- La production a commencé à Douvrin…
- …mais les industriels recourent à des métaux rares
- Pourrait-on s’en passer ?
- Bye bye le thermique en 2035
Deux millions de voitures électriques, c’est l’objectif de production que vise la France à l’horizon 2030. Mais comment l’atteindre ? En misant en grande partie sur les industriels qui s’installeront au nord de la France, de Dunkerque à Douvrin, spécialisés dans la fabrication et le recyclage de batteries.
Avec 17 % des ventes l’an dernier, l’électrique prend peu à peu sa part et participe, d’une certaine manière, à la constitution d’un parc roulant plus vertueux. Mais, on le sait, la circulation automobile des véhicules thermiques entraîne toujours une pollution environnementale difficile à réduire, un sujet pris très au sérieux par les gouvernements et les constructeurs.
La voiture électrifiée tend donc à devenir à moyen terme une des solutions pour réduire cet impact, mais la production des batteries est pointée du doigt, pour l’extraction minière et les coûts de fabrication qu’elle engendre. C’est pourquoi les industriels tentent de rivaliser pour produire de manière plus responsable et que la France a fait le pari d’installer une Vallée de la batterie sur son territoire, en quête de souveraineté vis-à-vis de la Chine.
La production a commencé à Douvrin…
En 2025, sur un site encore en travaux, une des plus grandes gigafactories de France (Verkor, 1,7 milliard d’euros) commencera à produire des batteries à Bourbourg, près de Dunkerque. Objectif en 2030 : la sortie d’environ 300 000 batteries dites « haute performance » pour des véhicules haut de gamme. La cité de Jean Bart deviendra d’ailleurs le cœur de la Vallée de la batterie, avec deux autres sites : Prologium (5,2 milliards d’euros investis d’ici 2030), qui vient d’ouvrir son usine test à Taïwan et XTC-Orano (1,7 milliard d’euros) à Loon-Plage.
Le processus de production, très encadré, est lui complexe. Dans des salles blanches où la combinaison sanitaire est de rigueur, les composants sont scrupuleusement assemblés après que des matières premières ont été mélangées dans d’immenses cuves pour concevoir des électrodes. Celles-ci, associées donneront des cellules. Une fois produites, elles seront rassemblées pour former des modules, qui sont enfin envoyés aux constructeurs qui constitueront eux leur pack batterie.
…mais les industriels recourent à des métaux rares
« On vient empiler une anode (positive) et une cathode (négative) et entre deux il y a un film isolant qui vient séparer pour éviter tout ce qui est court-circuit. Après on met du scotch pour fixer et les convoyeurs partent au cell assembly pour l’assemblage complet » tente d’expliquer Sylvain Joan, conducteur d’installation chez ACC Douvrin/Billy-Berclau.
Difficile d’être plus clair tant l’activité est nouvelle et peu connue du grand public. Ce que l’on peut ajouter, c’est que deux types de batterie sont conçus, simple et à haute autonomie. L’activité atteindra son plein potentiel en fin d’année avec comme cap l’équipement de 250 000 à 3000 véhicules, d’abord destinés au groupe Stellantis.
Un virage vers l’électrique impossible à prendre sans, au préalable, l’approvisionnement en cobalt, lithium, graphite, manganèse : il s’agit de métaux rares, extraits notamment en Amérique du Sud, ce qui engendre une pollution minière que les acteurs du secteur tentent de limiter.
Pourrait-on s’en passer ?
À 80 kilomètres de là, on réfléchit déjà à la batterie de demain. Comment se dispenser au mieux des métaux rares, qu’on dit aussi « stratégiques » ? Dans la start-up Tiamat, basée à Amiens et à l’initiative du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), on associe le sodium aux ions, un procédé chimique plus accessible et plus écologique. Le premier modèle produit fait la taille d’une pile et équipe une visseuse.
« Ce sont des cellules de batteries cylindriques mais nous mettons à disposition des clients des formats prismatiques, qui sont plus destinés à l’automobile, détaille Hervé Beuffe, président de Tiamat. On a un peu moins d’énergie que la concurrence mais on peut se recharger beaucoup plus rapidement. Donc on peut faire des packs plus petits, avec une autonomie moindre certes. Ça correspondra à certains usages, de véhicules à plus petite capacité pour les centres urbains. »
Le groupe Stellantis vient d’investir un montant non dévoilé dans cette entreprise qui fixe à 2026 la disponibilité de cette nouvelle technologie pour les véhicules électriques.
… ou recycler ?
Son but est de valider le procédé de raffinage qui sera appliqué à Dunkerque, dans un premier temps à l’aide de modules non conformes. Une usine en amont sera chargée du démantèlement et du broyage des batteries afin de récupérer une poudre noire, la black mass.
« Dans cette black mass, on va retrouver les métaux stratégiques, » explique Marc Ferréol, directeur « Démantèlement » chez Suez, associé à Eramet dans ce projet. On va avoir un taux de recyclage au-delà de 90 %, donc on peut se dire que pour une batterie recyclée, il y aura quasiment une batterie de produite. »
Pour faire simple, l’ensemble de ces métaux sont séparés un à un et pourront être de nouveau utilisés avec les mêmes propriétés. « On peut cristalliser les sels, de nickel, de cobalt, qui peuvent nous servir à fabriquer de nouvelles cathodes pour fabriquer de nouvelles batteries » résume Sophie Lebouil, responsable « Contrôle » du projet recyclage pour Eramet.
Bye bye le thermique en 2035
Les deux sites pourront à terme traiter 200 000 batteries par an. Et il faudra tenir la cadence avec le déploiement de la gigafactory de Douvrin, des trois industriels du Dunkerquois, puis du Japonais AESC associé à Envision, à Douai, qui s’installe à deux pas de l’usine Renault.
« Les batteries qui vont être produites ici vont tout d’abord équiper deux modèles, la R5 qui sera produite à l’usine de Douai, et la 4L, qui sera produite à Maubeuge », rappelle Ayumi Kurose, directeur-général d’AESC France. «Nous souhaitons avoir d’autres modèles, notamment dans ces usines, et éventuellement dans d’autres usines d’Ampère », la branche électrique de Renault.