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Paris-Marseille avec un seul arrêt en voiture électrique c'est désormais facile, mais...

Rallier Marseille depuis Paris avec une voiture électrique sans s’arrêter davantage qu’avec une voiture thermique, c’est désormais possible. Mais pour l’instant, il faut être riche car les modèles capables de telles performances coûtent très cher.

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Une Mercedes EQS 450+ qui recharge ses énormes batteries sur une borne à haute puissance entre Paris et Marseille par l’autoroute.

Si les longs trajets en voiture électrique se réservaient à quelques explorateurs passionnés et prêts à sacrifier beaucoup de temps il y a encore cinq ans, les énormes progrès de cette technologie et des réseaux de charge permettent désormais d’envisager un grand voyage autoroutier sans trop se compliquer la vie. Comme nous avons pu le constater lors des grands week-ends de chassé-croisé cet été, la maturité des réseaux le long des principales autoroutes de France et l’amélioration des performances des véhicules rendent ces déplacements au long court « faciles » même s’il reste possible de se retrouver piégé à destination par un réseau secondaire défaillant.

Il faut malgré tout prévoir davantage d’arrêts qu’au volant d’une voiture thermique dans ce genre de situation, la faute à une mécanique électrique plus énergivore quand on roule vite à vitesse stabilisée : une citadine comme la Peugeot e-208 impose, à vitesse autoroutière de 130 km/h, de recharger tous les 180 kilomètres en moyenne. Une compacte dotée de grosses batteries pourra s’approcher des 300 kilomètres, comme un SUV familial équipé lui aussi de gros accumulateurs. Les modèles les plus luxueux du marché utilisent souvent des batteries gigantesques (BMW iX, Mercedes EQS SUV, Lotus Eletre, Volvo EX90…), mais ils annulent une partie de cet avantage d’autonomie avec leurs carcasses de SUV pénalisant l’efficience maximale. Sur le papier, les voitures électriques les plus compatibles avec les longs trajets restent évidemment les berlines, a fortiori celles qui disposent de très grosses batteries comme la Tesla Model S Grande Autonomie (capacité estimée de 100 kWh environ), la BMW i7 (capacité utilisable de 101,7 kWh) ou la Mercedes EQS 450+ (capacité utilisable de 107,8 kWh).

Jusqu’où peut-on aller avec une grosse berline électrique ?

En théorie, cette grosse Mercedes EQS 450+ représente la voiture électrique la plus généreuse en autonomie sur notre marché actuellement. Ne misons pas pour autant sur l’autonomie maximale donnée officiellement pour 753 kilomètres (dans sa meilleure configuration possible) d’après la norme WLTP, car on sait que cette valeur mixte avantageuse ne permet pas du tout d’estimer l’autonomie réelle à vitesse autoroutière. Avec une température de 9 degrés au moment où nous quittons Paris à son volant et de la pluie, les conditions ne permettent pas non plus d’obtenir le meilleur niveau d’efficience possible. En théorie donc, tout de même, il semble possible de parcourir les 783 kilomètres de notre trajet jusqu’à Marseille en n’effectuant qu’une seule charge en partant avec des batteries pleines à 96%. Ce qui, sur le papier, permettrait de raboter sérieusement la barrière séparant les voitures électriques et les véhicules thermiques dans les longs voyages.

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Il existe plus fatigant qu’une Mercedes EQS pour effectuer un Paris-Marseille en voiture.

Alors ? Alors ? Eh bien oui, ce Paris-Marseille ressemble effectivement à une simple formalité au volant d’une berline dotée de telles batteries. Depuis Paris, nous décidons de nous arrêter recharger après 452 kilomètres avec 7% de batterie restante (et 38 kilomètres d’autonomie estimée). L’aire d’autoroute empruntée le long de l’A6 possède des bornes rapides du réseau Engie Vianeo à 300 kW. Nous n’optimisons pas le temps de charge avec une pause de 55 minutes passée à manger, au terme de laquelle la grosse batterie de l’EQS affiche 98% de charge. Notez que l’ordinateur de bord indique une consommation de 20,9 kWh/100 km sur ce trajet, un chiffre franchement bon pour une machine pesant 2 515 kg (d’après la fiche technique) et navigant à 130 km/h compteur (environ 126 km/h GPS).

