Lotus

Lotus Emira : R-Évolution

Le choc. Hethel est en ébullition. Il rebat les cartes pour conquérir le monde, avec une supercar, un SUV et une GT thermique visant à rassurer la clientèle… Mais aussi et surtout à l’élargir. Sur la droite, un showroom et un restaurant d’entreprise flambant neufs. Sur la gauche, l’immense usine d’assemblage Chapman qui fait entrer Lotus dans une nouvelle ère (voir p. 27). C’est elle qui va chouchouter la petite dernière, balayant à la fois l’Elise, l’Exige et l’Evora. Juste devant, les nouveau-nés peuvent faire leurs premiers pas sur une aire d’évolution inédite. Le bâtiment dédié à la Driving Academy, lui, a disparu dans le but d’être prochainement reconstruit plus loin : stages de pilotage avec l’Emira, prise en mains des nouveaux véhicules… Lotus passe la vitesse supérieure, grâce au soutien de son actionnaire principal depuis 2017, le géant Geely (51 %, contre 49 % pour le malaisien Etika). L’esprit familial et artisanal demeure, fort heureusement. Et cela permet d’accomplir des miracles, comme concocter un programme sur mesure un mois avant les essais presse officiels.

lotus emira : r-évolution
Il faut dire que nous avons harcelé Lotus, dans le but de découvrir le nouveau visage de la marque et de tester ce coupé qui a la lourde tâche de succéder à des icônes. Le risque est colossal, d’autant que l’Emira est présentée comme le dernier bastion du moteur à combustion. En effet, l’Evija et l’Eletre ne sortiront qu’en électrique. Et un futur petit coupé électrique élaboré en collaboration avec Alpine est d’ores et déjà dans les cartons. Respirez, cela va bien se passer.
Il suffit de se plonger dans les dessous de l’Emira pour se rendre compte qu’elle garde un pied dans le passé et un lien étroit avec l’Evora : type de châssis, moteur, gabarit, philosophie… Alors, rassuré ?

Technologies éprouvées

lotus emira : r-évolution Bien que l’empattement soit identique, Lotus assure que le châssis alu a été entièrement redessiné. Il reprend le procédé de collage/rivetage et est désormais concocté dans une usine située à côté de l’aéroport de Norwich. Cette baignoire centrale est couplée une nouvelle fois à de faux châssis alu pour l’avant et acier plus costaud pour l’arrière. On retrouve également la même architecture de suspension, à savoir une double triangulation avant et arrière, des combinés passifs amortisseurs Bilstein/ressorts Eibach et des barres antiroulis. Les pistards peuvent se ruer sur le pack Sport, raidissant les ressorts et modifiant le set-up des amortisseurs (détente, vitesse d’exécution), le tout associé à des Michelin Pilot Sport Cup 2. De série, le pack Tour se focalise sur la polyvalence : tarages de suspension soft et pneus Goodyear Eagle F1 Supersport. Précisons que ces deux montes ont été développées pour l’Emira. Tous ces composants connus et reconnus sont habillés d’une carrosserie en composite qui n’est plus fabriquée chez Sora mais chez Faurecia, un autre sous-traitant français.
Quand on a la chance d’avoir l’Evora et sa descendance sous les yeux, on se rend compte que le gabarit évolue peu : moins de 2 cm d’écart en longueur par rapport à la GT, hauteur et empattement identiques… Mais l’Emira élargit les épaules (+ 4 cm) pour accueillir de grandes voies. Les formes, elles, revisitent le mélange de rondeurs et de découpes géométriques typiques, tout en évoquant la supercar Evija : phares effilés (à LED), écopes biseautées sur le capot avant… L’intérieur conserve également un côté épuré mais se veut plus classique et inclut une juste dose d’écrans : central tactile (avec mode Performance indiquant l’appui aéro) et compteurs (avec pression des pneus) au graphisme simple mais pénalisés par des reflets.
lotus emira : r-évolutionLa position de conduite est relevée d’un cran par rapport à l’Evora, en raison de sièges rembourrés offrant un maintien latéral insuffisant. On retrouve le sourire en voyant le bon vieux levier, dont la tringlerie apparente est désormais protégée par une grille, les commandes de ventilation dessinant un bonhomme casqué (comme McLaren) ou le bouton de démarrage protégé par une goupille (comme Lamborghini). Mais où se cache la commande d’ESP ? Elle apparaît sur le menu des modes de conduite et peut se déconnecter en deux temps : mode Track et Off (conservant l’ABS). Ouf, l’honneur Lotus est sauf. Il est grand temps d’aller secouer cette berlinette à moteur central sur le circuit maison et les routes alentour.

