FIAT

Route de nuit

« Chez Fiat, ils font des carrosseries »

Cette déclaration, émanant d’une personne bien placée chez Peugeot, semble bien résumer l’avenir de Fiat : rhabiller des plateformes PSA, ce qui n’a rien d’une bonne nouvelle.

peugeot, fiat, « chez fiat, ils font des carrosseries »

Le problème, c’est l’idéalisme. Quand deux grands groupes automobiles s’allient, on espère que l’un ne dominera pas l’autre, on espère aussi que le meilleur de la technologie de la chacun sera mis en commun pour proposer à la clientèle de meilleures voitures. Sauf que ça ne se passe pas toujours comme ça. Quand Renault et Nissan se sont rapprochés, ça a bien eu lieu : des moteurs japonais se sont glissés sous les capots des françaises, qui ont vu leur fiabilité nettement progresser, alors que les japonaises ont bénéficié des excellentes plateformes françaises. En revanche, quand Daimler a formé alliance avec Chrysler, le premier a essayé d’écraser le second. Echec.

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De Peugeot, la BX utilise la plateforme et les mécaniques, de Citroën, elle tire son design et sa suspension hydropneumatique. Le meilleur d’une alliance entre deux marques !

Mais remontons plus loin. Quand  Peugeot a repris  Citroën en 1974, cela a bien débouché sur des modèles mêlant les avantages des deux marques, comme la BX, la  Xantia ou même la 205, dont la suspension arrière provient des études du double chevron. Aussi, quand PSA et FCA se sont rapprochés, on a pu espérer le meilleur.

Le premier allait récupérer les excellents moteurs du second, performants et fiables, quand celui-ci allait s’équiper de ce qui lui faisait cruellement défaut : de nouvelles plateformes. Or, ça ne se passe pas comme ça. Loin d’être abandonné, le 3-cylindres Puretech français, à la fiabilité pour le moins contestée, non seulement continue sa carrière, mais en plus va remplacer les excellents blocs Firefly italiens, plus solides, dans les futures Fiat et Lancia.

Certes, le moteur animant les Citroën, DS, Peugeot et autres Opel, se voit nettement modifié, troquant sa problématique courroie de distribution barbotant dans l’huile contre une chaîne, apparemment plus digne de confiance. Sauf qu’on se souviendra les soucis interminables rencontrés par le bloc THP, de PSA-BMW, avec justement sa chaîne de distribution. Espérons que des enseignements en auront été tirés ! De plus, le remarquable 1.6 JTDm de Fiat passe purement et simplement à la trappe, quand la partie française de Stellantis continue avec son 1.6 HDi DV6 qui enchaîne les ennuis.

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Au Brésil, la Peugeot 208 reçoit le 3-cylindres 1.0 Turbo Firefly de Fiat.

Certains rétorqueront qu’installer des blocs Fiat dans les plateformes PSA n’a rien de logique d’un point de vue industriel. Or, c’est pourtant ce qu’il se passe au Brésil, où la Peugeot 208 s’équipe d’un 3-cylindres Firefly. Il est vrai qu’au pays de la Samba (pas la Talbot), l’ex-géant italien est leader du marché, s’appuyant sur une gamme et des usines autrement plus importantes que celles de PSA.

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La nouvelle 600e montre ce que seront les futures Fiat : des Peugeot recarrossées…

En revanche, en Europe, les dernières nouveautés italiennes ne sont que des Peugeot rhabillées : ainsi de la Fiat 600e, une e-2008 dessinée comme une 500 géante, et de la Lancia Ypsilon, une e-208 au look étrange. La future Panda sera une e-C3 au design italien, tandis que les Alfa Romeo à venir soit récupéreront la base de la 2008 (la Milano) soit s’établiront sur la nouvelle base STLA Large, également prévue pour les prochaines Maserati, Dodge et Chrysler.

