La concurrence est l'un des piliers de la marque de luxe 100% électrique. Nous nous sommes entretenus avec sa direction à ce sujet.
En 2016, Jaguar a annoncé rejoindre la grille de la Formule E pour participer en tant que constructeur à la troisième saison d’un championnat qui gagnait progressivement en importance dans le monde.
À l’époque, on ne savait pas grand-chose, ou très peu, des projets de Jaguar de devenir une marque 100 % électrique et, pour beaucoup, son engagement dans une compétition qui ne semblait pas avoir grand-chose avec l’histoire et la philosophie de la marque était assez surprenant.
En mai 2018, nous avons assisté au dévoilement de la Jaguar I-PACE à l’ambassade du Royaume-Uni à Berlin, à l’occasion de l’accueil par la capitale allemande du e-Prix de Berlin. Ce premier modèle 100 % électrique de Jaguar en tant que marque, et de Jaguar Land Rover en tant que constructeur, a commencé à brosser le tableau de l’avenir des félins en tant que marque de luxe 100 % électrique. À ce titre, leur implication dans la Formule E, a commencé à prendre beaucoup plus de sens.
Au cours des huit saisons, Jaguar TCS Racing a obtenu 25 podiums et 14 victoires. La saison 2022-23 a été la plus fructueuse pour Jaguar, avec une deuxième place au championnat des constructeurs et un championnat des pilotes pour Nick Cassidy avec l’équipe Envision, dont les voitures sont propulsées par le groupe motopropulseur I-Type 6 construit par Jaguar.
Jaguar TCS Racing fait coup double en Formule E
Cassidy est pilote officiel de Jaguar TCS Racing depuis cette saison, aux côtés de Mitch Evans, qui fait partie de l’équipe depuis sa création. Les deux pilotes forment un partenariat solide, coïncidence 100% néo-zélandaise, qui a réalisé un formidable doublé il y a tout juste une semaine dans les rues de Monaco, Evans devançant son coéquipier, ce qui leur a permis de rester en tête du championnat des constructeurs.
Nick Cassidy, Jaguar TCS Racing
Transfert du circuit à la rue
James Barclay est à la tête des opérations de l’équipe en Formule E depuis sa création. Avec la plus grande exigence, mais aussi avec patience, il a géré la montée en puissance de Jaguar dans le championnat et est l’un des architectes de l’engagement de la marque jusqu’en 2030 au moins.
De toute évidence, l’un des avantages de la participation de Jaguar à la F-E, et qui sous-tend son engagement à long terme dans le championnat, est le transfert de technologie de la course aux voitures de route, et en particulier dans une technologie aussi nouvelle que la mobilité électrique.
“Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons introduit certaines innovations qui ont été développées à la F-E”, explique M. Barclay sur le circuit de Monaco, peu après avoir annoncé l’engagement de sa marque dans le championnat, “par exemple, certains matériaux que nous utilisons dans les moteurs, comme le carbure de silicium, qui est beaucoup plus conducteur et permet à l’onduleur de travailler beaucoup plus efficacement et de transférer l’énergie aux roues sans pertes, améliorant ainsi la régénération de l’énergie. Cette technologie nous a également permis d’augmenter la capacité de régénération de nos véhicules routiers, qui l’utilisent déjà.”
“Il en va de même pour les logiciels », poursuit-il. « À chaque course, nous avons des mises à jour qui nous permettent d’être plus rapides et plus efficaces, ce qui est très important pour nous et constitue un autre type de technologie qui est ensuite utilisée dans les voitures de route et qui est très importante pour l’avenir de l’industrie automobile. Ou encore les thermomatériaux qui aident à réguler la température de la batterie grâce à des matériaux de pointe. Il existe de nombreux domaines dans lesquels nous travaillons avec nos partenaires pour trouver ces innovations et nous aider à rendre nos futures voitures encore meilleures.”
Un autre aspect important, dans une société qui semble très axée sur la réduction, voire l’élimination des émissions, est le recyclage des consommables et des matériaux utilisés dans les voitures, des initiatives qui sont également très présentes chez Jaguar TCS Racing et Jaguar Land Rover.
