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Match Ferrari Roma vs Porsche 911 (992) Turbo S : terrain volcanique

match ferrari roma vs porsche 911 (992) turbo s : terrain volcanique

Personne n’attendait Ferrari sur ce créneau. Il a posé les jalons d’une architecture à V8 avant avec le coupé/cabriolet California, devenu Portofino. Puis il s’est lancé en 2020 sur le segment des GT, en misant sur une élégance très sixties renvoyant à la sublime 250 GT Berlinetta Lusso. En la découvrant, la Roma dégage une classe naturelle et une pureté qui avaient déserté les rangs Ferrari. Le museau aplani et son originale calandre percée interpellent, comme la sensualité des ailes et la forme des feux arrière. Le profil très élancé et le long capot ne laissent planer aucun doute sur l’emplacement de la mécanique. En 2020, Nicolas a fondu sous son charme lors des premiers essais. Outre une architecture qu’il chérit, il garde un souvenir ému de son corps à corps endiablé dans les vignobles d’Emilie-Romagne. Au point de brûler d’envie de lui opposer la référence du segment, qui incarne une arme atomique de 650 ch : la 911 Turbo S. Elle a d’ailleurs marqué les esprits lors de notre élection 2020, par son efficacité tous temps et ses chronos d’enfer. C’est le genre de match que l’on adore, puisque l’on n’a aucune idée de son issue. Le terrain de jeu est à la hauteur du calibre de ces sportives : l’Auvergne, ses volcans, ses routes si délicieuses qu’elles obligent le photographe à se freiner et les conducteurs à se raisonner.

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Nostalgie et digitalisation

Le lieu de rendez-vous donne le ton de la rencontre : le superbe belvédère de Pierre Carrée (Orcines), surplombant Clermont-Ferrand et situé au bord d’un lacet. Miam. Les partis pris stylistiques sautent aux yeux. Deux écoles s’affrontent. D’un côté, une icône qui abuse de la muscu’ et montre les crocs. De l’autre, una bella donna, charnelle et dénuée d’appendices qui mise sur la douceur. À l’applaudimètre, la nouveauté remporte logiquement les suffrages, bien aidée par son échappement grandiloquent à bas régimes (en Sport et Race). En faisant le tour du propriétaire, une question taraude : ces 2+2 sont-elles vraiment capables d’accueillir du monde à l’arrière. Des enfants, oui. Des adultes, ça se complique, surtout à bord de l’italienne “2+”. Ces places font donc office de dépannage et ont le mérite d’exister, de s’ajouter au coffre cubant 345 l sur la Roma.
Très vite, les yeux convergent vers le révolutionnaire habitacle Ferrari. Les écrans pullulent : incurvé pour le compteur, central pour le multimédia et annexe pour amuser le passager (en option). La belle clé/carte avec le cheval cabré en impose. Sur l’imposant tunnel, qui sépare le cockpit, le clin d’œil à la grille métallique fait sourire, en guise de commande de boîte. L’ensemble n’est toutefois pas à la hauteur de la pureté et de la simplicité extérieures. L’incontournable Manettino est toujours de la partie, sur le volant débordant de fonctions. Surprise, il intègre un mode Race. De bon augure de la part d’une GT qui se la coule douce. Il se commande via le curseur traditionnel associé à un afficheur au tableau de bord précisant le mode choisi. Pour le reste, une grande partie des boutons s’actionne de manière haptique (à effleurement). Les geeks vont adorer. Les autres auront du mal à s’y faire et ne manqueront pas de déclencher inopinément l’aide vocale ou le type d’affichage. Une question d’habitude, espérons-le. La révolution numérique s’avère plus intuitive chez Porsche et le mélange néorétro plus digeste. Il n’y a guère que le petit rasoir en guise de commande de boîte qui dénote. Face aux superbes baquets Ferrari, raides et peu enveloppants, les sièges adaptatifs Porsche préfèrent se concentrer sur le maintien, ajustable. Heureusement, vu les g encaissés ! Très vite, ils déferlent sur les serpentins menant au lac de Guéry.