En réalité, PSA applique à FCA ce qu’il a fait chez Opel. Si c’était crucial pour la marque allemande, vidée de sa technologie par GM, cela passe plus difficilement pour les blasons italiens, surtout Fiat. Ce dernier occupe en effet une place primordiale dans l’Histoire automobile de par sa technologie et ses innovations.

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La 128 de 1969 montre que Fiat pouvait créer des modèles novateurs, dont la technique et l’architecture servent d’exemple à la concurrence. Elle sera élue Voiture de l’année 1970.

Lesquelles ? C’est lui qui a produit la première petite voiture populaire, la Topolino en 1936, le premier monospace, la 600 Multipla en 1956, et qui a mis au point l’architecture encore utilisée par 99 % des tractions actuelles : le moteur transversal à arbre à cames en tête où la boîte est boulonnée sur le vilebrequin, la suspension recourant à des jambes de force. Un ensemble révélé sur la  128 en 1969, puis repris sur la 127 en 1971, celle-ci créant de facto le segment B avant de servir de benchmark à VW (Polo) et à Ford (Fiesta). Fiat, des années plus tard, a créé la première berline turbo-diesel à injection directe (la Croma TDid en 1988), et surtout a inventé le common-rail, révélé fin 1997 sur l’Alfa Romeo 156. Depuis, les innovations se sont raréfiées, se limitant principalement à la commande Multiair, reprise uniquement chez Jaguar Land Rover, et en catimini.

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En 1997, l’Alfa Romeo 156 inaugurait la technologie Common-rail, qui allait équiper tous les diesels. Une révolution !

C’est là qu’on touche à ce qui a été la chance et la déchéance de Fiat : les Agnelli. Giovanni a créé puis brillamment développé la marque jusque dans les années 40, Gianni, le petit-fils a plus ou moins adroitement géré le blason a partir de 1967, puis la famille s’est plus souciée de constituer un empire financier que d’investir comme il aurait fallu dans les produits. Cela a engendré une dégringolale des ventes et débouché en 1999 sur un accord bancal avec GM, qui s’est accaparé bon nombre d’ingénieurs italiens.

Le coup de poker signé Marchionne en 2009, qui a récupéré Chrysler (et ses dettes abyssales) pour 1 $, débouche en 2014 sur la création de FCA (Fiat Chrysler Automobile). Mais l’association de deux géants malades (même si l’un l’est bien moins que l’autre) produit rarement de bons résultats, et Fiat manque de ressources pour fournir aux marques américaines, exsangues, les nouveaux modèles qui lui font défauts.

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Carlos Tavarès (à gauche) et John Elkann, respectivement patrons de PSA et FCA, créent Stellantis en 2021, tout sourire. Depuis, les rivalités refont surface car si les Français ont la direction opérationnelle, les Italiens conservent l’avantage financier.

Résultat, on vend les bijoux de famille (Magneti-Marelli), on introduit en bourse Iveco et Ferrari (largement détenus par Exor, la holding des Agnelli, dont le patron, John Elkann, est aussi celui de Stellantis), et bien des ressources humaines partent à Detroit. En clair, le flamboyant bureau d’études de Fiat s’est progressivement réduit à peau de chagrin, en Italie du moins, et ce, bien avant la fusion avec PSA.

Pas étonnant dès lors que les ingénieurs et hauts cadres de ce dernier, en grande forme, aient littéralement pris possession des marques italiennes, en faisant fi de leur riche passé. Toutefois, il semble que ça regimbe en Italie face à cette mainmise française, peu réjouissante mais dictée largement par des impératifs financiers. Carlos Tavarès a tenté un rapprochement avec Renault, pour diluer le pouvoir d’Elkann, qui justement s’est farouchement opposé à cette manœuvre. Mais les deux parlent bien peu de produits et d’innovation… L’uniformité technologique gagne encore du terrain : on aimerait que Fiat fasse autre chose que s’auto-caricaturer sur des bases PSA.

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