Actualité

Actualité à la Une

Voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »

Voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »

« Allô ! », nous dit Maria, notre voisine. Une tignasse blonde ébouriffée passe par la porte coulissante d’un Combi Volkswagen, l’Allemande nous invite à entrer. Un vent à décorner les b?ufs a soufflé toute la nuit, agitant notre sommeil comme la toile dont est constituée la chambre de toit du véhicule. Nous sommes sur le front de mer de Yarmouth, un des plus enivrants villages de l’île de Wight, au sud de l’Angleterre, avec sa longue jetée en bois fouettée par les vagues. Nous sommes en pleine bouffée de liberté : dans un van.

Longtemps, Wight a été un nid à vans Volkswagen vintage. Le symbole à quatre roues de la contreculture hippie, surtout lorsque l’île a abrité un festival de musique resté légendaire. « Wight is Wight » comme dit la chanson, le festival, lancé en 1968, s’est arrêté en 1970, mais les vans sont restés, jusqu’à garnir de miniatures tous les magasins de souvenirs de l’île.

Maria et Daniel, nos voisins du jour, ne sont pas venus ici par nostalgie pour le Woodstock anglais, mais pour échapper à la chaleur. La Norvège leur avait laissé un souvenir friquet, ils ont cru mourir de chaud l’an passé en Croatie. Cette fois, ils sont tranquilles, le mercure semble être bloqué sur 20 °C.

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »Quand il fait beau, on sort l’auvent, qui permet d’étendre la vie de la maison à l’exter © DR

Après une expérience concluante de huit semaines dans un camping-car tout équipé en Nouvelle-Zélande, à la naissance de leur premier fils, Maria et Daniel ont fait l’acquisition d’un van en 2018. Un WV Camper, nouveau modèle. Ils ont quitté Berlin, se sont installés à Iéna, entre Leipzig et Nuremberg, d’où Maria est originaire, quand la famille s’est à nouveau agrandie. La gageure, désormais, c’est de partir chaque été et en octobre ? les Allemands ont deux semaines de vacances scolaires à la Toussaint ?, à cinq dans les quelques mètres carrés habitables de ce van qu’ils ont eux-mêmes aménagé. « C’est une sacrée organisation à cinq ! Par exemple, nous avons ici ? elle nous montre, sous le siège passager ? les vêtements mouillés, comme les combinaisons de plongée et les serviettes de plage. » Chaque soir, le couple déroule le matelas sur la banquette arrière. Maria et les plus petits, 9 et 4 ans, dorment en bas, tandis que Daniel dort avec l’aîné, bientôt 14 ans. Pour cet ado, « le manque de place » commence à être difficile à vivre, mais il adore « découvrir un nouvel endroit tous les jours ». Maria, aussi, s’emballe pour la « spontanéité » de ce mode de déplacement. Grâce à l’application Park4night, elle a choisi de s’installer ici, face à la mer, pour la seconde nuit consécutive, parce que la vue est imprenable, bien sûr, mais aussi « parce qu’il y a des toilettes » !

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »Fin de journée avec vue sur mer © DR

Détail d’importance, en effet, quand on n’a pas 100 % l’esprit roots. D’autant que vouloir expérimenter la vanlife ne veut pas dire revenir à l’état sauvage. Le nôtre, de van, beau comme la Mystery Machine du dessin animé Scoubidou, a été loué « full options ». En sortant de l’aéroport de Londres-Heathrow, on nous confie la clé du bolide flambant neuf. Sont inclus les couettes, les oreillers, la vaisselle. On nous fait la démonstration en vingt minutes de ce qui va être notre « maison » durant quatre jours : la chambre sur le toit sur vérins électriques, l’auvent rétractable pour abriter la table et les chaises de jardin, la douche extérieure, la cuisine équipée d’un frigo et d’une gazinière, cuisine qui se transforme en chambre à coucher en faisant coulisser la banquette. On est impressionnés par l’optimisation de l’espace. Il y a des cachettes partout, tout a été pensé au millimètre. C’est à la fois ludique et ingénieux, on n’aurait pas fait mieux pour une station orbitale.

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »A la campagne, mais aussi autorisé en ville, le van, en respectant les mêmes règles d’usage que les autres véhicules standard, peut circuler partout © DR

« Le spectacle de la nature est partout. »

Après deux heures de route vers Portsmouth, on saute dans un ferry pour gagner l’île de Wight. On roule à gauche, comme tout le monde, et on ferme un peu les yeux de peur de se faire arracher les rétroviseurs quand on croise un bus, tant les rues de ces villages aux maisons à toit de chaume sont étroites. Mais à part une panne de Butagaz pour faire chauffer l’eau du thé – résolue grâce à l’aide de Mark, l’homme à tout faire du camping de Newport ?, l’expérience de la vanlife se révèle sans heurts et même joyeuse. Dans un van, comme au chaud dans sa coquille, le spectacle de la nature est partout. Que ce soit par la vue du grand large, ou par la découverte des hordes de lapins qui quittent leur terrier à la faveur de l’aube.