Vieille connaissance bridée

Dès le démarrage, un timbre métallique connu éveille les tympans… En douceur. Le V6 ne claironne pas à tout va, comme à bord des dernières Exige ou Evora. Il s’agit toujours du 3,5 litres Toyota dopé par un compresseur Edelbrock. Mais il opte pour une philosophie GT et non un côté grandiloquent. Il se révèle souple et linéaire, en déployant gentiment sa force à partir de 3 000 tr/mn et en commençant à se libérer dans les tours. Mais il est coupé dans son élan par le rupteur, intervenant tôt : 6 800 tr/mn. Le sifflement traditionnel du compresseur et l’échappement actif restent sur la réserve.
lotus emira : r-évolutionLotus semble en garder sous le coude pour mieux nous surprendre à l’avenir. Il ne faut pas oublier, non plus, que le V6 doit propulser au minimum 100 kg de plus par rapport à une Evora GT 410 (416 ch). Le constructeur évoque un poids minimal de 1 405 kg pour l’Emira, sans préciser qu’il s’agit probablement de la future version i4 (environ 70 000 €), abritant un quatre cylindres 2 litres turbo AMG de 360 ch coupé à une boîte à double embrayage. Nul doute que les performances devraient être très proches, étant donné la santé du bloc M139 et la rapidité de la boîte. Même si le bon vieux levier est ultra-attachant, il ne peut lutter en vitesse d’exécution.
Nous retrouvons la boîte à 6 rapports éprouvée par les Exige et Evora. Comme le tunnel est rehaussé, le débattement se retrouve raccourci. Le pédalier réclame d’avoir des chaussures fines et l’ergonomie facilite le talon-pointe. Les passages sont suffisamment prompts et précis, sauf au rétrogradage de 4e à 3e, où le guidage tend vers la 5e, très proche. Au niveau des performances, Lotus n’annonce pas de chrono sur son circuit fétiche, mais seulement un 0 à 100 km/h exécuté en 4’’3 (4’’2 pour une Evora GT 410) et une vitesse maxi de 290 km, contre 298 km/h pour l’aînée. C’est sûr, cette Emira ne manque pas de ressources, mais on n’a pas l’impression d’avoir 400 ch sous le pied : mises en vitesse, caractère moteur lissé, sonorité jamais débordante. Vivement la suite ! Pour les impatients, il existe l’alternative piste GT4, disponible dès à présent (voir encadré).

Feeling maison

lotus emira : r-évolution

Les fidèles pratiquants vont bénir un élément crucial chez Lotus : le feeling bio, la connexion totale. Merci le châssis alu, la qualité de la suspension et l’assistance de direction hydraulique (comme l’Evora), peu filtrante. En contrepartie, comme auparavant, le guidonnage est conséquent, malgré l’absence de semi-slicks, et oblige tenir le cerceau sur le bosselé. Rien de choquant de la part d’une Lotus, mais les néophytes risquent d’être surpris. Précisons toutefois que notre modèle d’essai dispose d’une suspension Sport raidie. Ce set-up n’occasionne aucune perte de grip et régale par son compromis confort/efficacité. Comme à l’accoutumée, plus le rythme augmente, plus le filtrage excelle et la fermeté s’atténue.

Cette nouvelle Lotus est bien née et ne demande qu’à s’épanouir : plus de watts, de caractère moteur et de réglages radicaux

D’un côté, ces réglages ne sont pas assez radicaux pour un usage piste. De l’autre, ils amenuisent sans doute la polyvalence offerte par le pack Tour. Notre Evora First Edition suréquipée chausse ici des pneus classiques (en raison d’une météo incertaine) associées à la suspension Sport, qui a été mise au point avec les Cup 2. Au bout du compte, ce remix est pertinent sur route ouverte, même en relevant le rythme. Mais dès que l’on tutoie les limites sur piste, les Eagle F1 Supersport saturent un peu vite et n’offrent pas le grip, la progressivité d’un Michelin Pilot Sport ou d’un Pirelli P Zero. Le point positif ? L’Emira est sensible au transfert de charge et peut glisser. Il faut transformer le sous en survirage en gardant une bonne vitesse d’entrée, en appuyant le freinage dégressif et en ajoutant du volant. Attention, avec tout le poids sur l’arrière, le dosage s’avère fin.
lotus emira : r-évolutionEn adoptant une conduite plus académique, on retrouve le déhanché d’une Evora S : équilibre de coupé à moteur central, avant à placer à l’aide des freins, super-motricité naturelle. L’Emira pourra supporter 100 ch de plus sans problème et profiter davantage de l’autobloquant Torsen, guère sensible ici. Un Cayman GTS reste plus vif aux placements, plus stable, équilibré. Sans oublier une polyvalence et une facilité de conduite sans égale. Une Alpine S renchérit sur ses ennemies par sa précision, son agilité (poids plume) et son potentiel côté ludique en forçant le trait. Ces coupés se rejoignent sur un point : leur freinage puissant et endurant. Mais l’Emira n’offre pas le même niveau de stabilité.
En clair, cette nouvelle Lotus est bien née et ne demande qu’à s’épanouir : plus de watts, de caractère moteur et de réglages radicaux. Elle s’inscrit dans la lignée de l’Evora et se définit comme une douce GT avec le pack Tour, ou prête à en découdre sur piste avec le pack Sport. À pneus équivalents, elle devrait s’incliner à Magny-Cours face à ses ennemies. Nous avons hâte de le vérifier et de la convier à la phase finale de notre élection Sportive 2022, chaussée de semi-slicks. lotus emira : r-évolution

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