Usine Lamborghini
Lamborghini n’est pas la première marque à laquelle on pense en termes de réduction de CO2. A l’inverse de ce qu’impose la réglementation européenne, le constructeur italien préfère se pencher sur ses usines avant la consommation de ses voitures. Une stratégie payante, du fait d’une gamme très particulière.
Un chiffre élevé à relativiser au vu de l’utilisation réelle des voitures. Si, lors de cette occasion particulière, nous sommes allés travailler en Lamborghini Aventador SVJ, bien peu de propriétaires de ce modèle radicalement sportif font de même. Les propriétaires des sportives de la marque (Huracan et Aventador) ne parcourent en moyenne que 5.000 km par an environ. Également, en 2021, Lamborghini a vendu 8.405 autos à travers le monde. C’est certes un record pour la marque, mais c’est une goutte d’eau parmi les 8,576 millions de voitures produites par l’entièreté du Groupe Volkswagen dans le monde, la même année. En somme, un kilomètre à bord d’une Lamborghini émet beaucoup de CO2. Mais à l’échelle de la planète automobile, peu de kilomètres sont parcourus en Lamborghini.
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Lorsque l’emblématique patron de la marque Stephan Winkelmann, de retour depuis 2021, dirigeait Bugatti, il avait d’ailleurs pour coutume de dire que l’impact environnemental de ses voitures, qui disposaient pourtant d’un des moteurs les plus prodigues en CO2 au monde, était négligeable. Parce que Bugatti ne produit que 80 voitures par an, et parce que les propriétaires roulent peu avec ces autos. Certes, Stephan Winkelmann n’a pas les mêmes phrases chez Lamborghini mais le peu de voitures en circulation et leur faible kilométrage font que la phase d’usage d’une Lamborghini n’est pas si importante dans son bilan carbone, face à la production.
Une gamme électrifiée en 2024
A l’horizon 2024, Lamborghini assure que toute la gamme sera électrifiée. En effet, le SUV Urus se convertira à l’hybridation rechargeable. Une opération facile, puisque ce cousin technique du Cayenne n’aura qu’à puiser dans la banque d’organes Porsche pour sa transformation. Puis, dans la deuxième moitié de la décennie, c’est un modèle 100% électrique qui fera son apparition. Alors, Lamborghini accèdera sans doute à un autre statut: l’Urus peut être considéré comme une voiture de tous les jours, ce que prouve le kilométrage annuel moyen, deux fois plus élevé que sur les sportives. La version hybride rechargeable devrait renforcer cet effet et l’électrique pourrait booster les ventes de Lamborghini, comme la Taycan l’a fait chez Porsche, qui recense déjà les propriétaires ayant parcouru plus de 100.000 km.
Si les Lamborghini roulent peu, c’est alors sur la production qu’il faut concentrer les efforts de réduction des émissions de CO2. “Réduire l’impact environnemental de notre production est une véritable culture d’entreprise”, assure Stephan Winkelmann. “Nous avons commencé à prendre des mesures dès 2011 et notre usine est neutre en carbone depuis 2015, preuve qu’il ne s’agit pas de greenwashing”. Certes, Lamborghini ne produit pas les caisses en blanc et les motorisations de l’Urus, qui proviennent d’Allemagne. Voilà qui exclut du calcul les opérations les plus polluantes de la fabrication.
On ne recycle pas une oeuvre d’art
Mais les efforts sont là, avec l’implantation de 15.000 m² de panneaux solaires sur les toits, produisant chaque année 2.500 MWh d’électricité et permettant d’économiser 2.000 tonnes de CO2 chaque année. Une centrale au biogaz qui chauffe l’usine permet des gains du même ordre de grandeur. Désormais, les caisses d’Urus fabriquées en Allemagne sont acheminées par le rail et non plus par la route. Enfin, l’usine est parvenue à réduire ses déchets de 15,8% et sa consommation d’eau de 15% par rapport à 2021, pour chaque modèle produit, alors que la consommation globale d’énergie a été réduite malgré l’extension des locaux. Enfin, à quelques encablures de l’usine, la marque a ouvert un parc arboré pour capter le CO2 de l’atmosphère. La production d’une voiture n’est jamais neutre mais Lamborghini se soigne…
Panneaux photovoltaïques de l’usine Lamborghini Crédit : Lamborghini
Et la seconde vie de ses voitures? Aujourd’hui, Lamborghini ne se préoccupe que de loin de la question du recyclage. “Nos voitures sont des œuvres d’art!”, ose même Stephan Winkelmann. “On ne détruit pas une œuvre d’art. La preuve: 80% des modèles produits par la marque depuis sa naissance en 1963 existent encore. C’est exceptionnel”. Plutôt que de penser à une seconde vie bien hypothétique, Lamborghini préfère valoriser les chutes de cuir et de carbone pour fabriquer des accessoires: sacs, porte-clés, sculptures… Le recyclage d’une Lamborghini serait d’autant plus délicat qu’elles font largement appel au carbone dans leur fabrication. Pour réutiliser ce matériau, il faut le chauffer à des températures très élevées, au point de faire brûler la résine, en vue de récupérer la seule fibre de carbone. Guère intéressant d’un point de vue énergétique… Tout de même, la problématique du recyclage futur s’annonce primordiale sur les modèles “utilitaires” que sont l’Urus et la future électrique. Pas sûr que le taux de survie de ces modèles soit aussi élevé que celui des sportives. Ce qui est assurément amusant de cette histoire, c’est sans doute que l’impact moins important que l’on imagine des Lamborghini tient surtout à leur statut “d’œuvre d’art”.