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »La liberté vue du toit du van, à Shanklin, sur l’île de Wight, pour un réapprovisionnement en gaz © Julie Malaure

« Partir sur un claquement de doigts. »

Le loueur, Roadsurfeur, lancé en 2016 avec vingt vans par une bande de copains allemands, confrontés à la pénurie de ce type d’offre, atteint cette année les 5 500 véhicules répartis dans douze pays, 56 agences dont, depuis un an, les États-Unis. Le regain d’intérêt pour la vanlife ? Que cherche-t-on à se déplacer avec sa maison sur le dos ? Retrouver de la « spontanéité », comme Maria ? « À réfléchir sur ce que chacun et chacune cherchent en voyageant », explique le sociologue Jean Viard.

Aux premières loges du succès de la vanlife, Lise Sauzet, la porte-parole de Roadsurfeur, nous raconte à quel point le Covid-19 a bousculé le marché. « Au départ, il y a eu un besoin immense de reconnexion à la nature, aux grands espaces. On voit très clairement que la restriction des libertés a favorisé le goût pour l’essentiel, et être plus proche de la nature en fait partie », nous dit-elle. Elle avoue que le drame du Covid-19 a contribué à leur croissance immédiate, avec un souhait très net pour des voyages plus spontanés : « On veut partir sur un claquement de doigts, adapter ses vacances à la météo, à ses envies. » Tout a changé, selon elle, notamment par rapport à l’aérien, qui contraint à l’anticipation ? à moins d’être riche comme Crésus pour les adeptes du dernier moment. Mais, ce qui est plus intéressant encore, c’est de constater que, les effets post-covid retombés, le goût est toujours là, plus d’un an après le retour à la normale, et l’intérêt pour la vanlife ne cesse de croître. Il faut dire que l’émergence de loueurs spécialisés, tels Indie Campers, leader pour les camping-cars, ou Roadsurfeur pour les vans, plus petits mais tout terrain puisque de la taille d’un véhicule standard, s’avère être un grand facilitateur.

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »Géraldine et sa famille expérimentent la “vanlife” au Portugal © DR

« Seuls au monde, ça n’a pas de prix. »

La famille prévoit assez tôt les grandes lignes d’un itinéraire. Qu’elle tiendra peu. Se frotter au monde, c’est apprendre la désillusion. La région de l’Algarve qu’ils ont fantasmée s’avère bondée de monde. Au bout d’une nuit, la famille sonne le repli vers des terres plus sauvages, l’intérieur, « loin de la foule ». « Nous avons trouvé des espaces fous, sur la falaise, face à la mer. On avait l’impression d’être seuls au monde. Ça n’a pas de prix », raconte Géraldine.

voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife »Le van permet de s’arrêter où on veut © DR

En guise de confort, « un restau par jour », et le choix de spots trouvés grâce à l’application Roadsurfer Spots Campsites. Et c’est là la nouveauté. On choisit la nature sauvage ou, dans le périmètre, un lieu clos, équipé de commodités, ou non, mais à la carte. « Cela va d’un bout de champs sans rien, aux commodités complètes, toilettes, douche, avec piscine, si on le souhaite », nous explique Lize Sauzet de Roadsurfer. En un clic, en effet, à peu près n’importe où sur la carte, on peut choisir de s’arrêter sur une propriété privée. En périphérie de Lyon, par exemple, à partir de 18 euros la nuit, il est possible de stationner sur le terrain d’une certaine Ingrid, qui parle anglais, espagnol et italien, cultive les légumes bio avec l’aide de ses cinq ânes. Sur place, vous attendent également la chienne Nala, Rosie la truie, Gertrude l’oie et des poules.

À LIRE AUSSIEt si « l’hospitalité régénérative » était l’avenir du tourisme ?

C’est dans ce contexte que Géraldine et sa famille ont finalement trouvé le suc de leur périple lusitanien. « Nous avons choisi des spots à la ferme, des repas avec les habitants et nous avons fait des rencontres extraordinaires avec d’autres familles en van, comme nous. »

Être loin et seul, pour enfin rencontrer l’autre ? Cela peu paraître paradoxal, mais pour le sociologue des vacances, Jean Viard, dans cette « démarche humaine » du voyage et de la découverte, qui a guidé les explorateurs, les voyageurs, les navigateurs, les écrivains voyageurs, « il y a l’essence même de l’être humain, animal social qui a besoin de se décentrer pour se connaître, de rencontrer les autres et l’ailleurs pour s’affiner et devenir meilleur homme ».

L’expérimentation de la vanlife a permis à la famille de Géraldine de se (re)trouver, et d’aller vers les autres. La prochaine fois, c’est décidé : ils partent à la conquête du Nouveau Monde, direction le grand Ouest américain.

TOP STORIES

Top List in the World