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D’où notre attachement à la voiture vient-il ?

d’où notre attachement à la voiture vient-il ?

D’où notre attachement à la voiture vient-il ?

Et maintenant, déconstruire ce monde fait par et pour la voiture ! Dans Voitures ? Fake or not (avec Isabelle Brokman, Tana éditions), un livre didactique et riche en infographie, Aurélien Bigo montre comment la voiture façonne nos vies et explique pourquoi il faudra changer de modèle. Certes, l’urgence climatique est une priorité absolue, mais les Occidentaux ont du mal à couper le cordon. Pour Le Point, le chercheur en transition énergétique des transports revient sur raisons de ce fort attachement.

Le Point : Quelle est la genèse de votre livre ?

d’où notre attachement à la voiture vient-il ?Aurélien Bigo. © DRAurélien Bigo : L’idée était de montrer quels sont les enjeux de transition de notre mobilité, pris sous l’angle de la voiture. Ces défis, chacun le sait, sont écologiques, économiques, sociaux et sanitaires. En plus, dans ce livre, nous balayons les grandes questions qui entourent actuellement la voiture : quelle place lui réserver dans nos vies ? La voiture électrique est-elle écologique ? Au regard de tous ces défis et interrogations, une réponse apparaît assez nettement : le véhicule individuel n’est pas voué à disparaître, mais il faudra en transformer les usages.

Comment expliquez-vous le fort attachement des Occidentaux à la voiture ?

Il y a deux raisons. La première relève de l’usage. La voiture a pris une telle place dans nos mobilités qu’elle a marginalisé les autres modes de transport. Beaucoup d’usagers se retrouvent ainsi dans une situation de dépendance, ce qui aboutit, de fait, à un attachement pour son véhicule. Il y a également un attachement à l’objet et à ses imaginaires, même si cela concerne moins de monde.

Il faut savoir que la culture automobile est très forte. La voiture a ses propres compétitions sportives, comme le championnat du monde de Formule 1, celui des rallyes WRC et les 24 Heures du Mans. Il existe aussi une passion plutôt « populaire » pour le tuning. On retrouve aussi une culture plus élitiste, avec des collectionneurs de voitures de luxe ou de voitures anciennes.

Quels sont les imaginaires autour de la voiture ?

La publicité automobile fait la promotion de plusieurs « valeurs ». Celles-ci ont évolué avec le temps. Il fut un temps où la publicité véhiculait des stéréotypes de genre, ce qui est incompatible avec les m?urs actuelles. On recense aussi la promesse d’accéder à un certain statut social. C’est encore vrai aujourd’hui pour le luxe, mais c’était particulièrement saillant à l’époque où la voiture était peu démocratisée.

La voiture était aussi associée à la fierté nationale. Le made in France était beaucoup mis en avant par les constructeurs dans leur publicité. Aujourd’hui, les valeurs promues et encouragées par la publicité sont celles de l’individualisme et de la liberté que procure la voiture. Cela s’est beaucoup développé et a fini par rentrer dans les imaginaires.

À LIRE AUSSI« La voiture demeure intimement liée à l’humanisme » La voiture nous rend-elle vraiment plus libre ?

Oui pour une partie de la population. Celle-ci exerce sa liberté de déplacement via son véhicule : pour aller au travail, faire ses courses, partir en vacances ou se rendre à une activité de loisir? La voiture est le couteau suisse de la mobilité, c’est pourquoi elle est souvent la manière privilégiée de se déplacer. En revanche, cette liberté est toute relative. Quand on est obligé d’emprunter son véhicule pour le moindre déplacement, on bascule dans la dépendance. La voiture apparaît alors comme un enfermement quand les alternatives manquent.

Les alternatives à la voiture sont-elles satisfaisantes ?

Quand les alternatives existent, et ce n’est pas toujours le cas, l’offre est insuffisante pour concurrencer le véhicule individuel. Prenons l’exemple du vélo. Si la pratique, en croissance, reste encore peu développée, c’est parce qu’il manque cruellement d’infrastructures et d’aménagements sécurisés. Or, la grande majorité de la population serait prête à s’y mettre si les conditions étaient remplies.

Quand, au contraire, l’offre est conséquente, nous observons le phénomène inverse. À Paris, les usagers se tournent vers le réseau de métros et de RER tant celui-ci est dense et maille la capitale. C’est un fait : les usagers optent pour le mode de déplacement le plus efficace. Seulement, en France, il existe très peu de zones où les transports en commun sont plus efficaces que la voiture.

À LIRE AUSSILes avantages de la démobilitéDans quelle mesure le monde a-t-il été pensé pour la voiture ?

Tout l’aménagement du territoire a été façonné par et pour la voiture. À l’époque où la marche était le seul mode de déplacement à disposition, le périmètre des villes était bien plus resserré. Les distances qui séparaient les habitations des principaux lieux d’activités étaient « marchables ». Les distances se sont considérablement allongées avec le développement de moyens de transport plus rapides. Et la voiture, parce qu’elle permet un déplacement porte-à-porte, a accéléré cette tendance. Problème : on se sert de cette rapidité non pas pour passer moins de temps dans les transports, mais pour aller plus loin. Conséquence : on se retrouve avec des zones urbaines très étalées.

Et une fois que l’on a rallongé les distances, difficile de revenir à la marche et au vélo?

Exactement. Et une fois que l’on a dispersé les habitats et les lieux de travail sur l’ensemble du territoire, il est difficile de mettre en place des lignes de transport en commun efficaces d’un point de vue économique. C’est pourquoi la voiture gardera une place importante dans la mobilité de demain. Elle devra cependant être moins utilisée, plus partagée, plus sobre et électrique.

Pourquoi, selon vous, faut-il corriger ce modèle ?

Les raisons sont nombreuses, mais le dérèglement climatique apparaît comme la plus urgente. La voiture, seule, représente 16 % du CO2 rejeté en France, soit la moitié des émissions rejetées par l’ensemble du secteur des transports.

d’où notre attachement à la voiture vient-il ?Voitures ? Fake or not, d’Aurélien Bigo et Isabelle Brokman, Tana Éditions, mai 2023, 112 pages, 13,90 euros.

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