenons Sono. Qui peut croire raisonnablement qu’une auto électrique recouverte de panneaux solaires forcément beaucoup plus chers que des pièces de tôle ou de plastique, puisse être vendue 25 000 euros ? Qui peut s’imaginer que les clients, au moindre accrochage, soient prêts à payer un bras le moindre changement de ces mêmes panneaux ?
Les Model 3 et Y de Tesla, la marque qui fait fantasmer les investisseurs, au point de leur faire injecter de l’argent n’importe comment
Pourtant, malgré ces évidences, les pouvoirs publics français, allemands et européens, comme les marchés, ont plongé et ont nourri une utopie sur la base de quelques promesses d’embauches et d’un avenir plein de dividendes. Comme si, pour eux, n’importe quel start-up était susceptible de se transformer, d’un coup de baguette magique en ce nouveau Tesla qui manque tant à la vieille Europe.
L’explication de cet engouement tient justement dans ce fantôme, celui de Tesla qui trotte dans toutes les têtes des financiers. Personne ne veut passer à côté de la future poule aux œufs d’or. Alors, on investit à tour de bras, y compris dans le n’importe quoi, de peur de rater quoi que ce soit. Une stratégie financière au doigt mouillé ou l’on préfère perdre un peu d’argent, pour, le cas échéant, et un miracle, en gagner beaucoup.
Les bons vieux constructeurs rassurés
Mais au-delà de ces errances, cette chute des deux jeunes pousses françaises et allemandes, permet de rappeler quelques évidences de bon sens. L’industrie automobile n’en est plus à l’ère des pionniers, à l’aube du XXe siècle, lorsque des ingénieurs un peu fous bricolaient des engins automobiles dans des ateliers de Levallois. Les années ont coulé sous les pneus, la filière s’est ramifiée, structurée. Elle est devenue tellement gigantesque qu’il paraît illusoire de partir d’une page blanche pour créer une nouvelle marque, pour devenir un nouveau constructeur.
On a tant répété, au cours des dernières années, que les vieux constructeurs étaient finis, que leur temps était révolu. Cette double annonce de jeunes pousses mal en point fait donc leur affaire et les conforte dans leurs tours de verre de leurs puissants sièges sociaux. Qu’ils veillent quand même à ce qu’elles ne se transforment pas en tour d’ivoire.