Pourquoi l’Apple Car ne verra pas le jour
Après une décennie de rumeurs, de développements secrets et de retournements de situations, Apple a annoncé à ses employés que son projet de voiture, appelé en interne « Titan Project », n’existait plus. Les personnes travaillant sur la technologie de véhicules électriques et autonomes se concentreront désormais sur l’avancée la plus en vue du moment, l’IA générative. Le coup d’arrêt a d’abord été rapporté par Bloomberg, TechCrunch ajoutant pour sa part que la restructuration du projet Titan comprendrait probablement des licenciements.
Concevoir et fabriquer une voiture est un travail complexe. Pour y parvenir, les constructeurs automobiles mondiaux entretiennent généralement des relations avec des milliers de fournisseurs responsables de leurs propres gadgets, matériels ou logiciels. Mais Apple était plutôt d’avis de s’épargner ce casse-tête.
Toute entreprise technologique qui espère percer dans l’espace automobile « a besoin de partenariats », affirme pourtant K. Venkatesh Prasad, premier vice-président et directeur de l’innovation au Center for Automotive Research, un organisme de recherche à but non lucratif. Il en va de même pour tout constructeur automobile qui espère rivaliser avec les pros de la technologie.
Aucun partenariat officiel
Si l’on compare le sort de la voiture d’Apple à celui d’autres géants de la tech qui développent encore publiquement des projets automobiles, c’est peut-être là que l’expérience de la société de Cupertino a mal tourné.
Les partenariats ont toutefois été au cœur d’autres projets de voitures technologiques. Sony a formé une coentreprise avec Honda pour construire un prototype électrique appelé Afeela, dont la livraison est prévue en 2026. Kenichiro Yoshida, PDG de Sony, a déclaré au Wall Street Journal que la visite de l’atelier d’outillage, de soudure et de peinture de l’usine d’assemblage de Honda dans l’Ohio avait confirmé que la collaboration était bien la bonne décision à prendre pour l’entreprise d’électronique. « Ce sera difficile de le faire seul, a-t-il soutenu, il s’avère que vous avez vraiment besoin d’un partenaire. »
Problèmes en série
Les fabricants chinois de smartphones sont particulièrement désireux de se lancer dans la vente de voitures, dans l’espoir de soutenir les ventes de téléphones en perte de vitesse. Et nombre d’entre eux s’associent à des acteurs plus traditionnels de l’automobile pour y parvenir. Xiaomi a dévoilé son premier véhicule électrique à la fin de l’année dernière et a annoncé son intention de devenir un constructeur automobile mondial de premier plan, avec l’aide du constructeur automobile public BAIC Group. Baidu travaille avec le groupe Geely Holding sur son véhicule électrique. Le géant des télécommunications Huawei et le constructeur Chery Automobile ont révélé en novembre dernier une voiture électrique sous la nouvelle marque Luxeed.
Toutes ces entreprises cherchent à tirer parti de ce qu’Apple a reconnu il y a dix ans : les logiciels et la connectivité désormais intégrés aux nouvelles voitures ont donné aux entreprises technologiques un avantage sur les constructeurs automobiles traditionnels. Mais ces avantages n’ont pas toujours fait leurs preuves.
Au moment où Apple a mis fin à son projet de voiture, Bloomberg a rapporté qu’elle avait radicalement revu ses ambitions à la baisse, passant du développement d’une voiture autonome légitime à la construction d’un véhicule électrique doté de fonctions automatisées d’aide à la conduite désormais familières, du type de celles que les constructeurs automobiles, notamment Tesla, General Motors et Ford, proposent sur les routes depuis des années.
Pourtant, malgré ce déclassement, Apple a parcouru l’an passé plus de kilomètres de tests de véhicules autonomes que jamais auparavant, selon les rapports que soumis par l’entreprise à une agence californienne. Apple n’a pas répondu à nos demandes de commentaires.
L’avenir du projet Titan
Apple conserve toutefois une place importante dans l’industrie automobile, grâce à son système de compagnon de route électronique CarPlay. De nombreux conducteurs préfèrent l’intégration de leur iPhone dans la voiture à la technologie créée par les constructeurs automobiles. D’autant qu’on attend avec impatience la sortie cette année de la prochaine génération de CarPlay, qui multipliera considérablement les fonctions de l’interface utilisateur d’Apple, avec le contrôle de plusieurs écrans, l’intégration de caméras, la surveillance du véhicule, le contrôle de la climatisation et une multitude de données liées à la conduite, dont la vitesse moyenne du véhicule, le rendement du carburant et l’efficacité énergétique.
Bien que l’industrie automobile mondiale ait été prise au dépourvu par l’annonce d’Apple, à la WWDC 2022, des fonctionnalités considérablement étendues du nouveau CarPlay – beaucoup refusant même de commenter les nouvelles capacités du logiciel, et encore moins de confirmer son adoption –, la plupart des grands acteurs ont confirmé l’arrivée de CarPlay dans leurs véhicules. BMW, Audi, Cadillac, Buick, Chery, Chevrolet, Ford, Honda, Jeep, Fiat, Land Rover, Lucid, Mercedes, Toyota et bien d’autres encore s’y sont engagés.
Un indicateur de l’importance de CarPlay pour les équipementiers automobiles est fourni par le président de Hyundai Motor Group, Song Chang-Hyeon, ancien ingénieur d’Apple et de Microsoft qui dirige la division de développement logiciel du groupe. Song a déclaré en janvier dernier que sa toute première tâche après avoir été nommé au conseil d’administration en 2021 a été de réparer l’omission flagrante de l’intégration wireless de CarPlay dans ses véhicules, en veillant à ce que l’accès apparaisse enfin dans le vaisseau amiral de Kia, le EV9 entièrement électrique.
Il est clair que pour Apple, « ce n’est pas la fin. Ce n’est que le début du jeu », affirme K. Venkatesh Prasad, chercheur dans le domaine de l’automobile. « Cette remise à zéro est exaltante à bien des égards. »
Initialement publié par Wired