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Emissions de CO2 des voitures : le gouvernement américain adopte des normes historiques, mais moins ambitieuses que prévu

emissions de co2 des voitures : le gouvernement américain adopte des normes historiques, mais moins ambitieuses que prévu

Joe Biden, à l’aéroport de Dallas, mercredi 20 mars.

Après les annonces mercredi 20 mars du gouvernement américain sur les nouvelles normes sur les émissions polluantes des automobiles, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Le point positif : ce sont les plus strictes jamais adoptées, et l’objectif est toujours d’accélérer le passage aux voitures électriques. Mais au regard du projet de réglementation proposé l’an dernier, qui a par la suite fait l’objet d’une consultation publique, ces normes finales donnent davantage de temps et de flexibilité aux constructeurs pour atteindre les nouveaux objectifs d’émissions de CO2. En 2023, les Etats-Unis ont vu leurs émissions de gaz à effet de serre baisser de 1,9 %, un chiffre bien loin des objectifs

Les nouvelles normes concernent les véhicules légers et moyens construits à partir de 2027 et jusqu’en 2032. L’administration ne fixe pas un quota précis de véhicules propres à vendre, mais restreint progressivement les émissions annuelles moyennes autorisées pour les nouveaux véhicules de chaque constructeur, les incitant ainsi à électrifier leur flotte. Le seuil limite a été assoupli pour les premières années (2027-2030), mais aboutit en 2032 au même niveau que précédemment envisagé. A cette date, les normes d’émissions de CO2 représenteront une réduction d’environ 50 % par rapport aux normes pour les voitures de 2026, fait valoir l’Agence de protection de l’environnement (EPA). La nouvelle réglementation agit également sur les émissions de particules fines, dangereuses pour la santé. Les nouvelles normes doivent permettre d’éviter l’émission de 7,2 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2055, selon l’EPA. Pour la seule année 2022, l’Agence internationale de l’énergie estime à 4,7 milliards de tonnes de CO2 émis par les Etats-Unis.

Concrètement, il reviendra aux constructeurs de choisir quelles technologies ils adoptent pour réduire leurs émissions. Ils pourront améliorer l’efficacité des moteurs des voitures à essence, mais surtout déterminer leur part de véhicules sans émissions (électriques) ou à faibles émissions (hybrides rechargeables). Les voitures à essence «domineront les ventes pendant une grande partie de cette décennie, gaspillant et polluant jusqu’au milieu du siècle», a déclaré Dan Becker, directeur du programme Safe Climate au Center for Biological Diversity.

Joe Biden a fixé à 50 % la part d’électrique vendue dans les voitures neuves en 2030

D’après les calculs de l’EPA, d’ici les années 2030, les véhicules électriques pourraient représenter jusqu’à 56 % des véhicules légers vendus. Signe du recul opéré par l’administration Biden, c’est moins que les 67 % envisagés l’année dernière, l’EPA ajoutant désormais les hybrides rechargeables aux possibilités offertes pour atteindre les objectifs d’émissions, qui pourraient donc atteindre 13 % des ventes, projette l’agence. Or la pente reste rude pour les voitures électriques : en 2023, elles ne représentaient qu’environ 7,6 % des véhicules écoulés aux Etats-Unis, selon le cabinet Cox Automotive. «Depuis 2021, les ventes de véhicules électriques ont quadruplé, et les prix continuent à baisser», a fait valoir Ali Zaidi, conseiller sur le climat de Joe Biden, qui a fixé à 50 % la part d’électrique vendue dans les voitures neuves en 2030.

Mais les réactions à cette annonce illustrent les positions ambivalentes. «Je suis ravi d’annoncer les normes de pollution les plus strictes pour les véhicules jamais prises dans l’histoire des Etats-Unis», a déclaré Michael Regan, à la tête de l’EPA, avant d’ajouter, devant un immense drapeau des Etats-Unis, pays dans lequel les transports restent la première source d’émissions de gaz à effet de serre du pays : «J’ai toujours aimé les voitures, et je les aimerai toujours.» «L’EPA a cédé à la pression des grandes sociétés automobiles, des grandes sociétés pétrolières et des concessionnaires automobiles, et a criblé le plan de failles suffisamment importantes pour y faire passer une Ford F150», a fustigé de son côté Dan Becker.

L’industrie automobile a en tout cas bien accueilli l’annonce. John Bozzella, de l’Alliance for Automotive Innovation, a salué l’allongement des délais décidé par l’EPA, faisant valoir les défis rencontrés sur la route de l’électrification, comme la nécessité de développer de nouvelles chaînes de production. Les normes pour 2032 sont «effrayantes», a-t-il dit, mais «le futur est électrique, et les constructeurs sont déterminés». Les adversaires républicains de Joe Biden, eux, l’ont accusé de mener une croisade contre les voitures à essence, forçant «les Américains ordinaires à conformer leur mode de vie» aux élites, selon leur chef au Sénat, Mitch McConnell. L’American Petroleum Institute (API), représentant le secteur pétrolier, a même menacé d’attaquer en justice la nouvelle réglementation. Celle-ci fonctionne comme «une interdiction» conduisant à «éliminer la plupart des nouvelles voitures à essence et hybrides traditionnelles du marché américain en moins d’une décennie», a-t-elle déclaré.

«Des réglementations ambitieuses et réalisables peuvent soutenir les deux»

Il faut dire qu’en pleine année électorale, le président Joe Biden a besoin du soutien de l’industrie automobile et de ses employés. Le syndicat majeur de l’industrie automobile, UAW, s’est réjoui de l’annonce de mercredi. «L’EPA a fait des progrès significatifs sur son document final portant sur les émissions de gaz à effet de serre pour les véhicules légers, a estimé le syndicat dans un communiqué. […] Cette règle n’oblige pas Ford, General Motors, Stellantis ou tout autre constructeur automobile national à faire quoi que ce soit au-delà des engagements qu’ils ont pris envers les actionnaires pour financer le marché en pleine croissance des véhicules électriques. Nous rejetons les propos alarmistes selon lesquels la lutte contre la crise climatique doit se faire au détriment des emplois syndiqués. Des réglementations ambitieuses et réalisables peuvent soutenir les deux.» Mais de prévenir : «Nous appelons l’administration Biden à demander des comptes aux constructeurs automobiles afin que cette règle ne soit pas utilisée comme excuse pour supprimer ou délocaliser des emplois.»

Même si l’Union européenne a renoncé à durcir les normes de gaz d’échappement en décembre, les annonces américaines restent bien moins ambitieuses que celles soutenues par l’UE. Bruxelles a décidé d’interdire sur le Vieux Continent les ventes de voitures thermiques et hybrides neuves à partir de 2035, même si la Commission européenne s’est engagée en mars 2023 à ouvrir la voie aux carburants de synthèse dans une proposition qui doit intervenir d’ici cet automne. Plus coûteuse et polluante, cette technologie ne pourrait en revanche concerner que des voitures de luxe. Les thermiques et hybrides conventionnels neufs, eux, pourraient donc rester définitivement dans les concessions d’ici onze ans. Dans un rapport publié en début d’année, la Cour des comptes européenne estimait d’ailleurs que le poids grandissant des véhicules thermiques avait annulé les améliorations technologiques en termes d’émission de CO2. Et que «le principal défi» pour tenir nos engagements est le passage à l’électrique.

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