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"On a remis certains boutons": avec des tableaux de bord de plus en plus connectés, le risque de distraire le conducteur


Fini le traditionnel compteur. Au Mondial de l’automobile, les constructeurs rivalisent d’imagination et de fonctions tech pour améliorer leurs tableaux de bord. Une multitude d’options et d’écrans, donc, qui risquent de déconcentrer le conducteur.

Autrefois exclusivement réservé à l’usage du conducteur, et monopolisé par des informations techniques (vitesse, fonctionnement du moteur), le tableau de bord a totalement changé de nature. En lieu et place des compteurs de vitesse circulaires, les écrans tactiles haute définition ont envahi les habitacles des différents constructeurs.

Multiplication des écrans

La nouvelle Peugeot E-3008, exposée à la 90e édition du Mondial de l’automobile 2024 qui se tient du 14 au 20 octobre, ne fait pas exception. Le modèle est équipé de l’i-cockpit, le nom commercial du combiné d’écrans proposé chez Peugeot depuis la première 208 en 2012. Il présente deux écrans, dont un écran incurvé flottant avec une diagonale de 21 pouces pour les modèles de luxe.

L'intérieur de la Peugeot e 3008 © capture d'écran

“Traditionnellement, dans les voitures, les volants sont grands et on regarde les informations à travers le volant. Nous, nous avons positionné l’écran plus haut, ce qui fait que le conducteur a toutes les informations de sécurité dans son champ de vision”, précise Jérôme Micheron, responsable mondial des produits. 12 millions de clients ont déjà adopté l’i-cockpit.

De son côté, Volkswagen voit triple. Le constructeur équipe ainsi ses nouveaux modèles d’un écran central de 15 pouces, contre un peu plus de 12 auparavant, un écran au-dessus et du volant et un troisième de 5,5 pouces… sur le pare-brise.

Un procédé également utilisé chez le constructeur chinois BYD. Avec l’affichage tête haute en réalité augmentée, l’écran central est projeté sur le pare-brise des modèles de luxe du constructeur, comme la YangWang. Pour cela, BYD utilise une lame de verre sur laquelle est projetée une information. “Le conducteur a ainsi l’impression que l’information est sur la route. Par exemple, on affiche le trafic en temps réel, ou les flèches directionnelles en direct”, souligne Jean-Briac Dalibard, responsable communication BYD France.

“Inspirés de l’univers des smartphones”

Outre la carte GPS, le kilométrage, et les stations essence ou bornes de recharge les plus proches, les (nombreux) terminaux deviennent désormais la prolongation du smartphone. Il suffit de jeter un oeil au design des tableaux de bord. L’écran central ressemble, chez presque tous les constructeurs, à un écran de tablettes de 10 à 20 pouces. Chez BYD, les écrans peuvent même être pivotés à la verticale, pour passer en mode smartphone.

L'écran peut basculer en mode portrait d'un simple clic. © Sébastien Rouet

“C’est loin d’être un gadget. Lorsque le GPS est activé, le mode vertical permet de voir plus loin. Pour tout ce qui est divertissement, il suffit de rebasculer l’écran à l’horizontal”, ajoute Jean-Briac Dalibard.

Au programme, des applications pour écouter la musique, regarder Netflix, écouter des podcasts et son agenda.

“On s’est inspirés de l’univers des smartphones avec des widgets et un menu où le client peut tout aller chercher en un clic”, détaille de son côté Guillaume Noël, responsable de marque chez Citroën.

Et, comme sur un smartphone, il est possible de personnaliser son écran d’accueil. “Tout un tas de choses est personnalisable”, précise Tesla. “Par exemple, vous pouvez mettre vos applications préférées en raccourci, modifier la disposition des applications, augmenter la taille des caractères ou réduire la lumière bleue.”

