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Un face-à-face entre constructeurs automobiles chinois et européens au Salon de Paris

par Nick Carey PARIS (Reuters) – Le Mondial de l’Automobile, qui s’est ouvert lundi à Paris, est le théâtre d’un face-à-face entre constructeurs chinois et européens dans un climat de vive tension, l’Union européenne se préparant à imposer de lourdes taxes douanières sur les véhicules électriques produits en Chine. L’édition 2024 du principal salon européen de l’automobile se déroule à un moment

un face-à-face entre constructeurs automobiles chinois et européens au salon de paris

Le modèle électrique Dolphin Mini de la marque chinoise BYD. /Photo prise le 28 février 2024/REUTERS/Toya Sarno Jordan

par Nick Carey

PARIS (Reuters) – Le Mondial de l’Automobile, qui s’est ouvert lundi à Paris, est le théâtre d’un face-à-face entre constructeurs chinois et européens dans un climat de vive tension, l’Union européenne se préparant à imposer de lourdes taxes douanières sur les véhicules électriques produits en Chine.

L’édition 2024 du principal salon européen de l’automobile se déroule à un moment charnière: les constructeurs européens, en difficulté, doivent prouver qu’ils peuvent rivaliser avec leurs concurrents chinois, lesquels ambitionnent d’ancrer leur présence dans un marché compétitif.

Début octobre, la Commission européenne a décidé de maintenir son projet de taxes douanières pouvant aller jusqu’à 45% sur les importations de véhicules électriques fabriqués en Chine, une mesure destinée selon Bruxelles à faire face à des aides publiques jugées inéquitables que Pékin fournit aux constructeurs chinois. Le gouvernement chinois nie toute concurrence déloyale et a prévenu de mesures de rétorsion.

Ces taxes douanières vont participer à l’augmentation des prix des véhicules électriques et décourager les consommateurs, a prévenu Stella Li, vice-présidente exécutive du constructeur chinois BYD.

“Qui paie la facture ? Les consommateurs. Cela inquiète les gens. Cela va empêcher les gens les moins fortunés d’acheter”, a déclaré la dirigeante à Reuters.

S’il reconnaît que les droits de douane sont un “bon moyen de communication”, Carlos Tavares, patron de Stellantis, a averti des conséquences pour les entreprises européennes.

Ces taxes “augmentent les surcapacités du système manufacturier européen. Le moyen d’éviter ces droits de douane, c’est de construire en Europe”, a-t-il déclaré devant la presse italienne, en marge du Mondial de l’Automobile.

Neuf marques chinoises, dont BYD et Leapmotor, ont prévu de dévoiler de nouveaux modèles à Paris, selon le directeur général de l’événement, Serge Gachot. Signe de la détermination des constructeurs européens à défendre leur territoire, seul un cinquième environ des marques présentes cette année à Paris sont chinoises.

“C’est la Chine contre l’Europe, et c’est le ring sur lequel [les marques] ont choisi de se battre”, observe Phil Dunne, directeur général de la firme de conseil en stratégie Stax. “Les Européens disent que c’est leur territoire, les Chinois veulent revendiquer leur position”.

En visite au Mondial de l’Automobile, Emmanuel Macron a appelé l’Europe à adopter une “stratégie unie” et à “continuer à investir” et à “préserver les bonnes règles du jeu sur le marché européen”.

“La Chine a des surcapacités qu’elle veut déverser sur notre marché, c’est pour ça que nous avons soutenu la Commission européenne avec ce projet justement de taxe en fonction de ce qui est reçu en subside”, a-t-il justifié, reconnaissant par ailleurs que le secteur traversait un “moment difficile”.

AMBITIONS

S’ils critiquent la décision de l’UE, les constructeurs chinois continuent d’avancer sur leurs projets d’expansion en Europe.

“La puissance de l’ambition des (constructeurs) électriques chinois sera pleinement exposée cette semaine à Paris”, a prédit Andy Palmer, fondateur de la firme de conseil Palmer Automotive.

Leapmotor a ainsi annoncé lundi viser la création de 500 points de vente en Europe d’ici la fin de 2025.

Cette édition 2024 du Mondial de l’Auto marque aussi les ambitions européennes de GAC, a déclaré dimanche le directeur général de GAC International, Wei Heigang.

“Nous sommes le petit nouveau, nous devons mieux comprendre encore le marché européen”, a-t-il dit dans un entretien, ajoutant vouloir solidifier la marque GAC avant que son premier modèle électrique destiné à la vente hors de Chine, Aion V, soit exposé massivement l’an prochain. Produire des véhicules en Europe pourrait être un moyen pour les constructeurs chinois d’éviter les taxes de l’UE.

Wei Heigang a fait savoir que GAC “explore activement cette possibilité”, soulignant que le groupe était un fervent partisan de la production locale.

Jusqu’à présent, les constructeurs chinois de véhicules électriques facturent leurs modèles légèrement moins cher que leurs concurrents européens, s’octroyant ainsi un avantage sur le marché. Cela pourrait aussi leur permettre de compenser les marges plus faibles réalisées en Chine.

Comme l’ont fait par le passé les constructeurs japonais et sud-coréens, les groupes chinois mettent en avant des modèles dit standards disposant de meilleurs équipements et de davantage d’options.

DÉFICIT DE NOTORIÉTÉ

Reste que les constructeurs chinois de véhicules électriques peinent pour l’heure à accéder à la notoriété en Europe, ainsi que le montre l’exemple de BYD, pourtant déjà présent dans la plupart des pays du continent et sponsor durant l’été écoulé de l’Euro de football.

BYD veut se faire remarquer lors du salon parisien, durant lequel il va dévoiler son SUV électrique Sea Lion 07.

Dongfeng, Seres et FAW, arrivés plus tardivement sur ce marché, vont aussi présenter de nouveaux modèles avec l’espoir que leurs ventes à l’étranger compensent leurs difficultés en Chine, où une guerre des prix fait rage.

Les ventes de véhicules particuliers en Chine ont progressé en septembre de 4,3% sur un an, mettant fin à cinq mois consécutifs de déclin grâce à de nouvelles aides gouvernementales. En Europe, les ventes ont reculé en août à un creux de trois ans.

Venant assombrir davantage le tableau, Bercy a annoncé jeudi que la France allait réduire l’an prochain l’enveloppe de soutien à l’achat de véhicules électriques, s’inscrivant dans les pas de l’Allemagne qui a mis fin l’an dernier à ses aides.

“SIGNAUX D’ALARME”

Pour les constructeurs chinois, s’implanter avec réussite en Europe est devenu d’autant plus nécessaire qu’ils ont été exclus du marché américain.

L’administration de Joe Biden a imposé des droits de douane de 100% sur les véhicules électriques produits en Chine et a proposé en septembre d’interdire les logiciels et équipements chinois pour les véhicules connectés.

De leur côté, les constructeurs européens font grise mine. Volkswagen, Mercedes-Benz et BMW ont averti sur les résultats, en grande partie à cause de leur faiblesse sur le marché chinois. Stellantis a revu à la baisse ses prévisions, citant des problèmes d’inventaire dans ses activités américaines.

Les constructeurs européens peinent à rivaliser avec les groupes chinois, qui produisent à plus faible coût et développent de nouveaux modèles électriques en à peine deux ans – soit au moins deux fois plus vite que les groupes occidentaux traditionnels.

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(Nick Carey, avec Gilles Guillaume, Victoria Waldersee et Dominique Patton; version française Jean Terzian et Zhifan Liu, édité par Blandine Hénault et Sophie Louet)

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