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Le bon, la brute

Le temps de saluer le Puy-de-Dôme, nous filons gentiment en direction du Mont-Dore. Même en évitant d’être criminels, ces GT partagent cette faculté à minimiser l’effet de vitesse, en évoluant furtivement sans forcer. Un œil sur le compteur suffit à redescendre sur Terre. La Roma marque d’emblée par son confort, qui surpasse de loin celui de la 992, raidie et qui en rajoute ici avec le châssis Sport… À éviter pour un usage Grand Tourisme. Précisons toutefois que dans le camp adverse, l’amortissement piloté testé ici est optionnel (3 960 €). Le filtrage reste ouaté, même en Race. Au point de ne ressentir aucun besoin d’utiliser la touche “Schumi”, située sur le Manettino et assouplissant la suspension dans les modes sportifs pour attaquer sur le bosselé. L’insonorisation est bien digne de la catégorie et permet d’avaler les kilomètres sans fatigue. On s’attendait toutefois à ce que les bruits de roulement générés par les pneus hiver couvrent les turbulences aéros.
Cette douceur de vivre se retrouve en tenue de caisse, où les mouvements persistent en Race. Ils permettent d’obtenir une progressivité de bon aloi, mais cette amplitude combinée aux pneus lamellisés nuit à la précision. Le jour et la nuit par rapport à une 911 Turbo S remontée à bloc : barres antiroulis actives, roues arrière directrices, aéro active poussée et châssis Sport (optionnel). Face à la dolce vita, le batracien aux hanches extra-larges fait l’effet d’une brute, s’éloignant du Grand Tourisme pour investir le royaume des supersportives : réactivité, grip latéral, performances… Toutes deux ont évidemment beaucoup d’appétit et le gros réservoir de 90 l (option gratuite) paraît indispensable sur la 911 pour espacer les ravitaillements. En parlant de cela, une auberge nous fait saliver par sa carte et son emplacement au bord du petit lac de Guéry. Fausse joie, les portes restent closes, y compris pour de la vente à emporter. Foutue crise sanitaire. Déçue, l’équipe file à la station thermale du Mont Dore et se gargarise d’enchaînements divins. La Roma suit le rythme sans problème, en jouant des palettes. Il faut dire qu’elle interloque par son équilibre, son répondant mécanique et sa boîte 8 à double embrayage hérité de la SF90. La PDK 8, aussi rapide et intuitive soit elle, ne peut lutter contre un tel niveau d’engagement et de pugnacité. Cela dit, le mode automatique Porsche s’adapte davantage au style de conduite.

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L’art du dopage

Dans le genre, la 911 Turbo fait office de ­pionnière et de référence depuis 1975. Elle doit affronter désormais une ribambelle de GT dopées à mort et place la barre très haut en version S : 650 ch extraits du flat-6 3,8 litres à injection directe. Cette mécanique a su conserver son sale caractère au fil des générations. À savoir flanquer un gros coup de pied au derrière à 3 000 tr/mn. Avant, c’est le calme avant la tempête (turbo lag). Après, le séisme se propage jusqu’à 7 200 tr/mn et le limiteur saute au visage. Encore une fois, le mot “brute” vient naturellement à l’esprit. Les turbos à géométrie variable (montés en miroir) cognent sans ménagement et compriment jusqu’à 1,4 bar. Leur souffle s’avère discret, contrairement au passé. Mais bonjour l’uppercut ! On ne se lasse pas de ses coups de boutoir, effaçant les lignes droites et pixélisant le somptueux décor menant au circuit de Charade. Quel que soit l’itinéraire depuis le Mont-Dore, il rend dingue. Il est toutefois impératif de rester au-dessus de 3 000 tr/mn pour ne pas voir du rouge pointer dans le rétro.

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La Roma abrite le V8 3,9 litres issu de la Portofino, qui minimise le temps de réponse des turbos et déploie sa force progressivement dès 2 000 tr/mn. Enfin, pas toute sa force, puisque le Variable Boost Management ajuste le couple en fonction du rapport et que les 760 Nm déboulent seulement en 7e et 8e. Ce bloc étonne ensuite par sa hargne dans les tours, entre 5 000 et 7 500 tr/mn, et maintient sa puissance maxi jusqu’au rupteur. Rappelons qu’il a la particularité de compenser la greffe de filtres à particules par la suppression des deux silencieux ! Au-delà de cet original échappement, le V8 se distingue de la configuration Portofino (600 ch) par ses profils d’arbres à cames et ses régimes de rotation de turbos relevés de 5 000 tr/mn. Dans les deux cas, la sonorité n’est pas envoûtante. Quand l’Italienne parade à coups d’échappement actif à bas régimes (modes sportifs), l’Allemande mise sur les râles caractéristiques. Puis ces GT dopées s’éclaircissent la voix, sans émoustiller les tympans… Mais qu’est-ce qu’elles bombardent !
En grimpant les cols environnants, la Roma parvient à rester dans le sillage de la 911. Les relances épatent. Souvenez-vous, nous avions mesuré pour la Turbo S  (en Drive) moins de 5’’0 de 140 à 200 km/h et moins de 4’’0 de 80 à 150 km/h. Surréaliste. Mais pas autant que les accélérations ! Même si Ferrari annonce 9’’3 de 0 à 200 km/h, la Roma est terrassée par la plus puissante des 992, aidée par sa transmission intégrale, son launch control catapultant à 5 000 tr/mn et son punch supérieur. Nous avions mesuré il y a un an le missile en 8’’4 de 0 à 200 km/h (contre 8’’9 annoncées !) et en 18’’9 au 1 000 m départ arrêté. Un temps digne de la crème des supersportives ! Imaginez, dans une autre vie, j’avais mesuré la 918 Spyder en 18’’0…

