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L'Europe est-elle prête pour les Kei Cars?

Dans une lettre ouverte, Luca de Meo exhorte le futur parlement européen à accompagner l'industrie automobile dans les défis énergétiques à venir. Le directeur général du groupe Renault plaide notamment pour le développement de petits véhicules électriques accessibles inspirés des Kei Cars japonaises.

Les Kei Cars, à l'image de la Nissan Sakura EV qui se taille un certain succès au Japon, correspondent parfaitement aux exigences de la mobilité quotidienne.

Les Kei Cars, à l’image de la Nissan Sakura EV qui se taille un certain succès au Japon, correspondent parfaitement aux exigences de la mobilité quotidienne.

« Les gens mettent autant d’amour-propre que d’essence dans leur voiture », avait finement observé l’écrivain Pierre Daninos, soulignant ainsi le goût des automobilistes pour les carrosseries les plus impressionnantes possibles, évocatrices de puissance et de performance. Si elle est toujours vraie, cette assertion se voit toutefois progressivement nuancée par le succès d’une modeste Citroën Ami, quadricycle électrique bridé à 45 km/h (également décliné chez Opel et Fiat, qui propose la séduisante Topolino), ou les excellentes ventes d’une Dacia Sandero, meilleure vente en Europe depuis le début de l’année. Et l’attente suscitée par un petit modèle tel que la nouvelle Citroën C3, citadine électrique tout sauf prétentieuse, illustre un véritable appétit pour des modèles simples, faciles à vivre et facturés au juste prix.

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C’est dans ce contexte que Luca de Meo, Directeur général du groupe Renault et président de l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), a publié sa «lettre à l’Europe», à quelques semaines du renouvellement du parlement à Bruxelles. Sur une vingtaine de pages (que vous trouverez en pièce jointe de cet article), l’industriel détaille les mesures qui permettraient à l’industrie européenne de faire face à la vaste transition énergétique dans laquelle elle est engagée.

“Rouler tous les jours dans un véhicule électrique qui pèse 2,5 tonnes est un contre-sens écologique”

Parmi les pistes évoquées par Luca de Meo, l’une nous semble particulièrement frappée au coin du bon sens. A rebours du toujours plus (de poids, de matières premières, de technologie, et de prix), l’homme plaide pour le développement massif de petites voitures largement suffisantes au quotidien et en usage urbain, directement inspirées des « kei cars » japonaises, ces voitures d’une longueur maximale de 3,40 m. et qui représentent environ 4 ventes sur 10 au pays du soleil levant. « En vingt ans le prix moyen des citadines a bondi de 10.000 à 25.000 euros. Et le budget annuel des consommateurs mobilisé pour leur mobilité personnelle (essence, entretien, assurance et taxes) a flambé de 3.500 euros à 10.000 euros. Comme dans le même temps, le salaire moyen n’a progressé que de 37%, les classes moyennes se détournent de la voiture. En Europe, les ventes ont chuté de 13 millions d’unités en 2019 à 9,5 millions en 2023 », rappelle ainsi Luca de Meo. «C’est un fait : rouler tous les jours dans un véhicule électrique qui pèse 2,5 tonnes est un contre-sens écologique. Le problème c’est que les réglementations européennes (sécurité, émissions…) ont impacté négativement la profitabilité du segment des petites voitures. Leurs ventes ont baissé de 40% en vingt ans. La solution c’est de s’inspirer du concept des « kei cars », les citadines japonaises. De sa naissance à la casse, une petite voiture a un impact environnemental inférieur de 75%. Elle peut être vendue 50 % moins cher qu’un modèle de milieu de gamme. Avec un arsenal de mesures très peu coûteuses, on peut inverser rapidement la tendance : leasing sociaux, places de parking gratuites, prix préférentiels de recharge, taux d’intérêt plus bas pour les crédits, incitations pour les jeunes acheteurs, etc…»

Une proposition à laquelle on ne peut que souscrire, surtout si l’on songe que le kilométrage moyen quotidien d’une électrique est de 47 km (source : étude Enedis, septembre 2023). Une petite voiture peu onéreuse, légère, et dotée d’une batterie lui permettant de couvrir 150 à 200 km, aurait clairement toute sa place sur le marché, loin des « tanks » électriques actuels dont la conception s’opère au détriment de l’efficience énergétique. Il se trouve d’ailleurs que Nissan, partenaire privilégié de Renault (malgré les remous que l’on connaît), dispose dans sa gamme d’un véhicule correspondant parfaitement au cahier des charges. La Sakura EV, présentée en 2022, développe 63 ch, peut atteindre les 130 km/h et sa petite batterie de 20 kWh lui assure  jusqu’à 180 km d’autonomie. Moyennant quelques adaptations réglementaires et sécuritaires, des voitures de ce type auraient clairement toute leur place sur les routes du Vieux Continent. Puissent nos futurs élus écouter Luca de Meo, et puissent les autres industriels européens développer des modèles de ce type. Car du côté des chinois, certains sont prêts, comme en atteste l’exemple de la Wuling Hongguang Mini EV. Moins d’amour-propre, moins d’essence, mais plus d’efficience.

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Wuling Hongguang Mini EV

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