Pour vanter les aptitudes de sa nouvelle « supercar électrique », Kia nous a conviés sur une portion du rallye de Monte-Carlo fermée à la circulation. Drôle d'idée pour tester une Kia EV6 GT, mais nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise…
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La fiche technique de la Kia EV6 GT AWD est impressionnante : 585 ch et 740 Nm de couple. Le prix aussi : 72 990 €.
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Rallye de Monte-Carlo 1991, col de Turini, mardi 29 janvier vers 23 h 00. Serrée façon sardines dans la nuit noire et glaciale, la foule attend la suite du spectacle. D’abord, ce lointain bruit de moteur qui s’amplifie à mesure que la bête de course gravit les lacets. Puis cette lueur de phares, qui éclaire la cime des arbres et fait deviner le tracé de la route. Le halo se rapproche, le son va crescendo et, comme si les dieux avaient subitement rallumé la lumière, la voiture et ses rampes de phares déboulent sur la scène, regard du pilote fixé sur le prochain point de corde, copilote tête baissée sur son carnet de notes, duo subitement éclairé en quasi continu par le crépitement des 1 000 flashs. L’équipage entame déjà la descente vers La Bollène-Vésubie, la nuit rapplique, les frissons déclinent. Plus que deux minutes avant le prochain numéro.
Nous sommes trente-deux ans plus tard, en pleine journée, et le sommet du col de Turini est désert. Seule une Kia EV6 GT 100 % électrique rampe sur le bitume chargé d’histoire… Nul doute que les spectateurs précités siffleraient son passage en silence. Et pourtant. Sous sa teinte gris mat à peine égayée d’éléments fluos, ce discret crossover humilierait la plupart des monstres de rallye d’époque. Jugez plutôt : 585 ch, 740 Nm de couple, une transmission intégrale, un différentiel arrière piloté sachant envoyer 100 % du couple côté droit ou gauche et, malgré 2 200 kg minimum sur la bascule, un 0 à 100 km/h dézingué en 3,5 s. Encore une fusée de ligne droite ? Pas seulement d’après Kia, qui s’en va nous le prouver d’une drôle de manière.
Pour canaliser la nouvelle puissance, un différentiel actif, capable de moduler le couple de 0 à 100 % entre les roues droite et gauche, est installé à l'arrière. DR
L'EV6 GT repose sur quatre pneus Michelin Pilot Sport 4S en 255/40 R21. À l'avant, les disques de 360 mm sont pincés par des étriers fixes à quatre pistons. DR
Si la caisse n'est pas abaissée par rapport à celle de l'EV6 classique, la suspension devient pilotée. DR
Elle transfigure le confort, plus moelleux, tout comme l'efficacité, impressionnante sur sol sec. DR
Comme à l'extérieur, les signes distinctifs de l'EV6 GT sont rares à bord. Ils se résument à la teinte vert fluo des étriers de frein, que l'on retrouve au niveau des surpiqûres et du bouton GT sur le volant. DR
Cette touche permet de choisir son mode de conduite, qui agit sur la puissance maxi, l'antidérapage, le différentiel arrière, mais aussi sur la consistance de la direction et des amortisseurs. DR
Au programme de cet essai spécial ? 4,2 km de route fermée, la montée du fameux Turini, depuis Moulinet jusqu’à l’Auberge des Trois-Vallées pour les connaisseurs. Pour les autres : 4,2 km d’épingles, de virages en aveugle, de courbes qui se referment, de bas-côtés moussus et de parapets trop bas pour vous protéger du précipice. Autant de pièges pour cette lourde et surpuissante électrique, copilotée par un courageux instructeur. « Tu peux rouler à ton rythme, je t’indiquerai les dangers si besoin, me glisse-t-il. Le mode de conduite personnalisable est paramétré en Sport + pour le moteur, la direction, le différentiel arrière, et en Sport tout court pour la suspension, qui encaissera mieux cette portion bosselée. Vas-y quand tu veux et, pour rappel, il n’y a pas de chrono… » Même pas déçu, je comprime la pédale de droite, et le décollage nous sattellise littéralement. L’allonge semble même supérieure à celle des « grosses » Tesla dans un silence plus perturbant encore.