Cela remet les idées en place. C’est certain, les mises en vitesse et la force de cet ouragan traumatisent tous ceux qui ont eu la chance d’y goûter, comme l’ami Frédéric, ­fervent passionné et gérant de l’hôtel “Le Castelet” au Mont Dore. Lui et son fils ont eu du mal à se remettre du launch control. Quelle chance de vivre dans un tel paradis. Le moindre trajet se transforme en spéciale. Au beau milieu de cet éden auvergnat, le recueillement s’impose devant le monument Charade.

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Deux salles, deux ambiances

La vue sur le Puy de Dôme est imprenable. Le relief est juste délirant. Le tracé de ce mythique circuit de montagne remontant à 1958 et raccourci à partir de 1989 (3,97 km) procure toujours autant d’effet. L’occasion de profiter de nos GT, sans risquer la prison… Quoique, avec les associations de riverains environnantes, on ne sait jamais ! Toutes deux confirment leur swing diamétralement opposé. D’un côté, la douceur et la joie de vivre italiennes. De l’autre, la fureur et la rigueur germaniques. Ferrari prouve qu’il maîtrise parfaitement cette architecture à V8 central avant reculé au maximum. Ce n’est pas une surprise, quand on connaît les évolutions de la California et la Portofino. Au placement, le mordant du train avant et l’équilibre rappellent d’ailleurs cette dernière. Comme elle, la Roma ne verrouille pas sa caisse. Mais elle déçoit ici par son manque de grip latéral et de motricité, avec ses pneus hiver. De bons P Zero devraient arranger cela. L’avantage est qu’ainsi parée, elle adore survirer. Un peu en mode Track, à la folie en coupant les aides. C’est sûr, elle réclame plus d’efforts au volant que sa complice du jour. Le ressenti est d’ailleurs plus léger et filtré à bord de la Roma, qui fait face à la meilleure assistance de direction électrique du marché, trouvant le bon compromis entre densité et feeling.

la douceur et la joie de vivre italiennes affrontent la fureur et la rigueur germaniques

La 911 offre également un meilleur toucher de freins, plus percutant et facile à doser. Ceux de la Roma obligent à sévèrement taper dedans. Toutes deux abritent de gros disques en carbone/céramique, martyrisés par une armée de pistons : 10 par étrier à l’avant de la 911, un record ! La Turbo S sait aussi être drôle, à condition de garder beaucoup de vitesse en entrée et de la déstabiliser au freinage. L’embrayage multidisque piloté comprend alors que vous voulez jouer et laisse libre cours à la fantaisie. Pas mal pour une intégrale ! Vu les contraintes, les pneus se dégradent rapidement et le survirage s’accentue. Mais naturellement, la Turbo S n’est pas là pour plaisanter. Elle saute sur les cordes, s’y accroche hardiment, vire à plat et profite d’un grip phénoménal. Clair, net, précis et sans bavure. Aucun doute, la reine du chrono, c’est elle… Jusqu’au jour où la Roma décidera de s’énerver, via un pack HGTE. Une suspension tenant mieux l’arrière et les mouvements de caisse lui irait comme un gant, ainsi qu’une direction plus transparente et un échappement plus folklorique. La Turbo S, elle, devrait freiner ses ardeurs de supersportives et redescendre sur la planète GT en matière de confort.

match ferrari roma vs porsche 911 (992) turbo s : terrain volcanique

Avant de regagner la vraie vie, nous devions terminer cette virée auvergnate en beauté, en profitant du tracé de la course de côte réputée du Mont-Dore Chambon-sur-Lac s’achevant au sommet du col de la croix Saint Robert. Un délice. Épreuve du championnat de France de la Montagne, cette montée de 5 km et 43 virages a vu défiler de grands noms depuis 1961 : Schlesser, Larrousse, Trintignant, Rosinski… Si vous passez dans le coin le second week-end du mois d’août, un arrêt s’impose. Difficile de quitter une telle région, après deux jours de folie à découvrir des routes toujours plus belles, bien entretenues et alternant lacets et plateaux avec vues panoramiques. Les testeurs Michelin ont de la chance d’avoir un tel terrain de jeu… Pardon, de travail.

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