« L’année dernière, lors de la course de Monaco, nous avons été le premier constructeur à utiliser de l’huile recyclée dans nos voitures de course », déclare fièrement M. Barclay. « Il s’agissait d’une huile que nous avions déjà utilisée, qui a ensuite été raffinée et réutilisée. Nous recherchons des solutions qui ne compromettent pas les performances, en essayant d’utiliser une économie circulaire. C’est important, car Jaguar Land Rover s’est engagé à devenir une entreprise neutre en carbone à partir de 2039 et, pour ce faire, nous devons créer cette recirculation.”
L’engagement de Jaguar dans la Formule E commence donc à prendre tout son sens au regard des avancées que la première compétition mondiale de véhicules électriques peut transférer à ses voitures de route.
Nick Cassidy célèbre sa victoire au ePrix de Diriyah II.
Mais à Monaco, nous avons également pu discuter avec Rawdon Glover, directeur général de Jaguar, à l’intérieur de Liquid Sky, un impressionnant yacht amarré dans le port d’Hercule et surplombant le circuit, où nous avons pu suivre le doublé de l’équipe britannique dans la course monégasque.
“La Formule E est très importante pour nous”, déclare M. Glover lors d’une conversation détendue sur l’un des ponts du bateau, soulignant les avantages d’un tel transfert technologique :
“Nous sommes une marque de véhicules électriques et la capacité du championnat à transférer les innovations du circuit à la route est beaucoup plus quantifiable que dans n’importe quel autre championnat, ce qui signifie que nous pouvons faire beaucoup de progrès dans l’augmentation de l’autonomie, par exemple. La course est une chose formidable, nous l’aimons et elle fait partie de notre héritage, mais pour moi, il s’agit avant tout de transfert de technologie.”
Mitch Evans, Jaguar TCS Racing
C’est dans cette optique que Jaguar a annoncé dans son dernier plan stratégique qu’elle deviendrait une marque électrique et uniquement électrique, une décision qui en a surpris plus d’un, après plus d’un siècle de création de certaines des voitures de sport les plus emblématiques du monde, évidemment à moteur à combustion.
L’Europe étant l’un de ses principaux marchés et l’industrie automobile étant actuellement confrontée à des problèmes de développement de la mobilité électrique, Jaguar ne pense pas que la situation actuelle soit un véritable problème pour ses projets.
“Il est vrai que la mobilité électrique a quelques obstacles à surmonter aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les grandes infrastructures de transport”, admet M. Glover. “L’infrastructure ne va pas assez vite, mais elle progresse et nos nouvelles voitures électriques arriveront en Europe en 2025-2026, avec d’autres modèles peu après. Nous planifions sept ou huit ans à l’avance, et je pense que d’ici là, les discussions sur les chargeurs, l’infrastructure, l’autonomie, etc. auront été oubliées. Notre plan est à très long terme et si vous parlez de technologie, il y a un certain nombre d’obstacles, pour le moment, que nous devons surmonter.”
Un plan ambitieux qui changera complètement le visage de Jaguar, dont le seul véhicule 100 % électrique à l’heure actuelle est la I-PACE, introduite en 2018, il y aurait donc une période d’au moins huit ans avant de voir la prochaine voiture électrique de la firme britannique.
“Nous avons pris la décision de procéder à ce changement il y a trois ans. Il s’agissait d’un changement important et d’un investissement de plusieurs millions de dollars”, déclare le dirigeant de Jaguar.
“Il est vrai que la I-PACE a quelques années, mais nous l’avons mise à jour. Nous pensons qu’elle reste une voiture très compétitive dans le secteur des SUV électriques haut de gamme, avec une bonne autonomie et une bonne conduite. Nous travaillons désormais sur une plateforme et un type de véhicule très différents, et c’est pourquoi nous n’avons pas constaté d’évolution significative dans nos voitures actuelles.”
Il s’agit certainement d’un projet très ambitieux de la part de Jaguar, tant dans le domaine de la course que dans celui de l’industrie. Alors que nous attendons avec impatience les prochaines voitures qui sortiront de leurs usines, nous suivrons l’évolution de l’équipe de course, qui a de bonnes chances d’apporter un nouveau titre dans les vitrines du siège de Coventry, après le dernier remporté par la XRJ-14 dans le championnat du monde Sport Prototype en 1991.
Galerie: Essai Jaguar I-PACE AWD Auto 2022
Photo: Juan Antonio García