Freinage pour la première épingle, l’EV6 s’exécute sans s’écraser sur l’avant et entame sa démonstration. Le train avant s’inscrit sans temps de réponse et s’agrippe à la trajectoire sans l’once d’un sous-virage. Puis l’auto ressort façon catapulte, comme si elle avait temporairement divisé son poids par deux. Le bon maintien des sièges baquets, la précision de la direction et la justesse de l’amortissement piloté de l’EV6 GT ne rappellent en rien les tares de l’EV6 classique. Sa facilité de conduite reste déconcertante. Nul besoin de tarder sur les freins pour conserver le museau jusqu’au point corde, ni de contrebraquer en sortie pour compenser le déséquilibre de puissance des moteurs électriques : 367 ch derrière, 218 ch devant. L’antipatinage se charge de doser le tout sans trop « arrêter » la voiture en sortie d’épingle.
L’ascension se poursuit, les flancs frôlent les murets, les virages inconnus sautent au visage. Mon regard vise le plus loin possible mais reste attiré vers le compteur avant les gros freinages : jusqu’à 142 km/h affichés, plus que la vitesse autorisée sur autoroute sur cet étroit serpentin entre falaise et ravin. Difficile d’imaginer quelle sportive thermique pourrait suivre ce rythme endiablé alors que dans l’habitacle, silencieux et confortable, on se ferait bien couler un café… Un petit kilomètre avant l’arrivée, les pneus chauds crissent davantage, la course de la pédale de frein finit par s’allonger, et l’on devine mal la coréenne tenir ce rythme au retour dans la descente. Ligne d’arrivée franchie, seule une petite odeur de plaquettes trahit le rythme imprimé quelques secondes plus tôt par l’EV6 GT, désormais inaudible lors de ses manœuvres de stationnement devant l’Auberge des Trois-Vallées. Quel curieux spécimen… et quel changement d’époque.
Bilan du test Kia EV6 GT
Si bref soit-il, l’essai sur route fermée d’une Kia EV6 GT de 585 ch génère une foule de questions. Son efficacité et ses performances proches de celles d’une supercar remplacent-elles les sensations plus authentiques d’une sportive thermique ? Est-ce possible de la considérer comme une monture crédible, avec une autonomie homologuée à plus de 400 km mais réduite à 50 km en montée de col à ce rythme effréné ? Est-ce raisonnable de laisser en vente libre cette grisante catapulte ? Ici, chacun livrera ses réponses et nous, nous nous posons déjà une autre question. Ce drôle d’oiseau sera-t-il aussi à l’aise sur circuit qu’en spéciale de rallye ? On vous le dit vite, c’est promis.
Facturée 72 990 € et privée de bonus, l'EV6 GT reste victime du succès des autres versions. Commandée aujourd'hui, elle ne sera livrée qu'en septembre 2023.
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Fiche technique Kia EV6 GT | |
Dimensions et poids | |
Longueur | 4,69 m |
Largeur sans rétroviseurs | 1,89 m |
Hauteur | 1,54 m |
Empattement | 2,90 m |
Volume du coffre | 480 l |
Pneus sur modèle d’essai | 255/40 ZR21 |
Poids à vide | 2 200 kg |
Puissance et performances | |
Type de moteur | électrique, un à l’avant et un à l’arrière |
Puissance | 585 ch |
Couple | 740 Nm |
Transmission | aux 4 roues |
Boîte de vitesses | mono rapport à réducteur |
0 à 100 km/h | 3,5 s |
Vitesse maximale | 260 km/h |
Batterie, autonomie et consommation | |
Type de batterie | lithium-ion polymère |
Capacité utile de la batterie | 77,4 kWh |
Puissance du chargeur AC – DC | 10,5 kW – 239 kW |
Consommation mixte WLTP | 20,6 kWh/100 km |
Autonomie mixte WLTP | 424 km |
Temps de charge de 10 à 100 % | |
Prise domestique 8 A | 32 h 45 |
Borne AC 11 kW | 7 h 20 |
Borne DC > 100 kW (10 à 80 %) | 18 min (239 kW) |
Bonus et garantie | |
Bonus 2022 | 0 |
Puissance fiscale | 11 CV |
Garantie voiture | 7 ans ou 150 000 km |
Garantie batterie | 7 ans ou 150 000 km |
Pays de production | Corée-du-Sud |
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