L'intérieur de la Tesla Model 3 progresse aussi nettement en termes de qualité perçue et ajoute quelques équipements, comme un petit écran 8 pouces à l'arrière. © BP

Résultat, les boutons du tableau de bord ont également disparu. “Nos tableaux de bord sont simples et épurés”, explique le constructeur. L’écran central du tableau de bord rassemble toutes les fonctions dans un seul écran central, se passe des commandes déportées au tableau de bord, voire de celles autour du volant et des circuits électriques qui vont avec.

Partenariat avec Google

Mieux encore, Tesla peut réaliser, parfois à distance, des mises à jour logicielles, voire intégrer de nouvelles fonctions. “Un bouton physique est une fonction figée dans le temps. L’écran, lui, peut évoluer via des mises à jour à distance”, affirme le constructeur.

Renault a poussé le concept du tableau de bord/smartphone encore plus loin. “On ne se contente pas de répliquer le téléphone avec Android auto ou Apple car play”, insiste Jean-Gabriel Grand, responsable des revenus de la R4 chez Renault. “On a embarqué dans la voiture toute l’intelligence qui permet de faire de la navigation, de la planification itinéraire ou encore de se divertir.” Depuis l’interface du système OpenR Link, développé en partenariat avec Google, les conducteurs et passagers peuvent naviguer sur internet et jouer à des jeux ou encore accéder à leurs comptes Disney+, Netflix et Youtube.

L'intérieur de la Renault R4. © tech&Co.

L’assistant vocal Reno, dopé à l’IA ChatGPT 3.5 Pro, a lui pour missions d’aider le conducteur à interagir avec la voiture de manière fluide. Il peut notamment mener une conversation sur plusieurs échanges questions/réponses. “C’est un avatar capable de répondre aux 200 questions les plus posées sur notre FAQ”, précise Jean-Noël. L’assistant pourra ainsi vous aider à charger votre voiture, ou à accéder à certaines options dans les écrans.

Des écrans qui déconcentrent?

Des fonctionnalités et des écrans à foison, donc. Au risque de déconcentrer le conducteur. Comme un smartphone distrait un piéton, ces vastes écrans captivants par leurs couleurs et l’abondance de leurs fonctions détournent l’attention des conducteurs de la route. En effet, les habitués des fonctions manuelles perdent parfois un temps précieux à trouver le clignotant parmi les dizaines de menus de l’écran, la fonction karaoké et l’application podcast. D’autant que la logique des interventions sur les fonctions varie d’une marque à l’autre, voire d’un modèle à l’autre selon la génération.

Mais pas de quoi inquiéter les professionnels de l’automobile. Tous les acteurs interrogés sont unanimes: l’objectif est de simplifier le tableau de bord et donc, la conduite.

“On voit beaucoup de véhicules qui sont très complexes, avec un tableau de bord difficile à prendre en main. Nous, on a voulu un design épuré avec peu de boutons physiques pour transmettre au conducteur les informations au bon moment”, observe Guillaume Noël pour Citroën.

le tableau de bord chez Citroën. © Tech&Co

Le retour des boutons physiques

En effet, chez la majorité des constructeurs qui était passés au 100% écran, la tendance est au retour des boutons physiques. “On a remis certains boutons pour laisser le choix au consommateur qui peut lancer la climatisation grâce à l’assistant vocal, ou via le bouton”, précise Jean-Gabriel Grand pour Renault. La climatisation, le désambuage, le warning ou les changements de température ont encore des boutons physiques.

Chez Peugeot, les boutons ont eux été remplacés par les “i-toggles”, ces touches tactiles paramétrables, permettent notamment d’accéder plus facilement à certaines fonctions importantes comme les réglages de climatisation. “Ce sont des raccourcis que l’on peut personnaliser. Si vous voulez lancer un appel, la radio ou la navigation, vous n’avez pas besoin de chercher dans un menu, vous n’avez pas à fouiller dans une dizaine de menus.”

Sur les modèles Renault, comme sur les voitures BYD, il est également possible d’éteindre l’écran central pour éviter toute distraction durant la conduite.

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