C’est ce matin qu'on été dévoilés officiellement les nouveaux accords liant Renault et Nissan pour quinze ans. On en connaît désormais les détails et notamment la participation abaissée de Renault dans le capital de son partenaire japonais. Une nouvelle alliance ou une mésalliance ? Si le partenariat capitalistique est revu à la baisse, les échanges industriels continuent.
Jean-Dominique Senard, président de Renault, à droite, et Makoto Uchida, patron de Nissan
Le 17 janvier 2018 semble si loin. Ce jour-là, Carlos Ghosn annonce, un brin fiérot, que l’Alliance Renault-Nissan est le premier constructeur mondial, Avec 10,5 millions de voitures vendues en 2017, il a fait mieux que Toyota et Volkswagen. Cinq ans et quinze jours plus tard, l’ambiance était moins festive ce matin dans l’hôtel londonien ou la nouvelle Alliance entre les deux constructeurs (en y ajoutant Mitsubishi) a été dévoilée. Certes, Jean-Dominique Senard, président de Renault et Makoto Uchida, patron de Nissan affichent tous deux le même sourire de vainqueurs. Car en politique comme en économie, il n’y a jamais de défaite, du moins en apparence. Mais dans la réalité, les Japonais ont gagné. Même si le losange évite le pire : un divorce pur et simple. Comme l’explique au Monde un administrateur qui souhaite garder l’anonymat, si les fiançailles ne mènent pas au mariage, « il reste peut-être un Pacs ».
Une Alliance minuscule, plutôt que majuscule
Pourtant, Jean-Dominique Senard et Luca De Meo sont parvenu à sauver les meubles, et à éviter le pire au cours de tractations qui se sont étalées sur 10 mois. Mais si le constructeur français n’était pas en position de force dans cette négociation, Nissan de son côté n’était pas beaucoup plus en forme. Le Japonais, qui doit publier ses chiffres dans un mois, s’attend à une baisse de ses ventes de 7,5 % pour l’exercice de 2022, et à un effritement de son résultat en conséquence. Quant à Renault, il a enregistré, une chute de ses ventes de 15 % au cours de l’année passée.
Sauver l’Alliance, ou ce qu’il en reste
C’est donc à une tractation entre deux entités blessées à laquelle se sont livrés Renault et Nissan, tentant chacun de se tirer d’un embrouillamini dans lequel l’ère Ghosn les avait entraînés, avec notamment des brevets industriels que chaque entreprise utilisait à sa guise, sans même que l’on sache à qui ils appartiennent. Mais dans un divorce, chacun reprend ses billes en fonction du contrat de mariage, et chacun tente d’obtenir la garde des enfants. En l’occurrence, chacun a retrouvé la propriété de ses propres brevets.
Emmanuel Macron a donné quelques garanties au premier ministre Japonais : non, il n’y aura plus de tentative de putsch français sur Nissan.
On le voit, et malgré le fait que les deux protagonistes prétendent le contraire, l’Alliance sort affaiblie de ce nouvel épisode. Elle reste certes un peu plus importante que celle d’autres marques qui travaillent ensemble, à l’instar de Suzuki et Toyota, mais elle est désormais moindre que celle qui rassemble le même Toyota et Subaru. Même si, dans ce dernier cas, le premier constructeur mondial reste le patron. L’on peut même estimer que la future alliance dans la nouvelle entité thermique Horse, qui verra Renault s’acoquiner au Chinois Geely et le pétrolier Aramco, soit plus importante, tant industriellement que capitalistiquement.
En tout cas, il n’est plus question de parler de maison commune dans ce divorce qui ne dit pas son nom. En aurait-il pu être autrement ? En refaisant l’histoire, pourquoi pas. Mais chez Renault, à force d’accumuler les difficultés, on finit par être philosophe. Et comme l’évoque un cadre de la maison dans les colonnes des Échos, « pour nous, le risque est nul. La situation ne peut pas être pire qu’aujourd’hui ».