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Pourquoi Renault risque de perdre le contrôle de Nissan

pourquoi renault risque de perdre le contrôle de nissan

L’Alliance Renault-Nissan

Nissan veut que Renault réduise sa participation. Le français pourrait descendre jusqu’à 15% de Nissan. Vingt trois ans après les débuts de l’Alliance, ce ne serait pas glorieux.

Mars 1999 est très loin! Louis Schweitzer, alors PDG de Renault, scellait à ce moment-là la prise de contrôle de Nissan par le français. Vingt-trois ans plus tard, Renault est nettement moins flamboyant. Nissan fait en effet pression sur son partenaire pour qu’il réduise sa participation dans le capital du constructeur automobile japonais et réorganise leur alliance, indique le Wall Street Journal. Le constructeur au losange pourrait donc réduire sa part au capital de Nissan, remettant en cause la primauté du groupe tricolore. Une première. La firme de Boulogne-Billancourt pourrait redescendre jusqu’à 15%, contre 43,4% actuellement, indiquait dimanche le quotidien Les Echos. Renault aurait donc la même participation dans le japonais que ce dernier détient dans la firme au losange. Humilité ou humiliation? Les négociations entre Renault et Nissan, qui durent depuis des mois, “accélèrent depuis fin août” et devraient encore s’intensifier d’ici novembre, souligne pour sa part l’AFP.  

Plusieurs questions sont toujours en discussion. La baisse de la part de Renault devrait se faire par paliers. Et le problème des droits de vote n’est toujours pas résolu. Car les 15% de Nissan dans Renault sont… sans droits de vote! Une disposition qui a toujours révolté les dirigeants de Nissan dans leur for intérieur. Selon Les Echos, Renault, dont l’Etat français possède 15% du capital et 22% des droits de vote, pourrait récupérer “jusqu’à 4 milliards d’euros” de la vente de ses titres Nissan. Des discussions au sein de l’Alliance ont lieu ce lundi 10 octobre à Yokohama, siège de Nissan. “La transaction, en cas d’accord, pourrait être annoncée dès novembre”, assurait pour sa part vendredi le Wall Street Journal. Renault a indiqué qu’il tiendrait une conférence dédiée aux investisseurs le 8 novembre prochain.

Nissan entrera dans “Ampère”

Nissan doit par ailleurs entrer dans le pôle des activités électriques de Renault, “Ampère”, la future entité autonome que le français s’apprête à créer. Renault et Nissan ont confirmé ce lundi dans un communiqué commun des “discussions” pour un “projet d’accord sur un ensemble d’initiatives stratégiques communes à travers les marchés, les produits et les technologies”. Et ce, pour “renforcer la coopération et l’avenir de l’Alliance”. Le communiqué met en exergue “l’intérêt de Nissan d’investir dans la nouvelle entité Renault EV (Ampère) qui soutiendra la stratégie Renaulution de Renault et sera une des étapes stratégiques du Nissan Ambition 2030″.  L’agence Agefi-Dow Jones et le Wall Street Journal indiquent que Renault prévoit de détenir au moins 51% d’”Ampère”.

“Renault avait une structure classique, un peu monolithique et complexe avec des marques, des fonctions, des régions et l’Alliance”, explique Luca De Meo à Challenges. “Le pôle électrique Ampère sera au cœur de Renault avec des équipes compactes de 10.000 personnes entièrement dédiées, focalisées sur six ou sept initiatives pour l’avenir du secteur. On peut éventuellement  ouvrir le capital, coter ces entités différentes, faire appel des investisseurs. Il faut aller chercher de l’argent dehors. Et, pour cela, il faut des projets solides, sinon l’argent ne vient pas”, ajoute le directeur général. L’entité électrique, basée en France, comprendra les usines d’Electricity (Douai, Maubeuge) dans le Nord mais aussi de Cléon (Seine-Maritime) et une grosse partie du Technocentre (Yvelines).

