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Lotus Eletre : survie électrique

lotus eletre : survie électrique

La vie des puristes automobiles se complique. Pendant que le BMW XM réalise un superbe démarrage commercial, qu’Alpine se prépare à devenir une marque entièrement électrique, que la Mercedes C63 AMG fait « vrombir » un quatre cylindres et que les sportives thermiques abordables disparaissent du catalogue, Lotus lance un SUV électrique familial pesant entre 2 490 et 2 640 kg selon la version. Oui, Lotus, cette marque célébrée depuis le siècle dernier par les amateurs de sportives légères et minimalistes aux sensations si radicales. Le chantre du « light is right » vole en éclats et le génial fondateur Colin Chapman doit se retourner dans sa tombe.
La marque fait désormais partie des joyaux de Geely, ce géant chinois possédant par ailleurs Volvo, Polestar, 17% d’Aston Martin, 10% de Mercedes-Benz et 40% de la nouvelle co-entreprise montée avec Renault sur la conception de moteurs thermiques.
En quelques années, l’univers de Lotus a beaucoup changé. Fini le temps des Elise et Exige hurlantes ! Même si Hethel propose l’Emira entièrement thermique face aux Alpine A110 et autres Porsche Cayman, il s’agit d’un chant du cygne pour cette technologie. Après sa supercar Evija de 2 000 ch dont la mise au point s’éternise, Lotus prépare l’arrivée d’ici la fin de l’année d’une grosse berline zéro émission concurrente de la Taycan (projet « type 133 »), un SUV électrique au format du Porsche Macan (projet « Type 134 ») d’ici 2025 puis une voiture de sport électrique dont la conception se fera finalement sans Alpine.

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Objectif ambitieux

Le modèle que nous découvrons à Oslo repose comme les deux autres futurs véhicules familiaux sur l’architecture EPA (Electric Premium Architecture) que les ingénieurs annoncent comme entièrement différente de celles de Polestar et Volvo, des marques cousines utilisant des châssis modulaires à batteries.
Le nom Eletre se prononce « Eletra » et le mastodonte a fait couler beaucoup d’encre depuis la diffusion des premières images l’année dernière. Fabriqué en Chine, plus long qu’un Q7 et aussi lourd qu’un Range Rover, il évoque plutôt un Urus ou un DBX que l’ADN du constructeur réputé pour ses authentiques sportives. Au choc de la découverte de ce pachyderme contraire aux canons historiques de Lotus, il faut aussi ajouter la stratégie opérée par Geely pour en faire une marque concurrente de Porsche d’ici la fin de la décennie avec un objectif de 150 000 ventes annuelles. Exactement comme Alpine qui vise la même échéance et s’appuie sur des SUV électriques ! Les marques de sport sont-elles devenues folles ? Elles s’adaptent simplement à cette tendance déplorable et il devient impossible de se contenter de pures sportives pour toucher une clientèle large. Maintenant que toutes les marques de prestige possèdent au moins un SUV et que Porsche prépare le passage à l’électrique de son Cayenne, Lotus se permet de devancer les Allemands sur ce segment des gros SUV électrifiés qui risque d’exploser durant ces prochaines années.

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Ouverture d’esprit

Aussi faut-il faire preuve de recul et d’ouverture d’esprit pour aborder cet Eletre sans se plaindre de son positionnement incroyablement loin des traditions de la marque. Avouons d’abord que la ligne travaillée de cet énorme SUV rend mieux en vrai qu’en photo, avec une silhouette élancée qui supporte sans problème la comparaison avec ses rivaux. L’avant évoque celui des Emira et Evija. Au moment de découvrir l’intérieur, l’excellence de la finition prend totalement par surprise. Outre l’habitabilité, le dessin futuriste mais pas caricatural de la planche de bord et la qualité des matériaux n’ont rien d’une production chinoise au rabais. L’atmosphère qui y règne confine à la relaxation et malgré la hauteur de caisse, la position de conduite ne donne pas l’impression de rouler dans une bétaillère familiale. Dès les premiers mètres, la luminosité intérieure (merci le toit vitré panoramique), l’inévitable silence de roulage et le ouaté de l’amortissement pneumatique surclassent le confort d’un Porsche Cayenne thermique ou hybride rechargeable.
Notre essai débute avec l’Eletre S, version à l’équipement de pointe du modèle de base. Il se « contente » de deux moteurs électriques à aimant permanent, de même puissance, installés sur chacun des trains roulants et fournissant au total 603 ch. En mode Sport, la poussée reste franche et ne diminue pas après le 0 à 100 km/h expédié en 4’’5. On reste en-dessous des catapultages ressentis en Taycan Turbo S (625 ch hors Boost). La faute incombe aux 225 kg d’écart mais aussi à une volonté de jouer davantage sur le terrain de la linéarité que de la brutalité contrairement à Tesla ou d’autres marques. Avec ce mode Sport et l’ESP désactivé, l’Eletre peut-il se montrer amusant à piloter ? L’amortissement efficace sur nos routes d’essai norvégiennes parfois bosselées et la bonne tenue de caisse ne coupent pas l’envie de le brutaliser malgré la légèreté de la direction et le gabarit de la bête. Il y a beaucoup de grip avec les Pirelli PZero sur mesure et quand le train avant commence à rendre les armes, le train arrière devient gentiment mobile pour aide à pivoter. Notez qu’il n’existe qu’un système torque vectoring s’appuyant sur les freins et que la répartition du couple s’établit à 50/50 entre les essieux.

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Jusqu’à 905 ch !

La puissance maxi cumulée grimpe à 905 ch sur l’Eletre R que nous récupérons sur une piste d’atterrissage après notre essai routier de l’Eletre S. On doit cette augmentation à la présence d’un plus gros moteur à l’arrière, faisant basculer la répartition du couple à 30/70 %, tout en conservant une batterie de 112 kWh. L’intensité de l’accélération devient nettement plus éprouvante avec un 0 à 100 km/h annoncé en 2’’95, cette fois au niveau de la Taycan Turbo S. Les reprises semblent même meilleures une fois passé les 100 km/h. L’Eletre R a l’avantage de proposer un mode « Track » plus radical, au regain de dynamisme guère frappant sur le parcours dessiné sur le tarmac. Plutôt frileux à l’idée de couper les aides à la conduite, Lotus nous a tout de même montré ce que le R était capable de faire sur le mouillé depuis le siège passager. Dans un virage serré négocié en accélérant à fond, le véhicule sous-vire un peu avant de se mettre en glisse et de tenir la dérive grâce à l’adresse de son pilote.
De ce que nous avons pu voir en Norvège, difficile de trouver le moindre point commun entre l’Eletre et toutes les autres Lotus de l’histoire, en dehors de quelques clins d’œil stylistiques à l’Emira. Les sensations de conduite donnent l’impression de naviguer dans un véhicule très luxueux, à des années-lumière des sportives de la marque. Ce SUV semble capable de boxer contre un Cayenne thermique, avec une aisance dont l’étendue mérite d’être explorée lors d’un essai plus poussé. Avec un ticket d’entrée fixé à 97 890 €, puis le S vendu 123 090 € et le R 153 090 €, le gros SUV Lotus se positionne bien en-dessous de la berline électrique Porsche (moins spacieuse) à équipement équivalent. Sur ce point, l’offre Lotus devient attractive. Décidément, ce projet électrique déroute jusqu’au bout.

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