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Quand Mandela célébra sa liberté en Toyota Cressida

Le 11 février 1990, l’Afrique du Sud vivait un jour historique. Après 27 ans de prison pour sa lutte contre la ségrégation raciale, Nelson Mandela, la figure iconique anti-apartheid, était libéré. Un événement qui, indirectement, mit en lumière une certaine Toyota Cressida. 

11 février 1990, peu après 15 heures. Les premiers pas de Nelson Mandela après 27 ans d’enfermement, aux côtés de son épouse Winnie - Crédit DR

11 février 1990, peu après 15 heures. Les premiers pas de Nelson Mandela après 27 ans d’enfermement, aux côtés de son épouse Winnie – Crédit DR

C’était un bel après-midi d’hiver austral, sous la chaleur. Un cortège de véhicules stationnait devant la prison Viktor Verster, à Paarl, à une soixantaine de kilomètres à l’Est du Cap. Peu après 15h, Nelson Mandela franchit le poste de garde, vêtu d’un costume-cravate aux tons sombres et d’une chemise blanche, main dans la main avec son épouse Winnie.

Plutôt que de s’engouffrer aussitôt dans la voiture qui l’attendait, celui que ses partisans surnommaient « Madiba », du nom du clan tribal dont il était issu, fit le choix de goûter à  ses premières minutes de liberté à pied, « comme un homme ordinaire » dira-t-il plus tard. Il s’avança tout sourire et le poing levé, geste symbole de tous ses combats, sous les acclamations d’une foule de sympathisants.

Les vivats qui accompagnaient Mandela étaient à la hauteur de l’engagement humaniste qu’il n’avait eu de cesse de porter, y compris du fond de sa cellule, durant ses 27 années d’emprisonnement. En ce dimanche 11 février 1990, l’Afrique du Sud célébrait le retour au premier plan d’un héros national, figure emblématique de l’ANC (Congrès national africain) et chantre de la lutte contre l’apartheid.

Une Cressida pour « Madiba »

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Une Toyota Cressida teinte gris-argent, immatriculée CA 9981, avait été choisie à la dernière minute, pour accompagner la libération de Nelson Mandela – Crédit DR

A plusieurs centaines de mètres du centre de détention, une  Toyota Cressida attendait le feu vert pour transporter son invité de marque. Ce choix de voiture avait été arrêté dans la précipitation, la veille même, après l’annonce par Frédérik De Klerk, le président sud-africain en fonction, de la libération de Mandela.

Alors que le gouvernement avait souhaité médiatiser la sortie de son plus ancien opposant politique par l’intermédiaire d’une luxueuse Mercedes-Benz, les proches de « Madiba » avaient au contraire voulu marquer leur indépendance vis-à-vis des dirigeants sud-africains en dépêchant pour lui une Cressida, un exemplaire gris-argent immatriculé CA 9981, loué à la hâte chez un concessionnaire Toyota de Bellville, localité située entre Paarl et Le Cap.

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Ce modèle de berline japonaise était plutôt populaire dans le pays. Puissante (190 chevaux sous la pédale), dotée d’une caisse autoporteuse, d’une transmission automatique et d’options de bord dernier cri, la Cressida dissimulait ses atouts techniques dans une carrosserie tri-corps de 4,70 mètres. Avec son look carré et sobre, elle s’avérait beaucoup moins tape à l’œil qu’une routière badgée de la firme à l’étoile. C’est pour ces raisons que le staff de Mandela opta pour cette dernière.

Dès que son épouse et lui prirent place à bord, le public se pressa pour envelopper la voiture avec spontanéité, ne se privant pas pour s’agglutiner aux vitres, pour taper de joie sur le capot, sur le toit et le coffre. Les policiers à moto déployés pour l’événement parvinrent tant bien que mal à frayer un passage au véhicule. A l’arrière de la Cressida, Mandela répondait à ses supporters par de larges sourires et des saluts de la main.

Le pied lourd du chauffeur…

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A Paarl comme au Cap, c’est une marée humaine qui accompagna l’avancée de la berline japonaise. Le chauffeur de la voiture était paniqué par cette effusion de joie populaire, racontera Mandela, après coup – Crédit DR

Derrière le volant, l’ambiance était tout autre… Le chauffeur était en effet comme hagard, pris de panique même. Il était davantage enclin à fuir cette foule qu’à profiter du moment, comme le regrettera Mandela dans son autobiographie.

Après quelques minutes de confusion, une fois une issue trouvée par le service d’ordre, la Cressida et son escorte purent prendre la direction du Cap, plus précisément de Grande Parade, la principale place publique de la métropole côtière. C’est là-bas, au cœur de sa province natale, que Mandela était solennellement attendu, à l’occasion d’une cérémonie en son honneur.

Sur le parcours pourtant, tandis que le cortège circulait jusque-là sans encombre, entrant dans Le Cap puis approchant de Grande Parade, le chauffeur perdit un instant les pédales… Ainsi, subitement, alors qu’une masse de supporters se formait de nouveau, il fit ronfler le bloc 3 litres essence de la Cressida et accéléra vivement pour s’extirper d’un attroupement, au risque de renverser quelqu’un… Dans le même élan, sans prévenir, il prit la direction opposée de l’Hôtel de Ville.

Mandela, interloqué, lui demanda instamment de se calmer. Il profita néanmoins de cet itinéraire « bis » pour accorder à son angoissé de pilote quelques minutes de conduite plus reposante. Il le fit notamment passer par le quartier indien, où résidait l’un de ses vieux collègues avocats et amis de l’ANC.

Délivrance sur « Grande Parade »

La Cressida arriva à l’hôtel de Ville en fin d’après-midi, sur la place de Grande Parade, dans une atmosphère de liesse indescriptible – Crédit DR

La Cressida arriva à l’hôtel de Ville en fin d’après-midi, sur la place de Grande Parade, dans une atmosphère de liesse indescriptible – Crédit DR

Ce contre-temps n’entama en rien la ferveur sur Grande Parade. Une marée humaine, 80 000 à 100 000 personnes selon les observateurs, patientait joyeusement. Le chauffeur, qui avait entre-temps retrouvé ses esprits, redémarra le moteur et se mit définitivement en route vers l’esplanade, sereinement cette fois. Sur la plage arrière, avait été disposée la une du célèbre Sunday Times (d’Afrique du sud) avec le titre « Free ! » » écrit en lettres capitales.

Nelson Mandela arriva à destination dans une liesse indescriptible. Entouré de ses gardes du corps, Il quitta sa Toyota et rejoignit le balcon de l’hôtel de Ville pour saluer les habitants. Il y prononça son premier discours d’homme libre. Le discours d’un « humble serviteur » qui préfigurait son irrésistible accession au plus haut sommet de l’état, quatre ans plus tard.

De ce dimanche 11 février 1990, la petite histoire dans l’Histoire retiendra que la Cressida qui transporta Mandela fut restituée les jours suivants au concessionnaire de Bellville. Elle fut achetée peu après, par un particulier qui paya « cash » le véhicule. Plusieurs fois revendue par la suite, à des acheteurs prétendant pour certains tout ignorer de la légende entourant la berline, la Cressida refit surface en 2020 au Lesotho. Son propriétaire de l’époque, conscient quant à lui du morceau mémoriel qu’il détenait dans son garage, était sur le point de la revendre au plus offrant sur le marché des collectionneurs. Depuis, c’est silence radio…

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