Midi Pile

Vendre du carburant à perte, sérieusement?

Effective au mois de décembre, la "vente à perte" de carburant traduit surtout l'incapacité des pouvoirs publics à trouver la moindre parade réaliste à la hausse du baril.

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C’est la « bombe » du week-end, qui se poursuit ce lundi matin avec l’annonce par le ministre de l’économie Bruno Le Maire que les distributeurs de carburant pourront commencer à « vendre à perte du carburant » dès le début du mois de décembre, et ce « pour une durée de 6 mois. »

Et le gouvernement de faire miroiter des baisses substantielles aux automobilistes, sans les préciser toutefois. De fait, on peut déjà tenir pour certain que l’économie approchant les 50 centimes par litre, chiffre avancé par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, apparaît bien illusoire.

Si ces annonces tombent à pic dans le contexte inflationniste que l’on connaît, avec un litre de gazole qui s’affichait en moyenne à 1,88 € au dernier pointage officiel, tandis que le SP95 grimpait à 1,93 €, on voit mal comment une telle mesure pourrait réellement s’appliquer.

Certes, l’obstacle législatif sera rapidement contourné. Une loi de 1963 interdit cette pratique, censée protéger les petits distributeurs, mais l’Assemblée devrait lever cet obstacle en octobre, permettant donc à certaines enseignes de revendre l’essence moins cher que ce qu’elle leur aura coûté.

Le gouvernement en panne d’idées

Mais une fois la mesure adoptée, qui sera en capacité de l’appliquer ? Certainement pas le réseau de 5 800 distributeurs indépendants qui irriguent encore le territoire français (soit un peu plus de la moitié du réseau global), et notamment dans les campagnes où la vie sans voiture est impossible.
Les pouvoirs publics en sont d’ailleurs bien conscients, qui ont récemment promis qu’un fonds de transition énergétique allait accompagner les stations rurales pour les aider à installer des bornes électriques et à diversifier leur activité. Mais à court terme, que proposer aux petites stations à qui on impose de rogner sur les marges de leur produit de base ?

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« Les réseaux que je représente, hors TotalEnergies, ne pourront absolument pas s’aligner sur ces prix. En France, Esso et BP ont été rachetés par de gros distributeurs, et, comme Avia, ils achètent tous leur carburant au prix du marché. Or, les marchés internationaux ne vont pas vendre à perte ! », s’alarme Francis Pousse président national station-services et énergies nouvelles au sein du syndicat professionnel Mobilians, interrogé par Le Figaro. « Nos stations se font un à deux centimes net de marge, et, en amont, les distributeurs se font des pouillèmes de centimes avant de nous vendre le carburant. On ne pourra pas s’aligner. »

Pour le même Francis Pousse, il n’y a qu’une solution : « on ne pourra pas tenir sans aide de l’État, sinon, on est mort, c’est certain. » Sans ces aides, le risque est grand que ces stations, déjà fragiles, disparaissent rapidement.

La grande distribution peut se permettre de vendre à perte provisoirement…quitte à faire payer le consommateur autrement, par exemple en augmentant encore le prix des denrées alimentaires. Mais là aussi, l’exercice a ses limites. D’autant que les grandes surfaces, qui ne sont certes pas à plaindre, doivent elles aussi composer avec des volumes de carburant en baisse et des prix de l’énergie en forte hausse.

Pour toutes ces raisons, la « vente à perte » semble encore loin d’être gagnée. On constate que le gouvernement ne sait plus quelle solution trouver avec le carburant dont il se refuse, faute d’en avoir les moyens, à modérer une taxation qui s’élève à environ 60% du prix au litre.

Et s’il consent finalement à aider les distributeurs de carburant dans le dispositif de vente à perte, cela revient à subventionner les énergies fossiles dont il prétend chercher à nous faire sortir…mais qui lui rapportent encore 40 milliards d’euros chaque année!

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