Un second pôle (nom de code “Horse”), rassemblant les sites de moteurs et transmissions pour véhicules à combustion en Espagne, au Portugal, en Roumanie, Turquie et Amérique latine avec 10.000 employés également, serait aussi créé. Il est prévu de le partager entre Renault (35 à 40%), le chinois Geely (35-40%), ainsi que le saoudien Aramco. Un pôle clé puisqu’il regroupera les moteurs équipant les Dacia à bas coûts ainsi que les hybrides que Renault a développé avec son allié Nissan! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Nissan est très attentif au devenir de cette entité. Mais le Japonais ne semble pas intéressé par une participation dans “Horse”.

Il faudra bien un jour rééquilibrer l’Alliance

“Il faudra bien un jour rééquilibrer l’Alliance d’une façon ou d’une autre”, affirme une source interne du constructeur tricolore. Les dirigeants du  groupe japonais acceptent de plus en plus mal ce déséquilibre structurel de l’Alliance. Plusieurs tempêtes ont d’ailleurs eu lieu dans le passé entre les alliés français et nippon. Une querelle ouverte entre l’Etat, Renault et Nissan était notamment intervenue au printemps 2015 quand l’Etat avait brusquement acheté 14 millions de titres lui permettant d’accroître sa participation dans Renault. Cette opération visait à acquérir la minorité de blocage lui permettant de faire passer en assemblée générale les droits de vote double prévus par la fameuse “Loi Florange” donnant une prime aux actionnaires de longue durée.

L’Etat voulait ainsi se prémunir contre une modification éventuelle de la structure de l’Alliance sans son consentement. Mais, Nissan avait pris ombrage, pour la première fois publiquement, de cette montée en force de l’Etat français, vécue comme un risque d’ingérence dans la gestion opérationnelle de la firme de Yokohama. Et cet affront est resté dans la mémoire collective des dirigeants de Nissan. La chute de Carlos Ghosn, double dirigeant de Renault et Nissan arrêté en novembre 2018 en raison de malversations présumées, a été par ailleurs interprétée à l’époque comme un refus de Nissan de se laisser embarquer dans une éventuelle fusion avec Renault sous l’égide de l’Etat français.

Renault, Nissan, encore convalescents

Il a fallu ensuite des mois d’affrontements ouverts, pour que Jean-Dominique Senard, successeur de Carlos Ghosn à la présidence de Renault, arrive à calmer les esprits. Après de longues tractations, Nissan s’est finalement choisi en octobre 2019 un dirigeant relativement jeune, Makoto Uchida, pour devenir son nouveau patron  et recoller les morceaux avec son actionnaire de référence Renault. Mais les fondements de l’Alliance avaient sérieusement tremblé et on était passé très près de la rupture. La profonde crise de Nissan a… heureusement calmé les ardeurs séparatistes des Japonais, la priorité étant alors au redressement.

Aujourd’hui, les deux entreprises restent fragiles. L’Alliance affiche globalement de médiocres résultats financiers. Nissan est certes revenu aux profits sur son exercice annuel 2021-2022 (1er avril-31 mars). Tout comme Renault. Le bénéfice net de Nissan (1,6 milliard d’euros) demeure toutefois treize fois inférieur à celui de son compatriote Toyota, qui vend 2,7 fois plus de véhicules. C’est neuf fois moins que Stellantis, qui écoule 1,7 fois plus d’unités annuellement! Médiocre, le bénéfice net de Nissan est tout de même deux fois… supérieur à celui de son actionnaire Renault, qui vend un million de véhicules en moins. Mitsubishi Motors (MMC), dont Nissan détient 34% du capital de puis 2016, enregistrait pour sa part un bénéfice net de 550 millions d’euros en 2021-2022.

Renault est toujours en position de faiblesse. Il affichait certes une marge opérationnelle de 4,7% au premier semestre 2022, en nette amélioration (2,1% un an auparavant). Mais les seules activités automobiles (hors activités financières) de Renault arborent une marge encore très mesurée, de 2,1% à peine. C’est la plus faible de l’industrie automobile mondiale! Peu glorieux.

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