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L’unique arrêt de recharge du trajet a eu lieu après 452 kilomètres de roulage. Il restait 7% de batterie et 38 kilomètres d’autonomie.

Ces chiffres deviendront encore meilleurs sur la seconde partie du trajet avec, au terme des 7h21 de route et des 783 kilomètres parcourus au total, une consommation moyenne de 20,3 kWh/100 kilomètres et des batteries encore pleines à 38% à l’arrivée (soit 219 km d’autonomie restante). Il aurait théoriquement été possible de ne faire qu’un arrêt recharge de 30 minutes pour réaliser ce Paris-Marseille en perdant le moins de temps possible. Certes, les grosses routières diesel et essence conservent l’avantage car elles auraient pu abattre ce trajet sans la moindre pause. Mais avec une telle autonomie -sans parler du confort de roulage impressionnant- la plupart des peurs classiques dans l’utilisation d’une voiture électrique sautent totalement. Je n’ai même pas eu besoin d’utiliser un planificateur de trajet, l’excellent maillage du réseau autoroutier entre Paris et Marseille permettant de se jeter à la première station croisée, une fois arrivé sur la « réserve », comme avec une bonne vieille voiture à énergie fossile.

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A l’arrivée à Marseille et après avoir rechargé à 98% sur l’unique arrêt du trajet, il restait plus de 200 kilomètres d’autonomie. Notez la consommation assez basse affichée à l’ordinateur de bord.

C’est bien, mais c’est très cher pour l’instant

Mine de rien, il s’agit là d’une vraie petite révolution quand on a été habitué aux galères des longs trajets en électrique à l’époque où ni l’état du réseau ni les capacités des autos électriques ne permettaient de telles performances. Mais une révolution accessible pour l’instant qu’à de vrais privilégiés : la très opulente EQS 450+ de notre trajet coûte 135 850€ sans option et ne cadre pas vraiment avec la voiture électrique à moins de 100€ par mois voulue par le Président Macron. Théoriquement tout aussi capable sur les longues distances avec ses 723 km annoncés, la Tesla Model S Grande Autonomie s’affiche à partir de 94 990€ ce qui n’a rien non plus de bon marché. Pour l’instant, toutes les voitures du marché équipées de batteries aussi grosses restent inabordables pour le grand public.

Ces autos à batteries énormes vont se démocratiser avec l’arrivée de modèles comme le Peugeot e-3008 et ses accumulateurs de 98 kWh et à moyen terme, la marque au lion promet d’ailleurs des modèles familiaux offrant une autonomie de 700 kilomètres. Reste à savoir jusqu’où peut baisser le prix d’une voiture électrique dotée de batteries de plus ou moins 100 kWh. Nio vend son EL6 à batteries de 100 kWh 74 500€ en Allemagne, mais le constructeur chinois perd actuellement 35 000€ par voiture vendue et bénéficie d’un soutien financier solide du gouvernement local. Et dans quelle mesure est-ce pertinent d’installer des accumulateurs énormes dans les voitures électriques à l’heure où le problème de la pollution des batteries et de la disponibilité des ressources fait débat ?

Mettez un automobiliste réfractaire à la technologie électrique au volant d’une Mercedes EQS 450+ et il y a de fortes chances pour que, noyé dans le luxe et totalement certain de ne plus risquer de manquer d’autonomie en sortant de la ville, son avis sur la question évolue fortement. Reste à savoir si l’évolution de la technologie et notamment l’arrivée des fameuses batteries solides attendues pour la fin de la décennie pourront rendre ce genre de performance accessible au grand public. En attendant et comme dirait l’électromobiliste Jean de La Fontaine, selon que vous soyez puissant ou misérable, votre temps de trajet en voiture électrique ne sera pas le même.

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