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Une "révolution industrielle" pour le transport routier: l'Europe veut verdir ses bus et ses camions

Après les Vingt-Sept, les eurodéputés votent cette semaine pour réduire les émissions carbone des poids lourds et généraliser les bus “zéro émission”, défi logistique et industriel qui inquiète les constructeurs. L’enjeu est crucial pour les objectifs climatiques européens: les camions, bus et cars génèrent plus de 6% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, un quart des émissions du transport routier.

En février, la Commission européenne avait dévoilé ses propositions pour s’y attaquer –le jour même où les eurodéputés entérinaient la fin des ventes de voitures neuves à moteur thermique en 2035. Selon le projet législatif de Bruxelles, les émissions des véhicules lourds vendus à partir de 2030 devraient être réduites d’au moins 45% par rapport à 2019, puis abaissées de 65% en 2035 et de 90% en 2040. Mi-octobre, les ministres européens de l’Environnement ont repris ces objectifs.

Des camions sur l’autoroute A10 près de Bordeaux, le 21 novembre 2018.

Réunis à Strasbourg, les eurodéputés adopteront à leur tour leur position mardi, avant des négociations avec les Etats. Un compromis trouvé en commission parlementaire fixe un objectif 2035 plus ambitieux (baisse de 70% des émissions). Pour les poids lourds, qui marchent au diesel ou à l’essence, le virage vers l’électrique ou l’hydrogène (piles à combustible ou moteurs à combustion modifiés) s’annonce inévitable.

Piles à hydrogène

Le groupe allemand Daimler et le groupe suédois Volvo produiront en série dès 2025 des piles à hydrogène pour camions. Et le numéro un mondial des camions Mercedes-Benz Trucks a récemment présenté son premier modèle de camion électrique longue distance. Il s’agit d’une “révolution industrielle”, doublée d’un “défi redoutable” que représente la production d’électricité ou d’hydrogène vert pour alimenter cette flotte décarbonée, reconnaît Bruxelles.

L’Association des constructeurs européens automobiles (ACEA) s’alarme d'”ambitions irréalisables” sans infrastructures suffisantes et de solides mesures incitatives à l’achat. Selon elle, l’objectif 2030 représenterait plus de 400.000 camions zéro émission sur les routes, nécessitant quelque 700 stations de rechargement en hydrogène et 50.000 points publics de recharge électrique adaptés, infrastructures qui font quasi-entièrement défaut.

“La décarbonation n’est pas une entreprise solitaire. Les clients doivent avoir confiance” pour acquérir ces véhicules, souligne Sigrid de Vries, directrice générale de l’ACEA.Les eurodéputés devraient également réduire la liste de dérogations fixée par les Etats: le compromis conclu entre groupes parlementaires prévoit d’étendre le texte aux camions de petite et moyenne taille.

Rivaux chinois et américains

Si les véhicules de police ou de pompiers, ambulances, véhicules agricoles ou forestiers resteraient exemptés, les règles s’appliqueraient à une partie des véhicules professionnels (camions à ordures, bétonnières…) faciles à décarboner. “Il s’agit d’apporter de la visibilité à l’une des principales industries manufacturières, d’inciter clairement à investir dans l’électrification et l’hydrogène”, résume le rapporteur (Verts) du texte, Bas Eickhout.

“S’ils veulent conserver leur prédominance dans l’UE, les constructeurs européens de camions doivent accélérer leur transition”, au risque sinon de connaître le sort des fabricants de voitures face à l’irruption de rivaux américains et chinois sur l’électrique, avertit cependant Sofie Defour, de l’ONG Transport & Environment. Pour les poids lourds “verts”, les américains Tesla et Nikola ou les chinois BYD et Windrose sont en embuscade, dopés chez eux par les massifs plans de subventions de Washington et Pékin.

Les constructeurs européens pourraient perdre jusqu’à 11% de parts de marchés dans l’UE d’ici 2035 au profit de concurrents internationaux et d’importations aujourd’hui inexistantes, selon le cabinet BCG, alors que le “zéro émission” pourrait dès 2030 représenter 30% de la demande européenne de camions à mesure que les prix baisseront.

7.000 nouveaux emplois

La législation devrait doper l’économie – 7.000 nouveaux emplois nets et 10 milliards d’euros de PIB supplémentaires en 2035 selon BCG – “mais l’ampleur des gains dépendra de la rapidité de la transition”, rappelle Sofie Defour. Autre objectif: la Commission propose que tous les nouveaux bus mis en service dans les villes européennes à partir de 2030 soient “zéro émission”. Les Etats souhaitent repousser l’échéance à 2035, avec un objectif intermédiaire de 85% d’ici 2030.

“Des collectivités locales viennent d’investir lourdement dans d’autres technologies de transition”, bus hybrides ou à biométhane par exemple, “il faut leur laisser le temps de s’adapter”, plaidait mi-octobre la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. “Il faut également s’assurer qu’on dispose d’une offre industrielle adéquate au niveau européen, c’est un enjeu de souveraineté”, ajoutait-elle.

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